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Le tour de Corse des écrivains
Publié dimanche 20/09/2015
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Cap sur la Corse ! Cap sur l’exotisme ! Au XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle, bon nombre d’écrivains de renom rangent leurs carnets et leurs crayons, empoignent leurs sacs et leurs malles puis prennent le chemin d’Ajaccio, ou de Bastia.
Leur rythme est, en général, celui du bateau. Le périple à travers une contrée supposée vierge de toute exploration s’effectue ensuite à cheval ou en auto. C’est certain, l’île mérite le voyage. Parce qu’elle compte parmi les plaisirs littéraires de l’époque, parce qu’elle se situe à l’exact croisement de la poésie et de la pensée et donne à l’expérience humaine une intensité singulière. Dans cet espace, tout semble enchanté, tout semble confronté à de « nouvelles sensations et de nouvelles émotions », selon la formule d’Eugène FX Gherardi, professeur des universités, vice-doyen de la faculté des lettres de l’université de Corse. Avant d’insister sur un décor de fiction idéal.
« Ces écrivains ont trouvé ici un réservoir d’images de nature à satisfaire leur curiosité et à nourrir leur imaginaire. La Corse du XIXe correspond aux attentes des Romantiques. On y croise des individus enflammés, on évolue dans des paysages tourmentés, et au cœur d’une nature sauvage ».
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Les aléas du métier. C’est comme officier de marine que Pierre Loti se promène en toute quiétude dans les rues d’Ajaccio. Nous sommes en avril 1891. Son navire, le cuirassé d’escadre Friedland fait relâche quelques jours dans le port en attendant de mettre le cap sur la Tunisie.
L’enseigne de vaisseau se montre à la fois curieux et contemplatif. Son rythme est celui d’un découvreur. Il a l’habitude des arrêts sur image et des décors qui changent. Il vit sans cesse en exilé, entre terre et mer. L’engagement dans la marine se conçoit comme un voyage au long cours.
Au fil de ses balades ajacciennes, il aura grand plaisir à franchir le seuil de la maison de Napoléon et à capter quelques éclats de l’Empire. Toutefois, c’est à Bocognano que Loti connaîtra un moment de grande tension.
La scène se déroule dans la salle obscure d’une auberge. Elle met en présence deux jeunes filles toutes de noir vêtues. Une étrange séduction leur colle à la peau. L’une des deux semble cependant plus incandescente que l’autre. Il l’avoue « l’une, délicieusement jolie m’a tenu sous son charme ».
En réalité, les demoiselles sont sœurs. Elles ont la particularité d’enchanter l’auteur de Pêcheur d’Islande au nom de leur père, le bandit Bellacoscia (qu’il appelle Bella Cascia, dans son journal intime !). Le voyageur a une bonne raison de plus d’engager la conversation : « Notre longue causerie était pour arranger un rendez-vous avec les bandits ». La démarche se soldera par un échec. Il y a trop de neige dans les montagnes bocognanaises en ce début de printemps. Trop de gendarmes aussi.