D’après l’article de Jean Nonin dans le bulletin n° 2 de juin 2000
Pierre Loti a utilisé parfois des paquebots pour rejoindre ou revenir de ses affectations, et aussi pour ses voyages personnels, de 1876 à 1913. Chaque paquebot est présenté dans l’ordre chronologique des voyages, avec la raison, les dates, les lieux de départ et d’arrivée. Vous trouverez également les caractéristiques, l’histoire et un cliché de chaque navire en question. De plus, certaines photographies et fac-similés accompagnent le texte.
1876 – Paquebot « EUXENE »
Pierre Loti écrit dans son journal intime, le 29 juillet 1876,
« Je reçois un matin à 10 heures cet ordre inattendu à quitter brusquement « La Couronne » (frégate cuirassée de l’escadre d’évolution en Méditerranée) et Salonique prendre passage sur le paquebot « Euxène » qui appareille demain matin pour les Dardanelles (…) pour traverser Marmara et rejoindre « Le Gladiateur » (Canonnière de flottille, stationnaire à Constantinople) (…) ».
La traversée dure 3 jours et 3 nuits. Pierre Loti arrive le 3 août à Constantinople.
C’est pendant ce séjour à Salonique qu’il rencontre Aziyadé qu’il retrouvera à Constantinople.
Ce paquebot « Euxène », construit en 1865, par Caird and Co Greenock, est acheté en mars 1865 par la Compagnie Fraissinet afin d’effectuer la ligne Constantinople, la Mer Noire, Smyrne et la Syrie.
Au mois d’août 1895, il est vendu à la démolition. Sa longueur est de 80 mètres, sa largeur de 9 mètres et sa puissance de 550 CV.
Faute de photographie de ce petit paquebot, voici une photo de Pierre Loti à Salonique en 1876.
1885 – Paquebot « CHATEAU-YQUEM »
Afin de rejoindre La Triomphante pour la campagne de Chine, Julien Viaud voyage sur le paquebot « Château-Yquem », du 27 avril 1885 (Saïgon) au 5 mai 1885 (Hong-Kong).
Le 1er mai 1885, Pierre Loti écrit à Madame Adam :
Madame,
Je vous écris ce petit mot en mer, je le mettrai à la poste de Hong-Kong où nous arriverons demain matin. En ce moment, je traverse la mer de Chine pour me rendre à Formose ; c’est sur un mauvais petit bateau encombré de zouaves et de « joyeux » ; on y vit en sauvage, presque nu, et dormant à la belle étoile (…)
J’embrasse vos mains avec tendre respect.
Loti
Ce mauvais petit bateau est le paquebot « Château-Yquem » construit par les Forges et Chantiers de la Gironde à Bordeaux et lancé le 17 novembre 1883. Armé par la Compagnie Bordelaise de Navigation à Vapeur, société anonyme travaillant pour le compte de la Chambre de Commerce de Bordeaux, le « Château Yquem » est un steamer pour le transport des passagers, avec salons et cabines à l’avant des machines.
Sa coque en fer est d’une longueur de 117,76 m et d’une largeur de 12,5 m, son tirant d’eau est de 6,3 m. Gréé en trois mâts (hauteur de 36 mètres) avec une surface de voilure de 10752 m2 comme beaucoup de navires (car nous sommes à la fin de l’époque où l’on passait de la navigation à voile à celle de la vapeur).Sa vitesse est de 14 nœuds, il jauge 3 109 tonneaux et, est doté de machines d’une puissance de 625 chevaux.
Ce paquebot n’a fait que quelques voyages de Bordeaux à New-York dans le courant de l’année 1884. Le 25 octobre 1884, il aborde et coule le vapeur « Le Gaulois ».
Il est loué par la Marine le 28 janvier 1885, pour 2000 fr par jour. Armé (canons de 14 cm et 6 mitrailleuses Hotchkiss) en croiseur auxiliaire à Toulon, il se rend de Toulon à Saigon avec l’escadre de l’amiral Courbet, comme transport entre le 2 mars et 14 août 1885 pour les opérations en Chine et Indochine.
Restitué à son armateur en 1885, ce navire fut d’abord affrété en 1888 par la Compagnie Nationale de Navigation pour ses lignes d’Amérique du Sud, puis en juillet 1888 affrété par la Compagnie Transatlantique pour cinq ans.
Abordé à la Havane par le paquebot espagnol « Christobal-Colon » le 28 janvier 1889, il est mis en vente en 1891 sans trouver d’acquéreur. Acheté par H. Bordes et Cie en mars 1895, à la liquidation de la société, il est affecté à la ligne Marseille-Majunga, pendant l’expédition de Madagascar en 1896, puis vendu à Fabre (Cyprien Fabre à Marseille) pour la ligne Marseille-New-York. Échoué devant les chantiers navals de la Seyne-sur-Mer le 31 décembre 1897, il est renfloué et reconditionné en 1897, il s’appellera « Le Gallia ».
Après de grosses avaries dans l’Atlantique en 1903, on le répare à New-York et il est vendu pour être démoli en 1910.
1889 – Paquebot « LOU CETTORI (Le SETOIS) »
Le nouveau ministre plénipotentiaire de France à Tanger, Jules Patrenôtre, cherche un écrivain pour l’accompagner dans sa mission à Fez, afin de présenter ses lettres de créances. Après le refus de Guy de Maupassant retenu par ses obligations, Jules Patrenôtre sollicite Pierre Loti, qui accepte, malgré la récente naissance de son fils Samuel.
Il rejoint rapidement Port-Vendres où il embarque sur le paquebot « Lou Cettori ». Le 20 mars à 7 heures du soir, ce navire quitte la France. Le voyage jusqu’à Tanger va durer du 20 au 25 mars 1889 avec escales à Oran, Nermours, Mélilla (Maroc), Malaga et Gibraltar.
Le paquebot « Lou Cettori », construit par Scott Co à Greenock en 1873 est exploité par la Compagnie Valery. Acquis en 1880, par la Compagnie Générale Transatlantique, il est affecté aux lignes méditerranéennes. Il est vendu à la démolition en 1906.
Il mesurait 75 mètres de long et 9,10 mètres de large, sa puissance était de 637 CV.
1894 – Paquebot « L’OXUS »
Le 7 janvier 1894, le lieutenant de vaisseau Julien Viaud demande par la voie hiérarchique un congé de 6 mois pour affaires personnelles, (voyage en Terre Sainte), ainsi que l’autorisation de revenir par Constantinople, Moscou, Eisenach (Saxe) et Hendaye.
Cette demande est acceptée par dépêche ministérielle du 11 janvier, confirmée par lettre du commandant en chef, Préfet maritime de Rochefort, datée du 1er février 1894 (fac-similés des deux lettres).
Dans son journal intime, Pierre Loti note :
« le 4 février, Marseille, déjeuné avec les de Ferrocel, avec Léo (Léopold Thémèze). Il y a Madame Adam et le duc de Talleyrand.
A trois heures, ils viennent nous conduire à bord de l’Oxus qui doit nous emmener (…)
Appareillage à quatre heures et en route pour l’Orient et le soleil.
Vendredi 9 février : arrivée à Alexandrie ; (…) ».
« L’Oxus » est le dernier des neuf bâtiments construits entre 1872 et 1879 à La Ciotat. Avec 125 m de long et 12.07 m de large, il dispose d’une puissance de 2900 CV et peut atteindre une vitesse de 14 nœuds. Il est lancé le 27 avril 1879 avec un état-major de 11 officiers, un équipage de 170 hommes ; il transporte 81 passagers de 1ère classe, 46 en 2ème classe et 36 en 3ème classe et éventuellement 1200 en entrepont. Il est affecté aux lignes de Chine (1er départ le 19 octobre 1879) au début de sa carrière.
Transformé en 1887, on change ses chaudières et on lui met l’électricité. Le 11 juillet 1889, en rade d’Aden, il aborde et coule « l’Anadyr », un de ses sisterships. De 1896 à 1897, il assure la ligne du Levant. En 1897, il est placé sur la ligne de Madagascar jusqu’en 1914. De 1895 à 1905, il est peint en blanc. En novembre 1898, il reste 6 jours échoué sur l’île Musha au large de Djibouti. En 1908, il effectue une rotation sur l’Amérique du Sud en remplacement de « l’Esmeralda ».
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En octobre 1914, bloqué en mer noire au cours d’un voyage par suite de l’entrée en guerre de la Turquie ; il est offert au gouvernement russe afin de servir de navire hôpital. En avril 1916, redevenu transport, il participe au débarquement de troupes et de matériel sur la plage de Laristankos en Turquie-d’Asie. A cette occasion, le commandant, le chef mécanicien, le maître d’équipage, le chef de bordée et le premier chauffeur reçoivent la médaille de Saint Georges de 4ème classe.
Au moment de l’avance des allemands en Ukraine et en Crimée, en juin 1918, « L’Oxus » se trouve à Sébastopol, afin qu’il ne tombe pas entre les mains des allemands. « L’Oxus » se réfugie à Novorossisk. Les représentants de l’Entente décident de le couler le 21 du même mois. A noter que l’équipage français avait été remplacé par un équipage russe, sauf le commandant et le chef mécanicien qui étaient français.
L’épave sera démolie en 1919.
1899-1900 – Paquebot « CALEDONIEN »
Pour la Marine, le commandant Julien Viaud est en mission auprès du département des affaires étrangères, du 10 juin 1899 au 25 juillet 1900.
Ceci est écrit par le vice-amiral, chef d’état-major général de la Marine, dans le bulletin individuel de notes de l’année 1900 (voir fac-similé du 4ème arrondissement maritime, Collection Maison de Pierre Loti).
Pierre Loti, réintégré dans la Marine, par décision du Conseil d’état du 24 février 1899, a peur des vengeances de ces messieurs de la rue Royale. Ses amis, dont Madame Juliette Adam, sont intervenus auprès des hommes politiques afin d’obtenir cette mission ; de plus l’Académie française le charge de remettre au Maharadjah de Travancore, les Palmes académiques et enfin le ministre des affaires étrangères, Théodore Delcassé, signe des lettres de recommandations aux diplomates et consulaires de France à Téhéran et aux Indes.
Pierre Loti peut donc entreprendre son voyage de l’hiver 1899-1900 aux Indes et en Perse.
Le 19 novembre 1899, à Marseille, Pierre Loti embarque sur le paquebot « Calédonien » qui le conduira à Colombo (Ceylan) où il arrivera le soir du 6 décembre 1899. Ce sera le départ de son voyage qu’il nous contera dans « L’Inde sans les Anglais et Vers Ispahan ».
Le paquebot « Calédonien » a été construit aux chantiers de la Ciotat. Mis sur cale le 1er octobre 1871, il est lancé le 18 juin 1882 ; il effectue son premier voyage sous le pavillon de la Compagnie des Messageries Maritimes, le 21 décembre 1882, vers l’Australie.
D’une longueur de 130 mètres, sa largeur est de 12,68 mètres. Sa puissance de 4000 CV lui permet d’atteindre la vitesse de 16,8 nœuds. Son état-major est de 11 officiers et son équipage de 185 hommes. Il peut transporter 90 passagers en 1re classe, 44 en seconde et 75 en troisième, plus éventuellement 1200 en entrepont.
Il a été affecté à la ligne d’Australie via Aden, Les Seychelles, Maurice, Nouméa, jusqu’en 1890, ensuite il est utilisé sur les lignes postales de Chine et de l’Océan Indien.
Il transporte en septembre 1895 Camille St Saëns, de retour de Saïgon.
Modifié en 1895 (changement des machines, rehaussement des cheminées et rallongement du roof arrière).
En 1900, il est affrété comme transport de troupes pour la campagne de Chine (guerre des boxers). Après 1901, il est essentiellement employé sur la ligne de Madagascar jusqu’en 1914.
Le 26 mai 1916, il embarque à Diego Suarez le 3ème Bataillon de Tirailleurs Indochinois. Il arrive à Marseille le 20 juin.
Le 30 juin 1917, se rendant à Madagascar, le « Calédonien » est détruit par deux explosions à une trentaine de milles de Port-Saïd ; il coule en quelques minutes. Dans cette catastrophe, provoquée par des mines mouillées par un sous-marin allemand (UC 34), 51 personnes périssent. Les survivants sont repêchés par les contre-torpilleurs français LANSQUENET et grec THYELLA.
Le « Calédonien » était en convoi et fut l’objet d’un témoignage officiel de satisfaction pour l’attitude disciplinée et le dévouement de son équipage lors de l’évacuation de ce paquebot.
1902 – Paquebot « LE SYDNEY »
Nommé capitaine de frégate, Julien Viaud est réintégré le 1er mars 1899 dans le cadre de l’activité. Il est désigné pour rejoindre « Le Redoutable » à Cherbourg. Le vice-amiral Pottier le choisit comme aide de camp.
Le 2 août « Le Redoutable » appareille pour la Chine afin de protéger les ressortissants, les représentants diplomatiques et consulaires français.
Pierre Loti, dans son Journal Intime, écrit le 2 août :
« c’est le départ, huit du matin…A 10 heures et demie, « Le Redoutable » se met en marche… ».
Maintenant Pierre Loti est en campagne pour 1 an, 7 mois et 13 jours, en Chine, au Japon, en Indochine et au Cambodge.
Le 13 mars 1902, l’amiral amène son pavillon, c’est la fin de cette campagne ; Pierre Loti quitte « Le Redoutable ».
Le 14 mars, le paquebot « Sydney » part à 3 heures du matin pour la France avec à son bord Pierre Loti très malade. « Le Sydney » arrive à Marseille, le 7 avril 1902. Pierre Loti obtient un congé de convalescence de 6 mois pour dysenterie avec fièvre et anémie. Le journal « La Petite Gironde » avait fait paraître un article annonçant que Pierre Loti était gravement malade, ce qui inquiéta sa famille qui demanda confirmation par télégramme au Ministre de la Marine.
De cette campagne en Extrême-Orient, Pierre Loti écrira : Les derniers jours de Pékin. (Dédicace à l’amiral Pottier), 1902 ; et La Troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.
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« Le Sydney » est de la même catégorie que « Le Calédonien ». Lancé le 12 novembre 1882 aux chantiers de la Ciotat, il est affecté à la Compagnie des Messageries Maritimes. Sa longueur est de 130,75 m et sa largeur de 12,66 m ; il développe une puissance de 4000 CV pour une vitesse de 16 nœuds. Il peut accueillir 90 passagers en première, 44 en seconde, et 75 en troisième.
Son premier voyage, le 15 mars 1883, sera pour l’Australie. Il assure la ligne Marseille-Nouvelle Calédonie par l’Océan Indien et l’Australie. De 1890 à 1906, il assure la ligne d’Extrême Orient, puis, alterne Australie et Levant.
Le transport maritime s’améliore et devient plus confortable, ce navire est pourvu d’un salon de musique en 1885-1886 et de l’éclairage électrique à incandescence en 1886-1887.
En 1891, se rendant de Shanghai à Saigon, « Le Sydney » est abordé à Woosung par un croiseur chinois ; coulé par petit fond, il est renfloué et réparé à Shanghai. En décembre 1898, il échoue par temps de brume sur le petit Caroubier ; renfloué, les avaries légères sont réparées à la Ciotat.
Le 17 octobre 1903, « Le Sydney » arrive à Aden à la remorque de la « Ville de Tamatave » après rupture de l’arbre porte-hélice. Il est remorqué ensuite par « L’Adour » jusqu’à Bombay où il passe en cale sèche après déchargement.
Le 13 février 1909, il subit une grave avarie (rupture de l’arbre de couche) au milieu de l’Océan Indien, et doit être remorqué par le CLAN FRASER, jusqu’à Pointe de Galles, relais pris par le remorqueur GOLIATH, de la Compagnie des Messageries Maritimes jusqu’à Colombo.
En 1913, il remplace « Le Salazie » perdu dans un cyclone, sur la ligne de l’Océan Indien.
Il arrive à passer sans encombre la grande guerre puis en février 1922, il est vendu pour démolition à Gênes.
1903 – Paquebot « LE CONGO »
Par décision d’Emile Loubet, président de la République, sur proposition de Camille Pelletan, ministre de la Marine, le capitaine de frégate Julien Viaud, est nommé au commandement du contre-torpilleur « Le Vautour ». Cette décision a paru au Journal officiel, le 7 juillet 1903 page 4141 (voir fac-similé d’une lettre adressée au capitaine de frégate Viaud (Louis, Marie, Julien) signée du contre-amiral Fauque de Jonquières (Marie, Pierre, Eugène), commandant des services de la flotte armée). Ce contre-amiral a été de la même promotion que Pierre Loti sur le « Borda ».
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Afin de se rendre à son poste de commandement sur « Le Vautour » à Constantinople, le 3 septembre 1903, Pierre Loti embarque à Marseille sur « Le Congo ». Vers 4 heures, il est en mer. Il arrive le soir du 9 septembre 1903 à Constantinople.
Le 10 septembre à 2 heures, a lieu à Beïcos où stationne « Le Vautour », la cérémonie de prise de commandement.
Le paquebot « Le Congo » est construit par les Chantiers de la Ciotat, il est le dernier de quatre bâtiments du même type. Lancé le 17 mars 1878, d’une longueur de 125 mètres et d’une largeur de 12 mètres pour une puissance de 2900 CV.
Conçu à l’origine pour la ligne d’Amérique du Sud, l’aménagement intérieur comprend une dunette avec un grand et riche salon bien décoré, et une table de 120 couverts. Son état-major est constitué de 11 officiers pour un équipage de 113 hommes, afin de permettre le transport de 96 passagers en 1ère classe, 84 en seconde et 515 dans l’entrepont.
En août 1889, « Le Congo » est affecté à la ligne d’Extrême-Orient pour remplacer « L’Anadyr » perdu le mois précédent.
Ce navire à eu une carrière heureuse puisqu’au cours de trente-quatre ans de service, il ne fut l’objet d’aucun incident fâcheux. Un fait marquant : le 5 août 1888, il appareille de Bordeaux avec à son bord l’Empereur Dom Pedro du Brésil, l’Impératrice et le Prince Dom Pedro, Augusto.
Des installations particulières avaient été préparées pour de si augustes passagers.
A partir de 1896, il assure les lignes du Levant.
En janvier 1913, il est vendu 257 500 FR en Italie à Gênes pour la démolition.
1905 – Paquebot « L’EQUATEUR »
Pierre Loti termine son service de commandement à bord du « Vautour », premier stationnaire de l’ambassade de France à Constantinople. Il a tenu ce poste – qui est autant du domaine politique et diplomatique que de la Marine – pendant un an et sept mois. C’est pendant cette période qu’il rencontre l’enseigne de vaisseau Charles Bargone, qui deviendra Claude Farrère en littérature, et trois jeunes femmes (Les désenchantées).
Le service sur « Le Vautour » est son dernier embarquement d’officier de marine. Il revient en France très fatigué et obtient un congé de convalescence de trois mois. Au terme de ce congé, il reprend du service à terre.
A Constantinople, le 30 mars 1905, il prend place sur « L’Equateur » qui appareille pour Marseille où il arrive le 6 avril 1905.
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Le paquebot « Equateur » fut construit par les chantiers de la Ciotat. D’une longueur de 125 mètres pour une largeur de 12 mètres, il est lancé le 20 juin 1875. Sa puissance est de 2400 CV et sa vitesse de 15 nœuds. Il peut transporter 124 passagers en 1ière classe, 66 en seconde, 54 en troisième et 500 émigrants en entrepont.
Affecté à la ligne d’Amérique du Sud (Bordeaux-Montevideo), premier départ de Bordeaux le 5 janvier 1876. Assure le service de La Plata jusqu’en 1896.
Contrairement au « Congo », paquebot de la même série, il subit quelques déboires. A Pauillac, le 17 janvier 1894, une forte explosion dans la soute à vapeur fait trois morts et deux blessés. Cette explosion fut provoquée par de la dynamite placée dans des colis piégés.
De 1896 à 1898, « L’Equateur » assure la ligne sud-Méditerranée (Egypte-Syrie), puis jusqu’en 1914 la ligne Nord Méditerranée (Grèce-Turquie-Syrie).
En 1914, au mois de septembre, retenu en mer Noire par la fermeture des détroits, il est mis à disposition du gouvernement russe, il est transformé en navire-hôpital en mars 1915.
A cette occasion, il sera visité par l’Empereur Nicolas II et par le Tzarevitch.
Seul rescapé des trois navires de la mer Noire, il arrive à s’enfuir et reviendra en France en 1919 reprendre du service pendant trois ans.
En juillet 1922, il est à Marseille pour la démolition.
1907 – Paquebot « LE SYDNEY »
Le voyage en Egypte de Pierre Loti – accompagné d’Osman Daney – commence le 16 janvier 1907 à Marseille où il embarque sur le paquebot « Le Sydney » qui l’a déjà rapatrié d’Extrême-Orient en 1902.
Dans son Journal intime, Pierre Loti nous dit :
« Mercredi 16 janvier (…) vers 11 heures, appareillage par beau temps lumineux, et la côte de France disparaît ».
« Lundi 21 – Mauvaise mer la veille. Ce matin à 2 heures arrivée à Port-Saïd (…) ».
Pour le retour de ce voyage, Pierre Loti embarque à Alexandrie le 3 mai 1907 à 4 heures. Le 8 mai, il arrive de grand matin à Marseille.
De son séjour en Egypte, Pierre Loti nous donnera l’année suivante « La Mort de Philae ».
1910 – Paquebot « PHRYGIE »
Voyage en Turquie du 10 août au 27 octobre 1910.
Le 14 janvier 1910, Pierre loti est admis à la retraite et désire revoir en toute liberté son cher Constantinople.
Le 10 août 1910, il embarque à Marseille sur le paquebot « Phrygie » qui le conduira vers la fugitive ombre de son amour de jeunesse, Aziyadé.
Il arrive le 15 août. Son amie le comtesse Ostrorog l’installe chez elle dans l’attente d’habiter dans le vieux quartier d’Istanbul. Il tombe malade (maladie contractée en Extrême-Orient). Il est obligé de faire plusieurs séjours à l’hôpital et de s’installer dans la demeure du Consul général de France.
Malgré tout, il est reçu en privé par le sultan Mohamed V et se rendra à Brousse avec Paul et Jules Cambon sur invitation du Vice-consul de France.
Le 21 octobre, il embarque sur le paquebot « Phrygie » qui le conduira en France ; le 27 octobre, il arrive à Marseille.
Dans son Journal intime, à la date du 21 octobre, il écrit :
« Avant 10 heures, il faut rentrer à bord pour l’appareillage. Sans doute, c’est fini à jamais la Turquie ».
Il se trompait, car début décembre, il commence sa campagne en faveur de la Turquie, ce qui lui vaut une invitation des milieux gouvernementaux.
Le paquebot « Phrygie », de la Compagnie de Navigation Paquet, est lancé en 1898. D’une longueur de 113.70 mètres, d’une largeur de 13.41 mètres, sa vitesse est de 11 nœuds donnés par sa puissance de 2690 CV.
Son aménagement en transport civil est de 19 cabines et de 92 couchettes. Equipé en transport de troupe, il peut embarquer 587 hommes et 300 chevaux.
1912 – Paquebot « LA SAVOIE »
En juin 1911, parait la pièce de théâtre « La Fille du Ciel », drame chinois en 4 actes en collaboration avec Judith Gautier.
Le Century Théâtre de New York décide de présenter cette pièce avec d’énormes moyens, beaucoup de figurants et des décors somptueux.
La Première étant prévue, le 22 octobre 1912, Pierre Loti part en Amérique quelques jours avant afin d’assister aux répétitions.
Parti de Paris le 14 septembre 1912 par le train transatlantique, il embraque sur le paquebot « La Savoie » et arrive le 21 septembre à New York où il restera six semaines.
Le récit de son séjour en Amérique a paru dans « l’Illustration » des 31 mai et 7 juin 1913. Il sera repris dans « quelques aspects du vertige mondial » (1917) au chapitre « New York entrevu par un Oriental très vieux jeu ».
« La Savoie », ce paquebot transatlantique de 177 mètres de long et 12.80 mètres de large est équipé de 2 machines à quadruple expansion, 18 chaudières à tirage forcé, d’une force de 22 000 CV. Il consomme 12 à 15 tonnes de charbon à l’heure pour une vitesse de 22 nœuds (40 km/h). Construit par les Chantiers de Penhoët de Saint Nazaire, il est lancé le 31 mars 1900 et mis en service le 31 août 1901 par la Compagnie générale transatlantique sur la ligne Le Havre New York.
Ce paquebot possède tout le luxe et le confort nécessaire pour ses 1400 passagers dans ses différentes classes. Il est équipé de la télégraphie sans fil. Il franchit les 6000 kilomètres qui séparent Le Havre de New York en six jours. L’équipage de ce paquebot moderne pour l’époque est de 420 hommes.Haut du formulaire
En août 1914, il est mobilisé et armé en croiseur auxiliaire et rattaché à la 2ème escadre. Il participe au transport des troupes vers les Dardanelles jusqu’en 1917 où il prend part à l’acheminement des soldats américains qui combattront sur le sol français. Il est rendu au service de la ligne de l’Atlantique Nord en 1919.
« La Savoie » sera démolie en 1927 à Dunkerque après 117 ans de service.
1912 – Paquebot « LA PROVENCE »
Le 17 octobre 1912 à New York, Pierre Loti embarque sur le paquebot « La Provence » et le 24 octobre au matin, il arrive au Havre.
Ouf ! délivrance écrivait-il dans son journal intime à la date du 17 octobre. Ce voyage ne semble pas lui avoir donné satisfaction.
« La Provence » est le paquebot le plus grand de tous les transatlantiques français. Il mesure 190.67 mètres de long pour 19.78 mètres de large. Il est équipé de 2 machines à quadruple expansion, de 21 chaudières d’une force de 30 000 CV lui conférant une vitesse de 21.50 nœuds et consommant plus de 20 tonnes de charbon à l’heure.
Armé par la Compagnie Générale Transatlantique, son équipage de 450 hommes dont 200 chauffeurs, lui permet de transporter en trois classes 1500 passagers, mais ses performances et confort sont les mêmes que « La Savoie ».
Construit à Saint Nazaire (Chantiers Penhoët), il est lancé en 1905. Il effectue son premier voyage, Le Havre – New York, le 21 avril 1906.
« La Provence » fut également le premier paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique équipé de la télégraphie sans fil (TSF) et c’est à son bord que fut imprimé le premier exemplaire de L’Atlantique, le journal destiné aux passagers qui sera ensuite imprimé et diffusé sur tous les paquebots transatlantiques jusqu’à l’arrêt du « France » en 1974.
Au retour de son deuxième voyage, il effectue une course mémorable avec le paquebot allemand « Deutschland I », qu’il bat finalement de 4 heures, les passagers américains ayant engagé des paris importants à bord des deux rivaux.
Le 2 août 1914, il est réquisitionné et converti en croiseur auxiliaire.
Il est rebaptisé « La Provence II », un cuirassé français portant déjà le même nom. Il est armé de 5 canons de 140 mm, 2 de 57 mm et de 4 de 47 mm
À partir de janvier 1915, il est utilisé pour le transport de troupes vers les Dardanelles.
Le 23 février 1916 au soir, « La Provence II » part de Toulon pour Salonique avec 1 700 hommes encore inexpérimentés du 3ème régiment d’infanterie colonial. Le 26 février 1916, « La Provence II » est torpillée au large du cap Matapan, en Méditerranée, par le sous-marin allemand U35. Le navire sombre en 17 minutes, faisant officiellement 912 victimes, dont le commandant, le capitaine de frégate savoyard Henri Vasco, qui avait demandé qu’on débarque 1 100 personnes en raison du manque de brassières de sauvetage.
Au moment du naufrage, le commandant Henri Vasco tout en dirigeant l’évacuation, resta à la passerelle jusqu’au dernier instant du navire qui s’enfonçait rapidement par l’arrière, d’où il s’adressa une dernière fois par-dessus le tumulte aux malheureux hommes n’ayant pu évacuer et qui s’étaient regroupés sur le pont avant, en leur criant « adieu mes enfants ! ». Ce à quoi ces derniers lui répondirent en criant « Vive la France », avant d’être tous emportés par les flots où le navire s’enfonça à la verticale comme une flèche. À leur tour, les survivants des canots et des radeaux lancèrent en retour « Vive la France ».
Les rescapés secourus par des navires des marines de guerre française et britanniques sont débarqués à Milo en Sicile et à Malte.
Voici comment le médecin de bord (Clunet) décrit la fin du croiseur auxiliaire :
« L’affolement commence environ 5 minutes après le torpillage alors que le bateau est à peine enfoncé à l’arrière et semble immobile et paraît devoir supporter son avarie. Cet affolement demeure silencieux : pas de cris, seulement quelques râles de gens étouffés et étranglés dans la presse des escaliers. Des hommes, frappés de stupeur, immobiles sur le pont, ou la plupart très agités, se livrent à des actes déraisonnables. Certains s’entassent sur les embarcations, sur le pont, sans essayer de les mettre à la mer, d’autres montent dans les haubans de la mâture ; d’autres encore tirent des coups de revolvers et des coups de fusils en l’air. »
1913 – Paquebots « PHRYGIE et IONIE »
Le 6 août 1913, à bord du paquebot « La Phrygie » sur lequel il a déjà voyagé en août-octobre 1910, Pierre Loti quitte Marseille pour Constantinople où il est reçu en ami autant par le Sultan que par les autorités civiles, militaires et le peuple Turc.
La presse turque et française relate les visites et festivités de ce dernier séjour (ce sera réellement le dernier) qui se termine le 17 septembre au départ du paquebot « Ionie » de Constantinople et arrive le 23 septembre à Marseille.
Pierre Loti, dans son journal intime à la même date, note :
« une fois de plus, quand le paquebot se détache du quai comme en glissant, j’ai l’illusion que c’est Constantinople qui bouge, s’éloigne et va s’évanouir…Maintenant Stamboul n’est plus qu’une silhouette qui s’efface…pour jamais peut-être.
En effet, Pierre Loti ne reviendra plus en Turquie.
De cet ultime séjour, il rapporte des chardons bleus pieusement cueillis au cimetière d’Eyüp où repose Aziyadé (Hatidje)…de son douloureux amour dont il se souviendra encore à l’approche de la Grande épouvante…
Le paquebot « Ionie », lancé en 1898, a appartenu à la Compagnie de Navigation Paquet. Il mesure 120 mètres de long et 14 mètres de large ; sa puissance est de 3200 CV et il embarque 700 tonnes de charbon ; sa vitesse est de 13 nœuds. Equipé de 29 cabines en 1ère classe et 2ème classe, soit de 100 passagers et de 86 couchettes.
Il est réquisitionné par la Royale le 12 décembre 1916 à Constantinople et assure des transports de troupes à Salonique et d’Arkangelsk vers la métropole. Sa capacité est de 1800 hommes et 560 chevaux. Il est désarmé le 17 juillet 1918.
La Turquie ne fut pas ingrate envers Loti, puisque le 27 décembre 1921 une délégation vint à Rochefort lui remettre une lettre d’hommage du président de la Grande Assemblée Nationale, Mustafa Kemal (Atatürk) et un tapis tissé par des orphelins dont les pères sont morts dans la lutte pour l’indépendance.
Pierre Loti a effectué d’autres voyages en paquebot, en mai 1889, au retour de son voyage au Maroc, en 1894, en revenant de Terre Sainte puis en 1900 (voyage de Bombay à Bandar-Bushehr) et enfin en 1907 au retour de son voyage en Egypte.
Son Journal Intime ne mentionne pas les noms des paquebots, et malgré des recherches effectuées auprès des Compagnies de navigation ou dans différentes archives navales, nos recherches sont restées vaines.