Trois raisons de (re)lire… les voyages en Orient de Pierre Loti

 

Pierre Loti devant la tombe d'Azyiade en 1905

Pierre Loti devant la tombe d’Azyiade en 1905 Pierre Loti devant la tombe d’Azyiade en 1905. © Archives-Zephyr/Leemage

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Hubert Prolongeau

Publié le 25/02/2017.

L’écrivain a entretenu avec la Turquie une relation passionnée, indissociable de la véritable histoire d’amour qu’il y vécut et dont il fit le récit romancé en 1879 dans “Aziyadé”. Un volume rassemble aujourd’hui les écrits, souvent très engagés, qu’il lui a consacrés.

 

1. Parce que la Turquie n’a plus la cote…

Réduite aujourd’hui à la figure inquiétante du président Erdogan, en route vers la dictature constitutionnelle, limitée hier à la sanglante dictature du général Kenan Evren, considérée comme un danger pour l’Europe qu’elle voulut un temps intégrer, accablée sous le poids du génocide arménien qu’elle se refuse encore à reconnaître, la Turquie est mal-aimée en France. Pierre Loti (1850-1923) l’a au contraire idolâtrée. La vision qu’il en donne, celle d’une Turquie ottomane tolérante et sensuelle, est une sorte de mirage oriental aux pieds duquel il fait bon rêver.

2. Parce qu’elle a été la grande histoire d’amour de la vie de Loti

Une histoire d’amour, l’expression n’est pas trop forte. Loti avait découvert avec émerveillement la Turquie en 1877. Il y était tombé amoureux de Hatice, une jeune circassienne appartenant au harem d’un dignitaire turc – une jeune femme que certains auteurs, dont Roland Barthes et les frères Goncourt, soupçonnèrent fortement d’être en fait un jeune homme. Qu’importe : l’histoire de cet amour, romancée, était parue en 1879 sous le titre d’Aziyadé. C’était le premier livre de l’auteur, qui ne l’avait pas signé. Il avait connu un énorme succès, et retourné l’opinion occidentale en faveur des Turcs. Cela n’allait pas durer…

A l’exception de cet Aziyadé, considéré comme un roman malgré sa forte teneur autobiographique, on trouve dans le volume qui vient de paraître sous le titre Voyages en Turquie, l’intégralité des ouvrages consacrés par Loti à son pays d’adoption. Fantômes d’Orient, écrit en 1892, le voit aller sur les traces de sa bien-aimée et decouvrir qu’elle est morte. Le pélerinage qu’il fait alors sur sa tombe offre certaines de ses pages les plus émouvantes. Turquie agonisante (1913), La mort de notre chère France en Orient (1920) et Suprêmes visions d’Orient (1921) sont des recueils de textes marqués par l’effondrement de Loti face au démantèlement de l’empire ottoman : articles de presse, lettres envoyées et reçues, témoignages recueillis plaident tous pour la reconnaissance du mal fait à la Turquie et la compréhension de ce qui lui arrive.

La mauvaise foi y est très présente, et il est doûteux que les Armeniens descendants des victimes du génocide apprécient l’image qui y est donnée d’eux en brutes sanguinaires ayant versé le premier sang. Ni objectif ni honnête, mais passionné et engagé, Loti emploie le même langage propagandiste que ceux qu’il combat et oppose les atrocités subies aux atrocités commises. Relue aujourd’hui, la ferveur de son plaidoyer donne aussi à comprendre ce que signifie se dévouer à un pays que l’on a choisi.

3. Parce que presque tous les récits de voyages de Loti sont maintenant disponibles

Depuis plusieurs années, le journaliste Jean-Claude Perrier poursuit chez Arthaud l’intégrale de la publication des voyages de Pierre Loti, palliant ainsi les faiblesses de l’édition de Bouquins-Laffont qui n’offrait de certaines oeuvres (Japoneries d’Automne, par exemple) qu’une version tronquée. Après les voyages en Extrême-Orient, en Inde et au Moyen-Orient, il ne manque plus que Au Maroc (prévu fin 2017) pour pouvoir savourer la totalité des récits de ce grand baroudeur.

A lire

Voyages en Turquie, de Pierre Loti (regroupe Fantôme d’Orient, Turquie agonisante, La mort de notre chère France en Orient et Suprêmes visions d’Orient), éd. Arthaud, 730 p., 29 €.

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