Le voyage proposait aux adhérents une visite de lieux maintes fois chantés par Pierre Loti, dans son Journal et un de ses romans les plus populaires Ramuntcho. Si ce dernier récit a un peu vieilli, les tableaux qu’il nous dépeignait alors ont gardé toute leur force d’évocation, même avec le recul du temps, car la plupart des lieux qu’il aimait, particulièrement dans le pays intérieur, ont gardé toute leur authenticité.
Pierre Loti découvrit le Pays Basque lors de sa nomination, en 1891, au commandement du Javelot, canonnière stationnée à Hendaye. Quelques années plus tard, il acheta la maison située au bord de la Bidassoa, où il s’était installé à son arrivée et y revint dès qu’il en avait l’occasion.
Comme à son habitude, il adopta les us et coutumes du pays, se mit à la pelote basque, assistait aux messes et processions dont il appréciait tout particulièrement le caractère ancestral, parcourait le pays à pied, à cheval, en carriole et … participa même à des expéditions nocturnes de contrebande.
C’est dans cette maison, nommée par lui Bakhar Etchea (la maison du solitaire) qu’il mourut le 11 juin 1923.
Depuis Saint Jean de Luz, notre lieu de résidence, notre parcours conduisit les adhérents, entre autres sites, au pays de Ramuntcho (Hasparren, Saint-Jean-Pied-de-Port, Dantcharia, Sare, Ascain, la Rhune….).
Une incursion au Pays Basque espagnol permit de découvrir le sanctuaire Saint-Ignace-de-Loyola, les villages de Zumarraga et Fontarabie, évoqués par Pierre Loti dans Figures et choses qui passaient, ainsi que Bilbao et Guernica.
Accueillis par les occupants actuels de la maison de Pierre Loti à Hendaye, nos adhérents eurent le privilège de visiter la maison, le jardin et les terrasses d’où l’on voit l’Espagne et le petit village de Fontarabie, situé de l’autre côté de la Bidassoa.
La dernière visite eut lieu au château d’Abbadie, construit par Eugène Viollet Le Duc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Eugène_Viollet-le-Duc) pour Antoine d’Abbadie et sa femme, tous deux ardents défenseurs de la langue et de la culture basque, où Pierre Loti se rendait régulièrement. Ramuntcho fut d’ailleurs dédié « à Madame V. D’ABBADIE qui commença de m’initier au pays basque, en l’automne de 1891. Hommage d’affectueux respect.»
L’agonie de l’Euzkaleria (*) (extrait)
Hendaye, février 1908
[ …] Du côté sud de la grande plage, je regardais maintenant se détacher, sur le fond sombre des montagnes espagnoles, le groupe de ces villas qui ont surgi depuis une année, avec une stupéfiante vitesse, – et je me sentais forcé de convenir qu’elles n’étaient pas laides ; que, si l’on s’en tenait là, ce serait acceptable encore. En effet, dans notre infortune, nous avons été assez heureux pour que le chef de l’exploitation ne fut qu’un demi-barbare ; quelqu’un de déjà évolué, qui a dépassé tout de même l’époque du chalet polychrome à clochetons en zinc.
[…] Mais quelle mentalité ont-ils donc, en somme, ces malfaiteurs inconscients qui entreprennent d’aménager notre plage ? Ayant sans doute obscurément senti – puisqu’ils sont venus – le charme de l’Euskaleria, ils ne s’aperçoivent pas qu’ils le détruisent ! Ce charme, ont-ils vraiment cru pouvoir le maintenir ici, rien qu’en recopiant, ou à peu près, l’architecture de quelques maisons surannées ? Et restent-ils incapables de comprendre ce qui va manquer à leur pastiche de ville basque : l’empreinte du passé, le mystère et l’indéfinissable calme, la protection latente des vieilles églises et le chant de leurs cloches, tout l’indicible de ce pays, et son âme enfin, – son âme ombrageuse qui bien entendu fuit et se dérobe à leur approche ? [ …]
(*) Publié dans Le château de la Belle-au-Bois-Dormant