Sur les pas de Pierre LOTI…
…au SENEGAL
Du mardi 22 novembre
au samedi 3 décembre 2011
Repères pour retrouver les traces du passage de Pierre Loti à Dakar et Saint-Louis
Régine Thomas
Pour comprendre ce qu’ont représenté pour Loti ses brefs passages au Sénégal (une escale en juin 1871 à bord du Vaudreuil et un séjour avec le Pétrel de juillet 1873 à juillet 1874), il a fallu la publication en 1923 de fragments de son Journal intime rassemblés par son fils Samuel Viaud.
Durant la période 1873-1874, passée en allers et retours entre Saint-Louis et Dakar, ce sont ses séjours à Saint-Louis qui marquèrent Loti d’une empreinte profonde, et qui laissèrent le plus de traces. Et c’est sur ses notes prises tout au long de cette période qu’il écrira à Toulon, lors d’une escale du Friedland en mai-juin 1880, Le roman d’un Spahi qui sera publié dans la Nouvelle Revue en1881.
Dans une lettre adressée à Alphonse Daudet, au moment où il s’apprêtait à écrire son roman, Loti écrit :
… [J’ai apporté ici un gros cahier de mes notes du Sénégal d’où le roman doit sortir ; de mes notes écrites là-bas en étouffant de chaleur, sous les tentes de mon bateau, dans le fleuve ou à Dakar, sous la véranda de ma case en paille. Il y a là pêle-mêle, des récits, des descriptions, des croquis et des plantes séchées ; on y trouve des considérations détaillées sur le chant des sauterelles du Sahara, sur le scintillement de la lumière torride, sur la façon dont les lézards traînent leur queue sur le sable du désert, et une foule d’autres révélations précieuses sur des sujets aussi importants. Tout cela amalgamé avec mes aventures personnelles et celles d’un spahi auquel je m’étais attaché dans ce pays d’exil. Je changerai le moins possible…]
En plus de la trame du Roman d’un spahi, et de nombreuses pages de son Journal intime, Loti a rapporté du Sénégal des dessins et quelques aquarelles qui révèlent, outre un vrai talent de paysagiste, ce que pouvait être le Sénégal de cette époque, l’ensemble constituant un véritable reportage ethnographique.
N.B. : Ces dessins et aquarelles ont paru à l’époque dans plusieurs séries d’ouvrages : articles de L’Illustration (1875) ; Le Roman d’un spahi (1910), plaquette in-8, avec des dessins de Loti et de M. Mahut ; Un jeune officier pauvre (1923), publié en quatre fascicules dans la série des romans de la Petite Illustration, avec des dessins et aquarelles de l’auteur. Puis quelques années après dans : Pierre Loti, correspondant et dessinateur, par Wesley C.Bird (1947) ; Cent dessins de Pierre Loti, commentés par Claude Farrère (1948).
Pour tenter de situer les lieux et d’identifier les personnages évoqués par Pierre Loti, compte tenu du peu de documents d’époque auxquels j’ai pu accéder dans les Archives du Sénégal, notamment sur ses séjours à Dakar :
1 – je me suis appuyée essentiellement sur :
- L’article de Raymond Mauny (R.M.), écrit probablement en 1952, mais publié dans les Cahiers P.L N°22 en mars 1958 – et la suite dans les Cahiers Pierre Loti N° 23
- Naissance et croissance de Dakar de Jean Delcourt – Editions Clairafrique – DAKAR 1983 – Préface du Président Abdou Diouf
- Saint-Louis du Sénégal, mémoires d’un métissage – Jean-Pierre Biondi – Editions Denoël 1987
- Saint-Louis du Sénégal, un enjeu pour le patrimoine mondial – dossier de Bernard Toulier, expert conseil sur Saint-Louis dans le cadre de la convention France – UNESCO – 2003
- SENEGAL – Christian Saglio – Préface d’Erik Orsenna – Edition Grandvaux – Mars 2005
- Céleste ou le temps des Signares – Jean-Luc Angrand – Edition Anne Pépin 2006
- Repères historiques à partir de différents documents officiels (cartes, plans, principales dates)
2 - j’ai choisi quelques citations et dessins, extraits des différentes œuvres de Pierre Loti, qui évoquent le Sénégal de l’époque :
- PIERRE LOTI Journal 1968-1974 (J.) Edition de Alain Quella-Villéger (A.Q.V.) et Bruno Vercier (B.V.) – Les Indes savantes – 2006
- Un jeune officier pauvre (J.O.P.) – Collection nouvelle Calmann – Lévy 1926
- Le Roman d’un spahi (R.s.) Préfacé par Bruno Vercier – Gallimard avril 1992
- Les croquis et dessins signés Julien Viaud ou J.Viaud (J.V.) rassemblés et présentés par A.Q-V. et B.V. dans l’ouvrage Pierre Loti dessinateur – Une œuvre au long cours – Les Indes savantes 2006.
Note concernant Raymond Mauny : quand il a écrit l’article cité, il était Chef de la section Archéologie – Préhistoire à l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN), fonction qu’il a occupée plus de 25 ans ; il occupa ensuite, à partir de 1962, la chaire d’Histoire de l’Afrique précoloniale des origines à 1600 ; puis avec H. Deschamps et G. Balandier, il créa le Centre de recherches Africaines. Dans cet article, il explique les difficultés qu’il éprouva dans ses recherches pour retracer le passage de Pierre Loti au Sénégal par le fait que le grand écrivain n’était pas encore célèbre lorsqu’il y vécut. Pour lui, il n’était donc pas étonnant que son séjour soit passé quelque peu inaperçu à l’époque.
Sur les pas de Julien Viaud – Pierre Loti à DAKAR |
Nous ne savons pratiquement rien de sa première escale à Dakar, sinon qu’il était aspirant du Vaudreuil (aviso à hélice) venu de Lorient et se dirigeant vers les Mers du Sud via l’embouchure de l’Amazone et le détroit de Magellan.
L’arrivée du Vaudreuil à Dakar-Gorée date du 8 juin 1871, et il séjournera au Sénégal jusqu’au 14 juin. C’est au cours de cette escale que Loti découvrit le « grand arbre des dunes » qui devint le but de ses promenades, et la baie de Hann entre Dakar et Thiaroye. Il fit plusieurs dessins, dont un croquis de la rade situant le village de Ouakam, les marigots et les baobabs (cf. J. p.7 et le croquis reproduit plus loin).
Le 26 juin 1873, promu enseigne de vaisseau à son retour d’Océanie, il se fait recommander par M. de Ségur, et obtient non sans peine un embarquement sur un aviso stationné au Sénégal pour rejoindre son ami Joseph Bernard, son « Frère chéri », officier de marine lui aussi.
Le 13 juillet 1873, Julien Viaud arrive à Gorée à bord du Pétrel, aviso à roues de 85 chevaux, qui fait du cabotage le long des côtes du Sénégal, et il allait faire à son bord pendant plusieurs mois la navette entre Gorée, Dakar et Saint-Louis, ainsi que plusieurs incursions dans les rivières du sud : Benty, Nunez, Boffa (les premiers établissements français, situés en Guinée, après avoir dépassé la Casamance).
Selon R.M. fin 1873 et pendant le premier semestre 1874, on a pu suivre dans le Moniteur du Sénégal les allées et venues du Pétrel : Loti est à bord, continuellement entre Saint-Louis et Dakar. Il dessine beaucoup, et la valeur documentaire et référentielle de ses œuvres picturales sera vite appréciée et reconnue.
Il est d’emblée captivé par les paysages, les baobabs, les villages indigènes, et fasciné par les dunes de sable …
Lettre du 3 octobre 1873 à sa sœur : J.O.P. p.p. 44 – 46
Il est une heure de l’après-midi et la ville de Dakar est plongée tout entière dans les douceurs de la sieste. Je veille seul pour t’écrire… ; je suis d’ailleurs seul sur mon balcon*… je domine toute cette rade unie comme un miroir… au premier plan le Pétrel immobile… , de l’autre côté de la baie jusqu’à perte de vue, de grandes plaines de sable désertes…
N.B. : * difficile de dire s’il s’agissait déjà de son « pied à terre » dans la case louée à la mulâtresse Marie-Félicité (et qu’il évoquera plus tard dans une lettre datée de décembre 1873).
Sur ce plan, les constructions européennes (ce que Loti nomme « le Dakar des blancs »), sont figurées par des formes noires ; les pointillés sont les zones d’habitat traditionnel Lébou (ou la « ville noire » selon Loti) ; en vert, le jardin des missionnaires.
Dans cette lettre, il évoque également la saison […Les feuilles jaunissent et commencent à tomber, mais l’hiver (= la saison sèche) est la plus belle saison du Sénégal…], puis [… le Dakar des blancs à peine grand comme le village de Font-Bruant ; en dehors de cette zone, tout est étrange et on voudrait tout peindre ; dans la ville noire, on ne sait où courir…]
[…Dakar est une sorte de ville coloniale ébauchée sur du sable et des roches rouges. Un point de relâche improvisé pour les paquebots à cette pointe occidentale de l’Afrique qui s’appelle Cap Verd…] (cf. le plan Dakar en1857, date de la fondation de la ville).
Le 28 octobre 1873 J.O.P. p.46-47 Avec deux lieutenants d’infanterie, il dîne chez un camarade commun, sous-lieutenant aux tirailleurs, G. de Polignac. […La maison de notre hôte était située dans le nord du quartier noir, près de la mosquée. Sa terrasse dominait la grande plaine, où se dansent les grandes bamboulas, et dominait aussi la mer…A minuit, hélé le Pétrel sur le quai Désert.]
Ce dessin de la mosquée fait par Loti lors de son escale à Dakar en juin 1871 a été publié dans l’Illustration, le 6 février 1875 avec les commentaires suivants : Les mosquées du Sénégal sont partout d’une grande simplicité : des enceintes de murs blancs, le plus souvent à découvert, et sans aucune prétention architecturale.[…] Devant la porte du sanctuaire se tiennent toujours quelques vieux marabouts en prières, accroupis dans les plis de leurs longues tuniques blanches, la poitrine couverte de gris–gris et le chef surmonté de ces chapeaux invraisemblables qui se fabriquent au loin, dans les contrées du sud ou à l’intérieur du Fonta Djalen (= le Fouta Djalon)
Selon R.M., il était déjà impossible d’identifier dans le Dakar de 1952 cette mosquée dessinée par P.L., mais le plan de Pinet-Laprade de 1862 porterait des lieux de prière semblables.
[…les villages yolofs situés aux environs de Dakar. Cette agglomération de cases, coiffées de leur toit uniformément pointu, entourées de palissades très élevées qu’orne un assortiment varié de carcasses, produit le plus singulier effet…] (texte de P.L. qui accompagnait des dessins publiés en 1875 – l’Illustration).
En décembre 1873 J.O.P. pp.67-75
Dans une lettre à sa tante Lieutier, Julien Viaud écrit : C’est une vraie solitude que Dakar, et un pays affreusement triste. Le Pétrel est destiné à y séjourner d’une manière à peu près continuelle et nous y avons établi notre home : une modeste maison de bois remplie de lézards et un jardin dévoré par le soleil. : […maison à rez-de-chaussée, séparée en deux, dans le goût yoloff, par une cloison à mi-hauteur, la pièce du fond contenait les lits… ; murs faits de vieilles planches desséchées et badigeonnées à la chaux…Pièce de devant somptueuse, véranda sur la rue déserte… Sous la véranda du jardin était un vieux banc…adopté pour mes siestes…]. Il fait ensuite une description du cadre intérieur avec [nattes… lances à gri-gris… draperies yoloff… cornes de gazelle… crâne d’hippopotame, peau de girafe…animaux exotiques…], qui témoigne de son goût pour les objets exotiques et les souvenirs de voyage qu’il ne cessera d’accumuler tout au long de sa vie, le sommet en étant sa maison de Rochefort…
Cette case lui avait été louée par une vieille mulâtresse Marie Félicité, originaire de Gorée. La porte qu’il a dessinée (légendée « La porte de notre case à Dakar, prise de l’intérieur, du banc sous la véranda du jardin ») laisse supposer une installation relativement sommaire. Il occupera cette case à chacun de ses passages à Dakar.
Dans un article intitulé «Ma parente du Sénégal», et publié dans le Figaro de 1897 (à l’occasion de la représentation à l’Opéra-comique d’une œuvre «Le spahi» tirée du roman) Loti évoque avec émotion le souvenir de Marie-Félicité […j’avais pour pied-à-terre, en face de la rade trop bleue où sommeillait mon navire, une case de planches et de paille, que louait aux officiers de passage une vieille mulâtresse en madras].
Selon R.M. il n’est pas exclu qu’il y ait eu des interruptions dans l’occupation par Loti de la maison dakaroise, car en mars 1874 il en parle au passé dans son Journal, et il écrit qu’il la retrouve à son retour à Dakar le 26 mai 74 (peut-être aurait-il souhaité se rapprocher durant cette période de sa « bien-aimée » et aurait-il loué, dans ce but, une « garçonnière » à Saint-Louis?). Malgré de longues recherches, R.M. n’a pu identifier Marie-Félicité (peut-être un pseudonyme ?), ni retrouver la trace de la maison. Selon lui, il y a de fortes chances pour qu’elle ait disparu au cours de la croissance de la capitale de l’AOF. Il pouvait s’agir d’une ancienne maison de Thann (cf. plan de DAKAR 1857), près de l’angle de la rue actuelle de Kaolack, mais rien n’est porté à l’emplacement supposé sur le plan de Dakar de 1888. Loti a bien pu habiter une maison de planches rudimentaire, comme il devait y en avoir beaucoup dans le Dakar de l’époque. Toutes ces constructions provisoires ont été abattues dès avant 1900 pour l’implantation de la ville.
Janvier 1874 J.O.P. 61 -63
Il écrit… [Je suis dans un endroit où nous nous établissons souvent le soir ; j’écris sur une certaine table du jardin public de Dakar. Les missionnaires ont planté jadis ce jardin, qui est là comme une oasis au milieu de ce pays de sable…C’est un grand parc, plein de vilaines bêtes et où on ne voit jamais personne… ; mais il domine la mer…]
Selon R. M. Le jardin public de Dakar dont parle Loti est celui qui est porté sur tous les vieux plans de la ville (cf. plans de 1857 et de 1888 plus loin). Il était situé à l’ouest immédiat de l’actuelle mairie (1952) et fut comblé avant 1908 pour permettre le prolongement des Allées Canard vers la gare et l’élargissement du Boulevard Pinet-Laprade.
Janvier 1874 toujours J.pp.195-196, [Je regrette à présent l’hivernage (= la saison des pluies), c’était moins triste… Je regrette ces premiers mois de mon arrivée, où tout était neuf pour Joseph et pour moi, le plaisir de nous retrouver ensemble, nos longues promenades de Dakar…Tous les soirs nous suivions les dunes bleues, la plage immense, illuminée par des couchers de soleil inimaginables…] Et suit une description «impressionniste» des personnes qu’ils croisent sur cette plage, des bruits des cigales et des sauterelles, des senteurs brûlantes de l’été (= la saison sèche)…
Janvier1874 J.O.P. p.p. – 63-64 […Je regrette ces premiers mois de mon arrivée au Sénégal…je trouvais encore de l’attrait à mes longues promenades sous le soleil torride, par les sentiers de sable dans lequel le pied s’enfonçait à chaque pas…Je rentrais de ces promenades à la nuit tombée, au concert étourdissant des cigales et des sauterelles… Sur le quai, les Noirs Samba Fall et Damba Taco * m’attendaient dans le youyou et m’emmenaient à bord ; nous étions suivis dans l’eau d’une longue traînée phosphorescente…]
* Ils étaient probablement des « laptots », nom donné au Sénégal aux indigènes employés comme piroguiers, matelots, ou porteurs.
Article de P.L. publié dans l’Illustration en 1875 pour accompagner son dessin des pirogues [ La navigation est chez les Sénégalais un art avancé, et les formes bizarres de leurs pirogues sont le résultat d’expériences raisonnées et de combinaisons intelligentes. Une pièce de bois énorme et massive est toujours la partie essentielle de l’embarcation ; elle est taillée à ses deux extrémités en longs éperons, destinés à piquer dans les lames terribles de ces brisants, où les meilleurs de nos canots seraient infailliblement perdus…A l’avant, une plaque de bois en forme biscornue empêche le remous des lames fendues par l’éperon d’inonder les passagers ; elle porte deux pointes en forme d’oreilles, au haut desquelles des grigris sont suspendus…]
Le 16 Février 1874 J.O.P. p.p. 65-66
« Mohamed Diop, roi de Dakar, vient de mourir ». Pierre Loti avait fait de lui, avec sa permission, un portrait en 1871, repris en 1873 au début de son séjour à Dakar (ci-dessous à gauche).
Et en 1874, il dessina son tombeau (ci-dessous à droite).
Selon R.M. la pierre tombale de marbre – portant l’épitaphe « Mohamed Diop, roi de Dakar mort le 16 février 1873 » - fut trouvée lors des travaux de construction de l’ancien évêché, avenue de la Liberté (côté Ouest), donc en bordure de l’ancien cimetière de la Cathédrale de Dakar, qui servit de 1886 à 1919 environ. En 1952 elle était exposée au Musée Historique de l’AOF à Gorée.
Le 25 mai 1874 Julien Viaud quitte précipitamment Saint-Louis et le Pétrel car il est muté (conséquence probable de son aventure avec sa « bien-aimée » saint-louisienne ?), et il doit rejoindre à Dakar son nouveau navire l’Espadon, un aviso à vapeur de 25 chevaux.
Le 20 juin 1874 il est revenu à Dakar, et reprend son journal depuis l’Espadon.
Il revient voir Marie-Félicité qui a repris possession de la case qu’il occupait « au temps du Pétrel ». Il occupera alors, jusqu’à son départ définitif de Dakar le 20 juillet, un petit pavillon qu’elle lui avait réservé au fond du jardin. Il écrit alors J.O.P. p.81 […Mon service à bord me retient peu et j’emploie mes journées à refaire nos promenades d’autrefois par les sentiers de sable, dans les âpres solitudes du Cap Verd. Le soir, je vais rôder dans les villages noirs, vêtu comme les indigènes d’une longue tunique blanche. ]
Juillet 74 J.O.P. pp. 83-87 […J’étais venu hier, à cette place, au pied du grand arbre des dunes, voir partir le Pétrel qui emmenait à Saint-Louis mon cher frère Jean. Ce grand arbre des dunes est un ami de trois ans et plus. Quand le Vaudreuil s’arrêta au Sénégal en 1871, c’était le but choisi de nos courses ; nous avions adopté ce coin du pays, ce grand ombrage isolé…Nous y venions le matin ; il était à cette heure plein de lézards bleus, d’oiseaux et d’insectes…]
Et il écrira plus loin […C’est à cette place aussi que je suis venu voir passer le navire rapide qui t’emmenait en France, ma bien-aimée …C’était pendant l’accablement de midi. Le soleil embrasait mon front et frappait durement mes épaules, mais je ne sentais rien, tant ma tête était perdue…]
Selon R.M. ce « grand arbre », qui tint une place si importante pour Pierre Loti durant tout son séjour au Sénégal, n’a jamais pu être identifié avec certitude. Peut-être s’agissait-il d’un énorme ficus, disparu aujourd’hui, qui s’élevait sur l’emplacement actuel du cimetière de la Médina (le texte de R.M. est daté de 1952). Il était isolé par rapport au Dakar d’alors. Le feuillage des ficus est pérenne, donc il peut fournir un grand ombrage.
Dans le Roman d’un spahi, il le décrit ainsi […un grand arbre isolé, plus grand même que les baobabs, avec un feuillage épais et sombre, quelque chose de si immense qu’on eût dit un de ces géants de la flore de l’ancien monde, oublié là par les siècles].
De là, en effet, on pouvait apercevoir la mer et les navires qui, sortant de Dakar, doivent doubler les Almadies, comme c’est le cas dans le texte de Loti.
Ou encore, s’agissait-il du « baobab de la route de Hann » dessiné par P.L. en 1873. A cette époque, la piste passait par la zone nord du port. De là, on pouvait voir partir les navires, mieux encore que de l’emplacement du ficus !
Juillet 74 (le20?) J.O.P. pp.85-86 veille de son départ définitif de Dakar, pour rentrer en France après une dernière escale à Saint-Louis, il écrit ces lignes poignantes, dans lesquelles transparait plus que la «nostalgie» qui habite toute son œuvre, cette foison pourrait même parler de désespoir : [Ce soir, je viens ici pour la dernière fois, je vais quitter ce pays […] Ce soir, c’est la tristesse des heures crépusculaires, au milieu de cette solitude sans fin […] La grande masse sombre de l’arbre isolé se dresse devant moi […] Le temps n’a pas de prise sur un tel pays désolé […] Il y a dix siècles, le grand arbre des dunes existait déjà, dans dix siècles il n’aura sans doute qu’à peine un peu plus étendu ses branches monstrueuses.[…] Mais ce désert inchangeable et triste ne m’intéresse plus, ma pensée est entièrement prise par notre amour ma bien-aimée. Nous dont l’existence ne se compte que par années, où seront nous seulement dans dix ans ? […] Encore quelques années, et nous ne serons plus rien… Mais les daturas d’Afrique continueront à fleurir, avec leur parfum de belladone, et le grand arbre des dunes élèvera toujours sa tête sombre au-dessus des brumes du soir…
N.B. : Il faut se rappeler que Julien – qui voyait déjà sa fin – avait alors à peine 24 ans ! Et ici, comme dans toute son œuvre, on retrouve ses traits de sensibilité, ses désirs de l’impossible, ses réflexions nostalgiques sur le temps qui passe…
1857 FONDATION DE DAKAR
L’histoire de Dakar est intimement liée à celle de Gorée et du Cap Vert (Loti notait « Cap Verd », l’orthographe rappelant l’origine portugaise du nom). Et on peut considérer Dakar comme la «fille» de Gorée.
Le 25 mai 1857, le commandant de la division navale des Côtes occidentales d’Afrique, Léopold Protet, prend possession de Dakar au nom de la France, alors que la colonie du Sénégal est séparée administrativement en deux entités territoriales, Protet ayant autorité sur Gorée et les établissements français au sud de cette île, et Faidherbe gouvernant un territoire réduit à Saint-Louis et au fleuve.
Tandis que l’administration de Gorée désire protéger du pillage les navires naufragés dans la baie de Yoff et s’affranchir des droits et coutumes payés aux chefs de la presqu’île pour le ravitaillement en eau, vivres et combustibles, le gouvernement français, soucieux de sécurité militaire, veut défendre Gorée en fortifiant la grande terre. Gorée s’enrichit, sa population s’accroît, son extension au-delà de ses limites (300 sur 900 mètres) devient une nécessité. Des traitants goréens ont rejoint sur la presqu’île les missionnaires établis depuis 1846 et participent au commerce naissant de l’arachide. Le commandant de Gorée a le souci de les protéger. Éliman Diol, le chef de Dakar, sollicite aide et assistance. N’est-ce pas sur l’île que se trouve la seule force capable d’empêcher les interventions du Damel du Cayor contre les Lébous de Dakar ? En 1853, Protet, alors gouverneur du Sénégal, fait lever par son chef du génie, Faidherbe, un plan du village de Dakar. Le 13 janvier 1857, le même Protet, depuis mars 1856 commandant supérieur de Gorée et dépendances, débarque avec quelques troupes à Dakar et la maison du commerçant Jaubert, située à l’actuel emplacement de la place de l’Indépendance, est acquise par le gouvernement et transformée en poste fortifié.
Le 25 mai, Protet arbore sur le poste le pavillon français et demande à « tout le monde de se conduire à Dakar avec la prudence et les égards que mérite une population qui a fêté aujourd’hui notre prise de possession parce qu’elle a cru à la parole que je lui ai donnée et que je tiendrai, de ne porter atteinte à aucun de ses droits et de la traiter en tout et pour tout comme française ». Une ville est ébauchée par les soins de celui qui sera le véritable fondateur de Dakar, le chef du génie de Gorée, Pinet-Laprade, qui deviendra en 1859 commandant supérieur de Gorée et, en 1865, gouverneur du Sénégal avant de mourir du choléra en 1869. Un phare est construit sur la Grande Mamelle et la Compagnie des Messageries impériales s’engage à assurer la ligne du Brésil. Commencé en 1862, le port de Dakar est inauguré en 1866.
La séparation entre Saint-Louis et Gorée ne donne toutefois pas les résultats attendus. À l’impuissance des autorités goréennes de satisfaire les aspirations de comptoirs dispersés le long des côtes de Guinée, se répercutent les demandes des commerçants de Gorée et dépendances d’un pouvoir fort et protecteur, et le souci de Pinet-Laprade, officier du génie comme Faidherbe (gouverneur du Sénégal de 1854 à 1861 et de 1863 à 1865), d’établir une ligne télégraphique et un chemin de fer entre Gorée et Saint-Louis. Le regroupement des deux colonies permet à Faidherbe d’entreprendre une expédition qui dégage la presqu’île du Cap-Vert. L’administration est transférée en 1875 de Gorée à Dakar, mais il faut attendre la construction du chemin de fer en 1883 pour donner à Dakar toute son importance, consacrée en 1887 par son érection en commune pour ses 8700 habitants. Elle se sépare ainsi de Gorée qu’elle absorbe en 1929. En 1902, Dakar devient le siège du Gouvernement général de l’Afrique Occidentale Française et prend alors allure de capitale, avec un grand port de guerre et de commerce. La bataille de septembre 1940 et la crise de Suez en 1956 consacrent son importance mondiale. Lors de son centenaire, célébré en grande pompe en 1957, la ville compte 400 000 habitants. L’année suivante la capitale du Sénégal est transférée à Saint-Louis à Dakar.
Texte de Jacques Charpy
Archiviste – paléographe
Conservateur général honoraire du Patrimoine
Directeur honoraire des Archives de l’A.O.F.
Si le nom de Dakar apparait pour la première fois en 1750, un grand mystère plane sur son origine.
Dakar pourrait venir de :
. Dakhar tamarinier en langue wolof
. Deuk raw refuge en langue wolof
. Ndakrou dont la forme francisée serait Dakar
. Accar ou D’Accard du nom d’un obscur négociant ou marin français qui aurait donné son patronyme à un camp de la place.
En 1873-1874, la ville de Dakar, qui avait été fondée en 1857, était encore à l’état embryonnaire. Sur l’espace délimité par les rues depuis 1862, on ne trouvait, au-delà du port, de ses hangars, de ses deux jetées et de ses magasins, que l’ancien fortin et les bâtiments qui l’entouraient, quelques casernes, l’ancienne mission, et quelques maisons particulières disséminées au milieu des villages africains restés sur place…
Que reste-t-il en 2011 du Dakar qui avait inspiré Pierre Loti ? Les marais ont été asséchés, les ravins comblés, les parcelles assainies, les zones d’habitat traditionnel démolies, les chemins de sable sont presque tous engloutis dans le béton…! Et la ville s’est progressivement étalée pour devenir une grande métropole africaine qui compte aujourd’hui 19 communes d’arrondissement. Le seul témoin du passage de Loti pourrait être, s’il existe toujours, l’arbre des dunes, ce baobab sous lequel il a tant mélancoliquement rêvé, mais où, et comment le retrouver ?
Sur les pas de Julien Viaud – Pierre Loti à SAINT-LOUIS
Contrairement à Dakar où il n’existe aujourd’hui aucun signe tangible, ou visible, du passage de Pierre Loti, et où il faut se contenter de l’imaginer, la ville de Saint-Louis est toujours imprégnée du souvenir du jeune aspirant de marine et de l’écrivain, comme en témoignent la rue et la maison qui portent son nom, le panneau qui commémore l’emplacement de l’ancienne caserne des spahis, et certains documents officiels sur lesquels il figure en bonne place aux côtés de grandes figures saint-louisiennes. C’est le cas par exemple sur un site, qui dresse le portrait de « Saint-Louisiens » au sens large, morts ou contemporains célèbres, où Pierre Loti-Julien Viaud, est présenté, avec sa photo en jeune aspirant, une photo de la couverture du Roman d’un spahi, une reproduction de deux de ses dessins, et une notice biographique. On peut le consulter à l’adresse suivante : http://www.senegalmetis.com/PORTRAITS.html
Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’en 1931, Saint-Louis avait célébré le cinquantenaire de la publication du Roman d’un spahi, avec la plantation, place du Gouvernement du « flamboyant de loti ».
La ville de Saint-Louis, à la fin du XIXème siècle, donc au temps où Loti l’a connue et arpentée, était encore à son apogée. Mais quelques années plus tard, quand elle fut détrônée par Dakar (cf. plus loin le document Création de Saint-Louis /Patrimoine mondial »), elle perdit son pouvoir administratif et économique, ce qui entraîna la dégradation progressive de ses rues et de ses bâtiments remarquables.
Cependant, aujourd’hui encore, en dépit des changements importants attestés, on peut se faire une idée assez précise de Saint-Louis et des environs dans les années 1873-1874, grâce au Roman d’un spahi et aux dessins de Loti, qui ont une valeur documentaire et référentielle incontestable. Le Roman nous éclaire sur les populations d’origines ethniques diverses qui habitaient l’Ile et les quartiers périphériques ; sur les différents types d’habitions, les us et coutumes de l’époque ; sur les atmosphères chaudes et animées des scènes de rue, de marché, de pêche, des fêtes et danses rituelles ; ainsi que sur la vie des colons et des grandes familles métisses.
En faisant abstraction de « l’amalgame » que, selon lui, il avait fait « entre ses descriptions et ses aventures personnelles et celles d’un spahi », et en laissant aux exégètes et aux critiques le soin de démêler le vrai du faux, on peut réellement marcher « Sur les pas de Pierre Loti à Saint-Louis », comme j’en ai fait moi-même l’expérience à plusieurs reprises (la dernière fois en 2004). Il suffit pour cela de flâner dans les rues de l’île, ou de Guet N’Dar et de N’Dar Tout, et de se laisser guider par les pages du Roman. On peut ainsi presque toucher l’histoire du doigt et retrouver les lieux, les couleurs, les sons, les odeurs, la végétation, les types de personnages que Loti a restitués avec une empathie certaine, de manière souvent touchante et poétique, sa vision n’étant pas si éloignée de celle que le visiteur contemporain peut avoir aujourd’hui. La visite de Saint-Louis, telle qu’elle a été programmée pour notre voyage de novembre nous offrira l’occasion de le vérifier, et peut-être de rencontrer, au hasard d’une rue, un sosie de la belle Signare Cora, ou de la petite FatouGaye…
Pour mieux comprendre la première vision qu’a eue Pierre Loti en arrivant à Saint-Louis, ville « fleuve et océane », puis repérer ensuite les lieux dont il parle et qu’il décrit dans le Roman, on pourra se reporter au plan vu d’avion page suivante qui montre clairement la structure tripolaire du site :
- La langue de Barbarie bordée par l’Océan Atlantique à droite sur le plan, et le petit bras du fleuve à gauche ; avec N’Dar Tout au nord, quand on arrive après avoir longé la côte du Maroc et de la Mauritanie ; puis Guet – N’Dar en descendant vers l’embouchure.
- L’île Saint-Louis au centre, entre les deux bras du fleuve Sénégal, avec les deux ponts à droite qui la relient à la langue de Barbarie ; et le pont Faidherbe à gauche qui la relie à Sor. C’est le quartier nord de l’île qui a servi de décor au Roman.
- Le quartier de Sor, où l’on arrive quand on vient du continent, à gauche sur le plan.
N.B. comme pour la 1ère partie de ce dossier sur Dakar, je me suis appuyée pour la seconde concernant Saint- Louis, sur les documents de référence cités, et j’ai utilisé des extraits du Roman, complétés et éclairés par les dessins de Loti, ainsi que par quelques cartes postales anciennes provenant du Service des Archives du Sénégal, et qui sont des témoins fidèles de cette époque révolue ( la plupart sont accessibles en ligne, notamment sur le site : http://www.au-senegal.com/).
Première vision de Julien Viaud arrivant à Saint-Louis (R.S. Introduction)
[En descendant la côte d’Afrique, quand on a dépassé l’extrémité sud du Maroc, on suit pendant des jours et des nuits un interminable pays désolé. C’est le Sahara, la « grande mer sans eau » que les Maures appellent aussi «Bled-el-Ateuch», le pays de la soif.
Ces plages du désert ont cinq cents lieues de long, sans un point de repère pour le navire qui passe, sans une plante, sans un vestige de vie.
Les solitudes défilent, avec une monotonie triste, les dunes mouvantes, les horizons indéfinis, et la chaleur augmente d’intensité chaque jour.
Et puis enfin apparaît au-dessus des sables une vieille cité blanche, plantée de rares palmiers jaunes ; c’est Saint-Louis du Sénégal, la capitale de la Sénégambie.
Une église, une mosquée, une tour, des maisons à la mauresque. Tout cela semble dormir sous l’ardent soleil. […] On s’approche, et on s’étonne de voir que cette ville n’est pas bâtie sur la plage, qu’elle n’a même pas de port, pas de communication avec l’extérieur ; la côte, basse et toujours droite, est inhospitalière comme celle du Sahara, et une éternelle ligne de brisants en défend l’abord aux navires.
On aperçoit aussi ce que l’on n’avait pas vu du large : d’immenses fourmilières humaines sur le rivage, des milliers et des milliers de cases de chaumes, des huttes lilliputiennes aux toits pointus, où grouille une bizarre population nègre. Ce sont deux grandes villes yolofes, Guet-n’dar et N’Dar Toute, qui séparent Saint-Louis de la mer.
Si on s’arrête devant ce pays, on voit bientôt arriver de longues pirogues à éperon, à museau de poisson, à tournure de requin, montées par des hommes noirs qui rament debout …].
Ces piroguiers sont de grands hercules maigres, admirables de forme et de muscles […] En passant les brisants, ils ont chaviré dix fois pour le moins […] Lorsqu’on est pressé, on peut se confier aux mains de ces hommes, certain d’être repêché toujours avec le plus grand soin, et finalement déposé sur la grève. Mais il est plus confortable de poursuivre sa route vers le sud, jusqu’à l’embouchure du Sénégal, où des bateaux plats viennent vous prendre, et vous mènent tranquillement à Saint-Louis par le fleuve.
Cet isolement de la mer est pour ce pays une grande cause de stagnation et de tristesse ; Saint-Louis ne peut servir de point de relâche aux paquebots ni aux navires marchands qui descendent vers l’autre hémisphère. On y vient quand on est forcé d’y venir ; mais jamais personne n’y passe, et il semble qu’on s’y sente prisonnier, et absolument séparé du reste du monde.]
N.B. –> Cet extrait du Roman semble confirmer les informations que j’ai pu tirer, notamment du document « Histoire du pont Faidherbe», à savoir qu’en 1873-1874 des navires comme le Pétrel ou l’Espadon ne pouvaient pas franchir le pont Faidherbe pour venir à quai dans l’Ile, et qu’ils devaient donc probablement mouiller le long des berges de la langue de Barbarie, ou près de l’embouchure du fleuve. Il faudra attendre les conclusions du décryptage du journal de bord de l’Espadon, entrepris par l’Amiral Jacques Marion, pour connaître ses zones de mouillage à Saint-Louis.
La maison de Pierre Loti à Saint-Louis mythe ou réalité ?
Plusieurs thèses contradictoires existent, et en dépit de toutes les recherches les plus récentes, le mystère demeure.
En tous cas, dans cette ville aux toponymes cosmopolites, qui honore ses hôtes illustres, Pierre Loti a donné son nom à une rue, au même titre que Blaise Diagne, Mermoz, ou le Général de Gaulle, par exemple. Et il existe bel et bien une maison répertoriée comme étant « la maison de Pierre Loti », située dans une rue voisine de la rue Pierre Loti, à l’angle de la rue Mage et de la rue Blaise Diagne (anciennement rue Brière-de-l’Isle), que l’enseigne de vaisseau Julien Viaud « aurait occupée » de mars à mai1874 (cf. le plan de l’île plus loin).
Photo de gauche la maison à la fin du XIXème siècle ; au centre telle que je l’ai vue et photographiée en 2004 ; à droite après les travaux de rénovation de 2006 par l’ARCAS (Association pour la Restauration et la Conservation de l’Architecture Saint-louisienne) et l’ONG française « Patrimoine Métier Solidarité France Afrique ». La façade a été repeinte à la chaux, et un balcon en bois ajouté par fidélité à la réalité qu’a connue Pierre Loti (contrairement à la couleur verte qui est plutôt moderne). Elle reste propriété privée, mais j’espère que nous aurons la chance de pouvoir visiter les deux pièces qu’aurait occupées Julien Viaud à l’étage (comme les propriétaires m’y avaient aimablement autorisée en 2004).
Si l’on en croit Jean-Luc Angrand (Céleste ou le temps des Signares/ouvrage cité), Loti, comme beaucoup de militaires français de l’armée coloniale, préférait loger chez l’habitant nègre. Et il aurait effectivement loué cet appartement au « Maître Samba Agui », un logeur qui possédait 57 captifs de case, et louait quelques pièces de sa maison à étages à des militaires, ou à des personnels administratifs et des négociants européens. Et selon Angrand, quand Loti décrit dans le Roman l’habitation de son héros, le spahi, il ne ferait que décrire ses propres conditions de vie : [Dans le quartier nord de Saint-Louis, près de la mosquée, était une petite maison isolée, appartenant à un certain Samba- Hamet, trafiquant du haut fleuve. Elle était toute blanche de chaux […]. En haut, était une vaste chambre carrée, haute de plafond, à laquelle on arrivait par un escalier extérieur, en bois vermoulu.]
En revanche, selon R. Mauny (je cite) : « On ne peut affirmer qu’il y ait eu une maison de Loti à Saint- Louis. Le « jeune officier pauvre » ne pouvait sans doute pas se permettre le luxe de deux foyers, si modestes soient-ils, l’un à Dakar et l’autre dans la capitale du Sénégal. Dans son journal, il n’est jamais question de maison saint-louisienne, et dans le Roman, c’est Jean Peyral qui a loué la maison à Samba- Hamet, et peut-être pour le seul soir des explications avec Loti (après l’affaire de la rivalité pour la belle Signare Cora, comme nous le dit l’Histoire du Spahi). Loti devait loger à bord du Pétrel, ou encore, de temps à autre, chez des camarades, ou dans une chambre quelconque appartenant à la Marine. »
Cependant, à l’issue de ses recherches, R. Mauny a noté que Loti n’avait pas occupé sa maison de Dakar de mars à fin mai 1874, et il émet une hypothèse : Loti aurait-il durant cette période loué une « garçonnière » à Saint-Louis pour recevoir sa « bien-aimée », son premier grand amour, une européenne, femme d’un haut fonctionnaire colonial, pour laquelle il a eu une passion malheureuse ? Et la maison dite de Loti à Saint-Louis serait - elle cette garçonnière ? Impossible de le confirmer car les pages du Journal de cette période ont été déchirées par Loti.
Les quartiers militaires et la caserne des spahis dans le quartier sud.
Ce panneau, sur lequel est évoqué le souvenir de Pierre Loti a été installé à l’emplacement exact des anciens quartiers militaires. Le bâtiment principal à droite, avec sa galerie sur arcades, était l’ancien bâtiment des spahis, qui comprenait les bureaux de la garnison au rez-de-chaussée, et les chambres des soldats et des officiers à l’étage, tandis que les casernes des soldats et les écuries se trouvaient à l’arrière (Photographie personnelle 2004). Jean Peyral, le héros du Roman, portait la tenue caractéristique des spahis, avec une veste rouge, et il était coiffé du fez musulman, comme sur la photo. [A la tombée du jour, Jean rentrait au quartier des spahis, dans le sud de Saint-Louis. Dans la grande salle blanche, ouverte au vent du soir, tout était silencieux et tranquille, les lits numérotés des spahis étaient alignés le long des murailles nues ; la tiède brise de mer agitait leurs moustiquaires de mousseline. Les spahis étaient dehors ; Jean rentrait à l’heure où les autres se répandaient dans les rues désertes, courant à leurs plaisirs, à leurs amours…]
N.B. : Le terme de spahis dérive d’un mot turc qui signifie cavalier. C’est à l’origine le nom donné aux cavaliers de l’Empire Ottoman qui, du XIIIe au XVIIIe siècle, domine l’ensemble du Moyen-Orient, une partie de l’Europe centrale et de l’Afrique du Nord. C’est le 10 septembre 1834 qu’a été créé le corps des Spahis Réguliers, qui est à l’origine de toutes les unités de spahis de l’Armée française. Les premiers spahis envoyés hors d’Algérie arrivent à Saint-Louis en février 1843. Dès le 1er août, ils chargent 2 000 cavaliers à Cascas. Dès lors, les spahis sénégalais seront de tous les combats de la conquête coloniale, depuis les sables du Sénégal, de la Mauritanie et du Soudan (Mali), jusqu’aux expéditions du Dahomey (Bénin) ; enfin se multipliant, ils formeront les escadrons du Tchad et du Maroc. Durant près de quatre- vingts ans, ils se couvriront de gloire à la pointe de leurs sabres.
Coumba-Félicia, la Cora du Roman, et Fatou Gaye, sa « captive »
Les Signares, ci-dessus sur la carte postale, posent dans leurs beaux atours, que P.L. décrit un jour où il y a eu fête à Saint-Louis […raides et dignes avec leur haute coiffure de foulard madras et leurs papillotes en tire-bouchon à la mode de 1820].
On ne peut parler de Saint-Louis sans faire allusion aux Signares, ces femmes issues de métissages entre les européens de passage et les Saint-Louisiennes (Cf.Document : «1633 – La création de Saint-Louis»). Elles étaient belles, riches, fières de leur sang mulâtre, et possédaient toutes des esclaves ou des captives. Leur richesse se mesurait d’ailleurs au nombre de leurs esclaves. Elles faisaient bâtir des maisons à étages, avec une cour intérieure et des appartements privés, où elles recevaient la « bonne société », et dont elles louaient souvent une partie à des militaires, ou à des personnels administratifs et des négociants européens.
C’était le cas de Coumba-Félicia, la Cora du Roman :
[Mulâtresse de Bourbon, elle avait été élevée dans l’oisiveté sensuelle et le luxe des créoles riches […] C’était la femme d’un des plus considérables traitants du fleuve […] Son habitation était une immense maison de briques, ayant cet aspect un peu égyptien des vieux quartiers de Saint-Louis, et blanche comme un caravansérail arabe. En bas, de grandes cours, où venaient s’accroupir dans le sable les chameaux et les Maures du désert, où grouillait un bizarre mélange de bétail, et de chiens, d’autruches et d’esclaves noirs. En haut, d’interminables vérandas soutenues par de massives colonnes carrées, comme les terrasses de Babylone. On montait aux appartements par des escaliers extérieurs en pierre blanche, d’un aspect monumental. Tout cela délabré, triste comme tout ce qui est à Saint-Louis, ville qui a déjà son passé, colonie d’autrefois qui se meurt. […] Les servantes négresses traversaient le salon d’un pas dolant en traînant leurs sandales, y laissant d’âcres senteurs de soumaré et d’amulettes musquées.]
Fatou Gaye, la petite captive de Cora […une petite négresse très comique à laquelle Jean ne prenait pas garde, qui habitait la maison de Cora en qualité de « captive ». Elle avait été tout dernièrement amenée à Saint-Louis et vendue comme esclave par des Maures Douaïch, qui l’avaient capturée dans une de leurs razzias, au pays des Khassonkés. […] Elle allait généralement toute nue, avec un chapelet de grigris au cou, et quelques grains de verroterie autour des reins. Sa tête était rasée avec le plus grand soin, sauf cinq toutes petites mèches, cordées et gommées, cinq petites queues raides et plantées à intervalles réguliers depuis le front jusqu’au bas de la nuque].
N.B. : Il existe toujours de belles maisons de Signare, élégantes et typiques de cette époque, comme celle de la photo, récemment restaurée (la couleur blanche d’origine n’a pas été gardée). L’une des plus belles, que nous pourrons visiter, est celle d’André Guillabert, une des figures célèbres de Saint-Louis (récemment décédé), originaire d’une grande et influente famille métisse de Saint-Louis, et qui fut sénateur et ministre avant l’Indépendance (il était l’oncle de J.J. Bancal).
La langue de Barbarie
On ne peut qu’admirer l’œil de dessinateur, de peintre et de fin observateur qu’était Julien Viaud, quand il décrit avec force détails dans certains villages, comme ici à Guet N’Dar et N’Dar Tout, sur la Langue de Barbarie, un marché, une scène de pêche, ou encore une « bamboula »qui nous fait ressentir en la lisant les ondes qui l’ont traversé pendant qu’il la vivait…
[Guet N’Dar, la ville nègre, bâtie en paille grise sur le sable jaune. - Des milliers, des milliers de petites huttes rondes, à moitié cachées derrière des palissades de roseaux secs, et coiffées toutes d’un grand bonnet de chaume. – Et les milliers de pointes de ces milliers de toits affectant les formes les plus extravagantes et les plus pointues, – les unes droites, menaçant le ciel, – les autres de travers, menaçant leurs voisines, les autres, enfin, racornies, ventrues, défoncées, ayant l’air fatigué d’avoir tant séché au soleil, paraissant vouloir se recroqueviller, s’enrouler comme de vieilles trompes d’éléphant.- Et tout cela à perte de vue, découpant de bizarres perspectives de choses cornues sur l’uniformité du ciel bleu. Au milieu de Guet N’Dar, partageant la cité en deux, du nord au sud, une large rue de sable, bien régulière et bien droite, s’ouvrant au loin toute grande sur le désert. - le désert pour campagne et pour horizon.]
[A Guet N’Dar, sur le sable, tapage, confusion de tous les types, babel de toutes les langues du soudan. Là se tient perpétuellement le grand marché de gens de tous les pays, où l’on vend de tout, des choses précieuses et des choses saugrenues, des denrées utiles et des denrées extravagantes, des objets invraisemblables, de l’or et du beurre, de la viande et des onguents, des moutons sur pied et des manuscrits, des captifs et de la bouillie, des amulettes et des légumes. […]
[Du côté de N’Dar Toute, les coups précipités du tam-tam appelaient les nègres à la bamboula, et des feux s’allumaient dans les cases yolofes. C’était un soir de décembre, un vilain vent d’hiver se leva, chassant les tourbillons de sable, et fit courir un frisson, une impression inusitée de froid sur ce grand pays brûlé […] Anamalis fobil ! – hurlaient les griots en frappant sur leur tam-tam, – l‘œil enflammé, les muscles tendus, le torse ruisselant de sueur… Et tout le monde répétait en frappant des mains avec frénésie : Anamalis fobil !…La traduction en brûlait ces pages… Anamalis fobil ! Le premier mot, la dominante et le refrain d’un chant endiablé, ivre d’amour et de licence, le chant des bamboulas du printemps ! […] Aux bamboulas du printemps, les jeunes garçons se mêlaient aux jeunes filles qui venaient de prendre en grande pompe leur costume nubile, et, sur un rythme fou, sur des notes enragées, ils chantaient tous, en dansant sur le sable : Anamalis fobil !…]
Le dessin ci-dessus de Julien Viaud (février 74) a peut-être inspiré l’auteur inconnu du dessin qui est reproduit sur cette carte ancienne. Quant à la formule énigmatique du chant endiablé transcrite par P.L. «Anamalis fobil », qui était hurlé par les griots, elle a fait l’objet d’analyses par des linguistes de l’Université de Dakar. Aucune traduction grammaticalement satisfaisante n’a pu en être donnée. Une étude intéressante, qui porte sur les termes « yolof » dont Loti parsème son roman, reconnaît que le texte de Loti n’est pas dépourvu d’intérêt linguistique : il permet en particulier d’évaluer certains traits de la langue wolofe du XIXème siècle et de caractériser celle-ci par son aptitude rapide au changement.
Dans le Roman, les allusions à la langue de Barbarie sont nombreuses, ce qui indique que l’auteur a dû souvent s’y promener, quelquefois même à cheval, et observer minutieusement les différentes ethnies qui la peuplaient ou qui passaient là ( wolof, soninké, peulh, bambara, touareg…). Il était semble-t-il fasciné par les scènes de pêche, comme celle à laquelle son héros assiste un soir, après s’être baigné, et que Loti ressuscite en la décrivant : [ Il se baignait dans les grands brisants de la côte d’Afrique, s’amusant, comme un enfant qu’il était encore, à se faire rouler par ces lames énormes qui le couvraient de sable. […] La plage au crépuscule était couverte d’hommes noirs qui revenaient aux villages chargés de gerbes de mil. Les pêcheurs aussi ramenaient leurs filets entourés de bandes bruyantes de femmes et d’enfants. C’étaient toujours des pêches miraculeuses que ces pêches du Sénégal : les filets se rompaient sous le poids de milliers de poissons de toutes les formes ; les négresses en emportant sur leur tête des corbeilles toutes pleines ; les bébés noirs rentraient au logis, tous coiffés d’une couronne de gros poissons grouillants, enfilés par les ouïes. Il y avait là des figures extraordinaires venant de l’intérieur, des caravanes pittoresques de Maures ou de Peuhls qui descendaient la langue de Barbarie ; des tableaux impossibles à chaque pas, chauffés à blanc par une lumière invraisemblable.]
Le franchissement de la barre tout le long de la langue de Barbarie est une épreuve difficile, même pour les pêcheurs les plus aguerris, et les drames sont fréquents. Ces filets de pêche, émouvants, qui recouvrent les tombes, ont valeur de symbole.
La première tornade : les images, les vibrations de l’air, les sensations de Loti ressuscitées par la mélodie des mots, et le rythme de la phrase …
[…la saison d’hivernage allait commencer…
Oh ! la première tornade !… Dans un ciel immobile, plombé, une sorte de dôme sombre, un étrange signe du ciel monte de l’horizon. Cela monte, monte toujours, affectant des formes inusitées, effrayantes. On dirait d’abord l’éruption d’un volcan gigantesque, l’explosion de tout un monde. De grands arcs se dessinent dans le ciel, montent toujours, se superposent avec des contours nets, des masses opaques et lourdes […] Les artistes qui ont peint le déluge, les cataclysmes du monde primitif, n’ont pas imaginé d’aspects aussi fantastiques, de ciels aussi terrifiants. Et toujours pas un souffle d’air, pas un frémissement dans la nature accablée. …………………
Tout à coup une grande rafale terrible, un coup de fouet formidable couche les arbres, les herbes, les oiseaux, fait tourbillonner les vautours affolés, renverse tout sur son passage. C’est la tornade qui se déchaîne, tout tremble et s’ébranle ; la nature se tord sous la puissance effroyable du météore qui passe. Pendant vingt minutes environ,toutes les cataractes du ciel sont ouvertes sur la terre ; une pluie diluvienne rafraîchit le sol altéré d’Afrique, et le vent souffle avec furie, jonchant la terre de feuilles, de branches et de débris………
Et puis, brusquement tout s’apaise. C’est fini. Les dernières rafales chassent les derniers nuages aux teintes de cuivre, balayent les derniers lambeaux déchiquetés du cataclysme, le météore est passé et le ciel redevient pur, immobile et bleu ].
N.B. il ne faut pas s’étonner des différences dans les transcriptions des termes en wolof et des noms sénégalais dans ce document. Celles de P.L. sont assez personnelles, ce qui s’explique par le fait qu’à l’époque le wolof et les langues africaines n’étaient pas encore décrites et codifiées scientifiquement, comme elles le sont presque toutes aujourd’hui.
Une expédition de Saint-Louis à Podor sur la Falémé (R.S.)
La croisière que nous allons faire sur le Bou El Mogdad va nous permettre de revivre le récit de Loti sur l’expédition que Jean Peyral, le héros du Roman, fit avec les spahis sur la Falémé, un des bâtiments de la marine, et de voir avec nos propres yeux les paysages, les villages et les diverses populations des deux côtés du fleuve, que l’auteur, en fin observateur, a dépeints de manière très précise et réaliste. Le récit est si riche et vivant qu’il me laisse à penser que Loti a vécu lui- même ces scènes, en sillonnant les eaux du fleuve Sénégal, peut-être en participant à cette expédition, ou dans d’autres circonstances identiques.
Quelques extraits du récit :
[Tous les bâtiments de la marine requis pour l’expédition, étaient groupés dans le nord de Saint-Louis, au coude du fleuve, près de Pop N’Kior […] Vers trois heures toute la flottille, qui devait remonter le fleuve jusqu’à Dialdé en Galam, s’ébranla avec son chargement d’hommes, et se mit en route par une chaleur atroce. Saint-Louis s’éloignait…ses alignements réguliers s’abaissaient, s’effaçaient en bandes bleuâtres dans les sables dorés…
Jean et les spahis avaient été embarqués sur la Falémé, qui marchait en tête, et devait bientôt prendre une avance de deux jours.
[….] La flottille remontait le fleuve avec toute la vitesse possible, s’amarrant au coucher du soleil et se remettant en route au petit jour.
A Richard Toll, le premier poste français, on avait encore embarqué des hommes, des négresses et du matériel.
A Dagana, on s’arrêta pour deux jours, et la Falémé reçut l’ordre de continuer sa route sur Podor, le dernier poste avant le pays de Galam où quelques compagnies de tirailleurs étaient déjà rassemblées. La Falémé cheminait toujours dans le désert immense, elle s’enfonçait rapidement dans l’intérieur, en suivant l’étroit fleuve aux eaux jaunes qui sépare le Sahara maure du grand continent mystérieux habité par les hommes noirs. […] Suit une description détaillée des oiseaux et animaux aperçus tout le long des rives mornes : sur la rive sud (vautours noirs, marabouts chauves, aigrette blanche, martin pêcheur…) et des villages avec leurs huttes pointues, entourées de leurs tatas épaisses, de murs de terre et de bois rappelant des silhouettes humaines….
Et plus loin, sur la rive nord, celle du Sahara, plus de sable encore et une autre physionomie de désolation…de grands feux d’herbages allumés par les Maures…des chaines de collines…un mirage… […] De temps en temps apparaissaient sur cette rive des groupes d’hommes de pure race blanche, fauves et bronzés, il est vrai, mais régulièrement beaux, avec des grands cheveux bouclés qui leur donnaient des airs de prophètes bibliques. Ils allaient tête nue sous ce soleil, vêtus de longues robes d’un bleu sombre. Maures de la tribu des Braknas ou desTzarazas…
L’expédition arrive à [Podor, un poste français important sur la rive sud du Sénégal, et l’un des points les plus chauds de la terre.
Une grande forteresse (Cf. photo ci-dessus), fendillée par le soleil. Une rue presque ombragée, le long du fleuve, avec quelques maisons déjà anciennes d’aspect sombre.
Des traitants français, jaunis par la fièvre et l’anémie, des marchands, maures ou noirs, accroupis sur le sable ; tous les costumes d’Afrique. Des sacs d’arachides, des ballots de plumes d’autruches, de l’ivoire et de la poudre d’or.
[…] Tout autour de Podor, des champs de mil ; quelques arbres rabougris, quelques broussailles et un peu d’herbe.
En face, sur la rive maure, on était en plein désert. Et pourtant, à l’entrée d’une route à peine commencée, qui bientôt se perdait au Nord dans les sables, un écriteau portait cette inscription prophétique : Route d’Alger.
Dakar Bango, ou « la Limoise au Sénégal »
En quittant Podor pour revenir à Saint-Louis par la route, nous ferons une halte au Ranch de Bango. Ce sera pour nous l’occasion d’évoquer la rencontre qu’a faite Pierre Loti avec Prosper Bancal, en décembre 1873, au cours d’une promenade en barque avec des amis dans les dédales des marigots, et qu’il a rapportée, avec force détails, dans le Journal d’un officier pauvre (J.O.P. pp54-59). Je recommande à tous les Amis de relire l’article d’Yves Nicolas « La Limoise au Sénégal » paru dans le Bulletin N° 13 de l’AIAPL qui relate cette rencontre (N.B. : il pourrait être envoyé par courriel – par Françoise Bellot ou par moi-même – à tous les amis qui en feraient la demande).
Les photos de Prosper Bancal, à gauche, et de Marianne Aubert son épouse à droite, ainsi que les textes qui les accompagnent ont été recueillis sur le site : http://senegalmetis.com/
Exilé volontaire …
« Etienne –Prosper Bancal, Médecin de la Marine, né à Rochefort en 1808, a 22 ans quand il arrive en 1830 à Saint-Louis, où il s’illustre par son dévouement au cours de l’une des nombreuses épidémies qui ravageaient périodiquement la ville. Installé à Dakar-Bango dans un domaine qui s’appelait « la petite ferme », il reçut en 1874 la visite de Pierre Loti. Il fit à ce dernier des confidences, lui avouant que c’est par chagrin d’amour qu’il s’était exilé au Sénégal. En effet, jeune médecin dans les années 1830, il était tombé amoureux d’une jeune fille à laquelle il avait dû renoncer parce qu’elle était promise à son meilleur ami. Or, cette jeune fille et cet ami étaient la mère et le père du futur Pierre Loti. A Saint-Louis, Prosper Bancal a épousé la Signare Marianne Aubert, avec laquelle il a eu une nombreuse descendance métisse.
Sa tombe dans le vieux cimetière de Sor porte l’épitaphe suivante : » Ici repose Prosper Bancal, né à Rochefort le 29 septembre 1808, décédé à Saint-Louis le 21 septembre 1877 ».
« Marianne Aubert, Signare d’Etienne-Prosper Bancal, est née vers 1813 à Gorée. Elle est la fille de Charles Aubert, qui était traitant à Gorée, et de la Signare Perrine de la Combe. Elle est vraisemblablement la petite fille du sieur Aubert, qui fut commis de la Compagnie des Indes en 1752. La seule certitude que nous ayons à son sujet est qu’elle fut la Signare d’Etienne- Prosper Bancal, un médecin de Rochefort exilé à Saint-Louis par dépit amoureux.
Ils eurent quatre enfants qu’ils reconnurent tardivement, lors de leur mariage officiel en 1853.
Cette photo-carte signée Bonnevide est précieuse, car les photographies de Signares sont extrêmement rares. »
Note de R.Mauny Emma-louise, sur la photo de famille, ci-dessus à droite, est «la vieille fille en robe grise, à peine mulâtresse» dont parle Loti dans son récit de la rencontre.
1633 Création de Saint-Louis
Extraits du dossier « Saint-Louis du Sénégal, patrimoine mondial de l’humanité »
(En ligne sur le site :http://www.saintlouisdusenegal.com/ )
L’implantation est protégée par une habitation fortifiée en brique de terre séchée, cantonnée de bastions, édifiée à partir de 1659. Durant le XVIIIe siècle, le fort est transformé et agrandi ; quelques dizaines de maisons en pierre importée, ou plus généralement en briques cuites, sont élevées à proximité sur des terrains concédés à l’usage des commerçants et des soldats. Ces maisons en dur sont entourées de huttes de paille ou de roseaux destinées aux domestiques ou à des entrepôts de marchandises.
Le temps passe et Saint-Louis forme une petite ville au plan régulier rythmé de rues étroites et bien alignées, divisée en deux quartiers de part et d’autre d’un fort et de la place d’armes. Les autochtones et les esclaves s’installent aux deux extrémités de l’ile.
En 1780, la ville compte 7 000 habitants dont 2400 mulâtres et 660 européens.
L’avènement des Signares
Commence alors une aventure presque unique, celle de l’édification d’une civilisation nouvelle mettant en commun les caractéristiques, les vertus, les capacités des commerçants français et des marins wolofs. De la solitude des expatriés, confrontés à une existence pour eux très rude, naquirent des « mariages à la mode du pays » avec des Africaines qui savaient les soigner avec des plantes indigènes, et les nourrir de façon adaptée au climat. Et de ces unions sortit une classe de métis, les « Signares », descendant donc à la fois de la population locale et des familles françaises qui comptaient parfois les plus grands noms. Ces métis ne tardèrent pas à acquérir à la fois fortune et pouvoir. Et jusqu’au milieu du XIX ème siècle, ils formaient un lobby puissant, écouté et respecté des gouverneurs français.
Progressivement, le commerce de la gomme s’intensifie et attire de nombreux ruraux. Dès 1820 des sociétés de négoces, souvent originaires de Bordeaux puis de Marseille, ouvrent des agences à Saint-Louis. La ville compte en 1838 près de 12 000 habitants. Après l’abolition de l’esclavage en 1848 les sociétés comme Maurel et Prom vont élever le long des quais de vastes entrepôts où s’échangent les marchandises amenées par le fleuve et les produits manufacturés importés.
Reflet d’un développement intensif, de nombreux bâtiments civils, publics, religieux et militaires voient le jour dès la première moitié du XIXème siècle : l’église est inaugurée en 1828, les hôpitaux militaire et civil ouverts en 1822 et 1840, le palais de justice édifié de 1844 à 1846, les casernes d’Orléans et de Rognat élevées en 1830 et 1813, l’institution des sœurs de Saint-joseph de Cluny et l’école des frères Ploërmel fondées en 1826 et 1841, la mosquée achevée en 1847.
De 1854 à 1864, Faidherbe entreprend une série de travaux qui confirment l’essor de la ville. Il dégage les voies de circulation, trace le boulevard extérieur et commence l’aménagement des quais, lutte contre les inondations par des travaux de remblais et d’assainissement des berges, réglemente l’implantation des constructions notamment à la périphérie, encourage les constructions en dur, rase une partie des paillottes, édifie une nouvelle prison et un hospice civil pour les indigents et relie l’île à Guet Ndar et Sor par des ponts permanents.
L’âge d’or de la ville s’étend durant le dernier quart du XIXe siècle. A partir de 1879, elle est le siège du Conseil général de la colonie dont on achève le bâtiment en 1888. En 1895, Saint-Louis devient la capitale de l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.) regroupant le Sénégal, le Soudan, la Guinée et la Côte d’Ivoire. Le chemin de fer reliant Dakar à Saint-Louis arrive à Sor en 1885 (la gare actuelle ne datant que de 1908) et le pont Faidherbe à charpente métallique remplace le pont de bateaux en 1897. L’île est alors dotée d’une adduction d’eau potable, de trottoirs et d’un éclairage public ; la totalité de la superficie habitable est lotie. A cette époque l’île compte 20 000 habitants.
En 1902, le transfert de la capitale de l’A.O.F. de Saint-Louis à Dakar sonne le glas de cette belle époque qui se prolonge jusqu’à la première guerre mondiale. A ce moment, quelques constructions administratives comme l’hôtel consulaire (1936), les châteaux d’eau (1937) et des immeubles modernes sont encore construits entre les deux guerres mais l’essentiel de l’innovation architecturale se situe alors à Dakar malgré l’augmentation de la population de Saint-Louis qui double entre 1936 et 1950. On enregistre un dernier sursaut de constructions administratives dans le quartier sud comme le centre de l’I.F.A.N. élevé en 1957. L’approche de l’indépendance achève le déclin de la ville avec le transfert définitif du gouvernement du Sénégal à Dakar en 1957-1958 et en novembre 1960 celui de la capitale de la Mauritanie à Nouakchott.
Une architecture coloniale originale mais menacée
L’île Saint-Louis présente un ensemble urbain, architectural, historique et culturel parmi les plus remarquables de l’Afrique de l’Ouest. C’est un des exemples bien conservés de villes coloniales, anciens comptoirs commerciaux développés à partir d’un fort comme à Gorée, Rufisque et Carabane au Sénégal ; et Grand- Bassam et Bingerville en Côte d’Ivoire. Ce site lagunaire et marécageux a été choisi pour des raisons stratégiques en raison de sa proximité de la mer et de la facilité de défense.
Le tracé orthogonal de la trame viaire implantée à partir du fort est caractéristique du plan des villes nouvelles coloniales tracé par les officiers du génie (Cf. plan ci-après). Le centre est quadrillé par des îlots carrés de 30m de côté, et se prolonge du nord au sud par des îlots de même largeur mais plus allongés de 75m de long. Les îlots transversaux encadrent les deux types précédents et bordent les deux bras du fleuve. Les structures géométriques des îlots sont inversement proportionnelles à leur éloignement du centre et à leur ancienneté. L’espace des îlots d’habitation aux parcelles surdensifiées est saturé, laissant peu de place aux espaces verts.
On y retrouve une architecture de type méditerranéen adaptée à partir de la première moitié du XIXe siècle au climat tropical et au milieu colonial : maison autour d’une cour, répartissant lumière et fraîcheur. Près de la moitié des maisons sont en rez-de-chaussée : le tiers d’entre elles, construites en brique, portent des toitures de tuiles mécaniques, à deux versants, le reste est couvert en terrasse avec acrotères dont les avancées forment pare-soleil.
Les maisons à étage, légèrement moins nombreuses que les précédentes, construites en brique, s’organisent également autour de la cour. Les logements de l’étage sont distribués en enfilade par une coursive et disposent côté rue de portes fenêtres symétriques donnant sur un balcon généralement protégé par un auvent en tuile mécanique. Les plus vieilles balustrades sont en bois, quelques-unes en fer forgé. Les plus récentes et les plus restaurées sont en ciment.
La plupart des rez-de-chaussée de ce type de maisons étaient à usage de boutiques dont les plus anciennes s’ouvraient dans des arcades en plein centre. Les enduits des maisons les plus anciennes sont colorés en ocre ou en rose et les entrées sont soulignées par des encadrements moulurés et peints.
La cité de Saint-Louis, vieille de plus de trois siècles, s’est peu à peu endormie au XXe siècle, avec la perte de son pouvoir économique et administratif, entrainant la dégradation ou la disparition de bâtiments remarquables. La confrontation entre l’état actuel et la couverture aérienne de 1972 est alarmante : de nombreux édifices civils ont été rasés ou sont dans un état de ruines nécessitant une totale reconstruction, de nombreuses baraques en bois et plusieurs entrepôts ont également été rayés de la carte durant ces dernières années.
Les mesures de sauvegarde L’état du patrimoine est alarmant : 10 à 20% des constructions menacées de ruine et plus de 30% nécessitent de grosses réparations… Les rares restaurations effectuées ne respectent pas les détails de façades : encadrements moulurés des baies, balcons en bois ou en ferronnerie surmontés d’auvent couvert en tuile, coloration des enduits…La sonnette d’alarme avait été actionnée dès les années 1970. En 1973, le conseil national de l’urbanisme déplore l’état de délabrement continu de la ville de Saint-Louis, qui est incluse sur la liste des monuments et des sites historiques en août de la même année.
Après un premier classement en 1976 comme secteur sauvegardé par le Président L.S. Senghor, l’île de Saint-Louis du Sénégal a été classée Patrimoine Mondial de l’Humanité en 2000. Ce classement couronne une série d’études et de missions, d’initiatives et d’actions d’information et de sensibilisation, et porte la ville de Saint- Louis et le Sénégal au-devant de la scène internationale. Il implique un engagement fort des collectivités locales et des administrations nationales dans une politique de sauvegarde et de mise en valeur de l’île Saint-Louis. Avec l’aide de ses partenaires de la Coopération décentralisée et, notamment, Lille Métropole Communauté Urbaine, une convention de coopération décentralisée axée, entre autre, autour du Patrimoine, prévoit la réalisation d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (C’est dans le cadre de ce plan qu’a été rénovée en 2006 la Maison de Pierre Loti).
Histoire du Sénégal Repères chronologiques
150 000 ans avant JC Présence humaine décelée sur le fleuve Sénégal
et la presqu’île du Cap-Vert.
3 000 ans av JC-1ers. Edification d’ensembles mégalithiques dans la région de Kaolack,
au sud-est de Dakar.
IV – XIes. Empire du Ghana.
XIes. Invasion des Almoravides-, confrontation de l’animisme et de l’islam
(islamisation des Toucouleurs).
XIIIe-XIVes. Soundiata Keita fonde l’Empire du Mali en 1240
(englobant l’actuel Sénégal).
XIVe -XVI es. Constitution de l’Empire du Djolof au centre du Sénégal.
1364 Présomption d’un débarquement de navires dieppois au Cap-Vert.
1445 Premiers contacts des navigateurs avec le fleuve Sénégal vers
Gandiol (embouchure). Les navigateurs portugais (Diaz) prennent
possession de Gorée.
1510 Début de la traite des Noirs – Arrivée des premiers esclaves en Haïti.
1588 Les Hollandais occupent Gorée.
1626 Fondation par Richelieu de la Compagnie Normande,
association des marchands de Dieppe et Rouen pour l’exploitation
du Sénégal et de la Gambie.
1628 Première installation du comptoir du Sénégal.
1634 Richelieu octroie le monopole du commerce avec l’Afrique à des
marchands rouennais.
1638 Fondation d’une «habitation» dans l’île de Bocos, à proximité de
l’embouchure duSénégal, par le Normand Thomas Lambert.
1658 Dissolution de la Compagnie Normande qui est rachetée par la
Compagnie du Cap Vert etdu Sénégal.
1659 L’habitation de Bocos est transférée dans une autre île située
plus en aval : l’île de N’Dar, propriété du Barak (roi) du Waalo.
Le fort de Saint-Louis est alors construit par Louis Caullier.
1664 Création de la Compagnie des Indes Occidentales après
expropriation de la Compagnie du Cap Vert et du Sénégal.
Début de la traite négrière le long des côtes occidentales d’Afrique.
1673 Fondation par Colbert de la Compagnie du Sénégal. Le Sénégal
est vendu à cette compagnie.
1677 Gorée est prise aux Hollandais et tombe aux mains des Français.
1681 La Compagnie du Sénégal est dissoute laissant plus d’un million
de livres de dettes. Création d’une nouvelle compagnie qui
subsistera jusqu’en 1694.
1685 Les employés de la compagnie se rebellent contre le directeur
et l’expédient sur Gorée. Établissement du «Code Noir» qui règlemente
la traite des esclaves. Les esclaves y sont présentés comme une
simple marchandise.
1693 Saint-Louis passe sous la domination anglaise (janvier -juillet).
1694 Création de la Compagnie Royale du Sénégal dont l’administrateur,
André Brué, sera capturé par le Damel du Cayor et libéré
contre rançon (1701).
1709 Création d’une troisième Compagnie du Sénégal (1709-1718).
1743 Fondation du premier fort de Podor.
1756 Début de la Guerre de Sept Ans (1756-1763) qui oppose la France
à l’Angleterre.
Avril 1758 – janvier 1779 Saint-Louis capitule face à une escadre anglaise ; cette deuxième
occupation durera 21 ans (1758-1779). L’île sera d’abord administrée
par une compagnie privée puis directement par la couronne britannique.
1763 Par le traité de Paris (10 février), Louis XV abandonne le Sénégal aux
Anglais, sauf Gorée.
1764 Le métis Charles Thevenot devient le premier maire de Saint-Louis.
1767 Suppression du monopole de la traite négrière au Sénégal
1776 Les Toucouleurs créent un état confédéral et théocratique au Fouta,
dirigé par un almany.
1778 La population noire de Saint-Louis se révolte contre la garnison
anglaise.
1779 L’expédition du duc de Lauzun reprend Saint-Louis aux anglais.
Un gouverneur militaire ainsi que des officiers nommés par le roi
de France siègent au Fort. Dumontet est le premier gouverneur
français de la colonie. La compagnie s’installe au sud.
1783 Le Traité de Versailles restitue officiellement le Sénégal à la France.
Le monopole de la gomme revient à la Compagnie du Sénégal, ainsi
que le monopole de la traite des esclaves.
1785 Le Chevalier de Boufflers est nommé gouverneur.
1789 Blanchot est nommé gouverneur du Sénégal, il gouvernera le pays
jusqu’à sa mort en1817. Avril : établissement du Cahier de Doléances
des habitants du Sénégal aux États-Généraux. Abolition des privilèges
de l’esclavage, des monopoles ; la compagnie est supprimée.
1791 Abolition formelle de l’esclavage par la Révolution Française.
Février1794 Citoyenneté française accordée à tous les hommes des colonies.
1802 Rétablissement de l’esclavage par Napoléon Ier. Rébellion des
métis : la bourgeoisie de Saint- Louis, alliée aux négociants,
s’empare du gouverneur Lasserre, accusé de faire du commerce ;
il est expulsé sur Gorée.
1809 - 13 juillet : Saint-Louis capitule devant les Anglais. Troisième occupation
anglaise qui durera jusqu’en 1816.
1814 Naissance de David Boilat à Saint-Louis. Fin de la « concession royale ».
1814 Par le traité de Paris (30 mai), les Français récupèrent le Sénégal.
1816 Le gouverneur Schwartz et l’expédition de la Méduse sont envoyés
par la Restauration pour reprendre Saint-Louis que le traité de Vienne
rend à la France. Naufrage fameux sur le banc d’arguin. Géricault
peint le Radeau de la Méduse.
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-radeau-de-la-meduse
1817 Les anglais rendent effectivement Saint-Louis. Retour de la France
au Sénégal, nomination d’un gouverneur. Création du premier
établissement scolaire par l’instituteur bourguignon Jean Dard :
école mutuelle laïque pour scolariser les enfants en français
et en wolof.
1817–1826 Essai de mise en valeur agricole dans la région de Saint-Louis : échec.
Installation des premiers comptoirs bordelais.
1821 Le baron Roger est nommé gouverneur du Sénégal.
Création du jardin de Richard – Toll.
1826–1854 Luttes et difficultés avec la plupart des tribus de la région.
1827 Pose de la première pierre de la cathédrale de Saint-Louis.
1828 Adoption par le conseil de gouvernement et d’administration français
du nouveau plan de la ville rendu exécutoire le 31 mars 1829.
La cathédrale est consacrée.
1830 Construction de la caserne d’Orléans (Rognat Sud), du Palais de justice,
du Grand Hôpital de la Marine. Condamnation par le code civil
du «mariage à la mode du pays».
1833-1835 Opérations militaires françaises contre les Maures trarzas.
1840 L’arachide devient le produit miracle du pays. Création d’une
cour d’appel et du Conseil Général ; David Boilat est le premier
prêtre métis.
1841 Création de l’école des Frères de Ploërmel.
1843 Construction de la caserne Rognat Nord. Edouard Bouet-Willaumez,
capitaine de corvette, est gouverneur du Sénégal.
1847 La mosquée nord, commencée en 1826, est achevée.
(Aujourd’hui grande mosquée)
1848 Abolition de l’esclavage par la IIème République sous l’impulsion
de Victor Schœlcher. Naissance du faubourg de N’dar-Toute et de
Bouëtville à Sor.
1849 Le Gouverneur Baudin annonce la création de N’Dar Toute
(village de liberté) sur la langue de Barbarie.
1854-1865 Le commandant Faidherbe est nommé gouverneur. Il tente alors de
pacifier le Sénégal par la manière forte : campagne du Fouta, du Walo,
du Sine, du Cayor. Il réunifie le Sénégal. C’est le véritable départ de la
colonisation. Très importante extension géographique.
1856 Inauguration du pont Servatius reliant l’île à la Langue de Barbarie
(Guet-N’dar). Création du tribunal musulman et d’une école
primaire laïque àSaint-Louis.
1857 Fondation de DAKAR et étude d’un projet de construction d’un port
au Cap Vert – Naissance de Louis-Léon, fils de Faidherbe et
d’une Sarakolé, KasouKaise.
1858 Un bac est installé entre Sor et l’île.
1860 Capitulation de El Hadj Omar, le « combattant de la foi », qui avait
proclamé la guerre sainte.
1865 Un pont de bateaux reliant l’île à Sor est inauguré par Pinet-Laprade
(remplaçant de Faidherbe rentré en France le 2 mai 1863) – La
construction du port de Dakar commence réellement.
1872 Création des «communes de plein exercice» de Saint-Louis et
Gorée (décret du 10avril).Saint- Louis est la capitale duSénégal.
1873–1874 Séjour de Pierre Loti à Saint-Louis qui servira de décor au Roman
d’un Spahi.
1879 Création du Conseil Général du Sénégal ayant son siège àSaint-Louis.
1881 Epidémie de Fièvre Jaune à Saint-Louis.
1885 Inauguration du chemin de fer Dakar/Saint-Louis. Conférence de
Berlin sur les colonies européennes d’Afrique (signature du
pacte colonial).
1887 Dakar devient commune de plein exercice (par séparation d’avec Gorée).
1888 Construction de l’Hôtel de Ville de Saint-Louis.
1895 Création de l’A.O.F. (Afrique Occidentale Française). Le Sénégal en
prend la tête et Saint-Louis en est la capitale. La ville compte alors
20 000 habitants. Inauguration du pont Faidherbe (pont métallique
actuel - http://www.saintlouisdusenegal.com/pontfaidherbe.php).
1898 Le port de Dakar est promu port de guerre par la Métropole et reçoit,
simultanément, ses premiers équipements commerciaux.
1902 Saint-Louis n’est plus la capitale de l’AOF mais reste capitale
du Sénégal. Le Gouverneur Baudin annonce la création de
N’Dar Toute (village de liberté) sur la langue de Barbarie.
Dakar est désormais plus peuplée que Saint-Louis.
1914 Pour la première fois, élection d’un député sénégalais, Blaise Diagne,
à l’Assemblée nationale française(sous secrétaire d’Etat aux colonies
dans le cabinet de Pierre Laval / DCD en 1934).
1916 Pierre Chimere est le premier maire noir de Saint-Louis. La citoyenneté
française est accordée aux habitants de Dakar, Saint-Louis, Gorée
et Rufisque.
1930 Le12mars:PremièreliaisonpostaleaérienneSaint-Louis/Natal (Brésil)
par Jean Mermoz – https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Mermoz
1945 Léopold Sédar Senghor est élu député du Sénégal.
1946 Tous les ressortissants des territoires d’outre-mer accèdent à la
nationalité française.
1957 Transfert de la capitale du Sénégal de Saint-Louis à Dakar.
1958 Le général de Gaulle crée la Communauté française. La République
sénégalaise est proclamée la même année.
1959 La Fédération du Mali, à laquelle appartient le Sénégal, devient
indépendante.
1960 La Mauritanie décide le transfert de sa capitale de Saint-Louis
à Nouakchott. 20 août : le Sénégal se retire de la Fédération du
Mali et proclame son indépendance. Senghor accède à la
présidence de la République – 28 septembre : Le Sénégal
est admis aux Nations Unies.
1963 Nouvelle Constitution ; instauration d’un régime présidentiel.
1974 Création d’un parti d’opposition : le parti démocratique sénégalais.
1975 Construction de l’Université deSaint-Louis.
1981 Senghor abandonne ses fonctions. Abdou Diouf lui succède et
autorise tous les partis politiques.
1988 Réélection d’Abdou Diouf à laprésidence.
1991 Le leader de l’opposition, Abdoulaye Wade, entre augouvernement.
1993 Abdou Diouf est à nouveau réélu.
1995 Réouverture de la frontière sénégalo-mauritanienne. Après un séjour en
prison, Abdoulaye Wade est à nouveau ministre.
2000 Elections présidentielles. Victoire de Me Abdoulaye Wade.
2001 Mort du Président Léopold Sédar Senghor, décédé le 20 décembre 2001
en France, à l’âge de 95 ans, enterré le samedi 29 décembre à Dakar
aux côtés de son fils.
Programme du voyage
«Sur les pas de Pierre Loti au Sénégal»
22 novembre au 3 décembre 2011
22 novembre Dakar
Rendez-vous à 14 h 00 au terminal 2 E de l’aérogare de Roissy-CDG. Départ pour Dakar à 16 h 25 par le vol direct AF718.
Arrivée à 21 h 00 à l’aéroport Yoff de Dakar. Accueil par le correspondant ATG (Africa Travel Group) de la Compagnie du Fleuve et transfert à l’hôtel Novotel.
Nuit au Novotel.
23 novembre Dakar – Gorée
Départ matinal du Novotel vers la rade, avec le véhicule et le chauffeur mis à disposition, et en compagnie du guide ATG.
Matinée organisée avec le concours de l’Amiral Jaques Marion : pour le souvenir de Pierre Loti, lereprésentant de la Marine française à Dakar mettra à notre disposition une chaloupe, avec son équipage, afin de nous permettre de visiter le port et la rade. Nous pourrons ainsi voir et observer la baie de Hann et les paysages alentour, comme Pierre Loti les a vus, décrits et dessinés, depuis les anciens postes de mouillage du Pétrel et del’Espadon.
Puis, transport par la chaloupe de la Marine française jusqu’à l’île de Gorée où nous serons accueillis par le Maire.
Déjeuner au Chevalier de Boufflers.
Visite du fort d’Estrée qui abrite aujourd’hui le musée historique, visite de la maison des esclaves, balade sur la falaise de l’île appelée le Castel où l’on peut voir le monument du Mémorial Gorée Almadies. Flânerie à travers les ruelles de l’île, bordées de maisons qui datent de l’époque coloniale, l’ancienne Ecole William Ponty, l’Eglise Saint Charles, la Mosquée, le musée historique de l’IFAN (Ancienne maison de Victoria Albéris).
En fin d’après-midi, transport de Gorée au débarcadère de Dakar avec la chaloupe de la Marine française. Retour à l’hôtel.
Dîner et nuit au Novotel.
24 novembre Dakar
Départ matinal pour une promenade en bus dans Dakar, avec arrêts et visite de certains lieux (Pause déjeuner en cours de visite en fonction du lieu et de l’horaire) :
La place de l’Indépendance avec les principaux édifices qui rappellent le passé colonial de la ville, un ou deux marchés, la poste centrale, la gare ferroviaire, les bâtiments de l’extrême sud historique avec le Lycée Lamine Gueye, le phare du Cap Manuel, la Cathédrale, les quartiers Amitié, Sacré Cœur et Baobab, la baie de Hann et le cimetière de Bel Air, Colobane, l’école de filles Kennedy, le Monument de l’Indépendance, le quartier résidentiel de Fann, l’Université Cheikh Anta Diop et le Point E et l’IFAN…
Le quartier Mermoz avec le Lycée français.
Soumbédioune pour le village de pêcheurs et le village artisanal
Les Almadies, les Mamelles et Ngor-Yoff avec visite du musée d’art contemporain « Boribana » Le quartier HLM pour son marché des tissus et ses tailleurs.
La médina avec la Grande Mosquée et, si possible une petite mosquée comme celle que Pierre Loti a dessinée (Il n’a pas été possible de l’identifier dans le Dakar d’aujourd’hui, mais il existerait des lieux de prière semblables dans la médina).
(Certaines des visites prévues pourront être annulées si le temps venait à manquer.)
Dîner et nuit au Novotel.
25 novembre Dakar -Saint-Louis
Départ pour Saint-Louis en passant par le Lac rose de Retba, le village des tortues à Noflaye, le Monastère de Keur Moussa, SébiKhotane pour voir les ruines de l’ancienne Ecole William Ponty et le chantier de l’Université du Futur Africain (UFA).
Arrêt à Thiès pour le déjeuner. Arrivée à Saint-Louis et installation à l’hôtel Résidence.
Dîner et nuit à l’hôtel.
26 novembre Saint-Louis – Départ de la croisière sur le BOU ELMOGDAD
Vers 10 h 00, visite du musée du CRDS (Centre de Recherche et de Documentation Scientifique). Au retour, passage par la boutique qui vend des reproductions d’anciennes cartes postales et des photos (rue Blaise Diagne).
Déjeuner à l’hôtel Résidence.
Embarquement et installation sur le Bou El Mogdad à partir de 15 h 00.
A 16 h 00 un tour de ville en calèche permettra de découvrir l’île Saint Louis. On peut y sentir l’atmosphère à la fois étrange et familière, admirer la finesse des balcons accrochés aux belles maisons coloniales et suivre le dégradé des teintes ocre jaune qu’offrent les rues selon la position du soleil. Le quartier nord de l’île est séparé du quartier sud par la Gouvernance et la place Faidherbe. Toujours sur l’île : la mairie et le palais de justice (1er jugement en 1875), l’hôpital (1827) belle construction ocre jaune, le lycée de jeunes filles Ameth Fall occupe depuis 1927 un ancien hôpital datant de 1840. Le fameux pont Faidherbe (500 m de long) expédié à Saint Louis en 1897 à la suite d’une gigantesque erreur administrative. Au cours de la visite passage par la rue Pierre Loti, la rue Mage pour voir « la maison de Pierre Loti » et le quartier Nord où se trouvait la caserne des Spahis et l’ancienne Poudrière (C’est ce quartier Nord qui servit de décor à Pierre Loti pour le Roman d’un Spahi).
Visite d’une maison typique de Signare (La maison de M. Guillabert ou la Maison Rose).
Dîner et nuit à bord du Bou El Mogdad.
27 novembre Saint Louis – Diama – Tiguet(Djoudj)
Nous sillonnerons les eaux du fleuve Sénégal jusqu’au barrage de Diama. Ce barrage est la limite des eaux salées qu’il empêche de remonter, passage de l’écluse et visite de ce barrage pendant le passage du bateau. Déjeuner à bord
Remontée du fleuve en longeant la réserve du Diouling, bordée de roseaux d’où vous pourrez apercevoir de nombreuses espèces d’oiseaux. Arrêt à l’embouchure du bolong du Gorom qui permet d’accèder au Parc des oiseaux du Djoudj. Vous rejoindrez l’embarcadère à partir de l’annexe du bateau. Cette réserve a été créée en 1971. C’est le troisième parc ornithologique du monde. Il s’étend sur 12 000 hectares dans le delta du fleuve Sénégal. Aussi cette réserve exerce-t-elle un attrait irrésistible sur l’avifaune d’Europe comme d’Afrique. De novembre à mars, trois millions d’oiseaux s’y donnent rendez- vous pour hiberner ; ajoutez-y une vingtaine d’espèces de mammifères. Départ pour une excursion en pirogue. Moteur au ralenti, la pirogue s’enfonce au coeur du Djoudj tandis que se déclenche un fantastique ballet : flamants qui décollent en rangs serrés, pélicans qui s’envolent, cormorans qui plongent. Spectacle à la fois étrange et extraordinaire. Retour sur le bateau.
Dîner et nuit à bord du Bou El Mogdad dans le grand bras du fleuve.
28 novembre Tiguet – Diaouar – RichardToll
Navigation. Nous continuerons en montant les eaux du fleuve Sénégal bordé par le Sénégal et la Mauritanie. Les rives sénégalaises sont des terres rizicoles et sont peu cultivées côté mauritanien. Nous apercevrons quelques phacochères, puis nous passerons devant Rosso, ville frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, où les pirogues et un bac font traverser personnes, animaux et véhicules. L’arrivée ou le départ de ces chalands donne lieu à d’intenses activités hautes en couleurs et particulièrement animées. Déjeuner à bord du Bou El Mogdad.
Vous arriverez dans la soirée à Richard Toll “Jardin de Richard”, qui tient son nom au fait qu’à l’époque coloniale, les Français en 1822 en avait fait un lieu d’essai sur les méthodes culturales. Visite de la ville et de l’usine de canne à sucre (dix mille hectares de canne à sucre) principale source de revenus de la localité.
Dîner et nuit à bord du Bou El Mogdad.
29 novembre Richard Toll – Dagana –Palmeraie
Découverte de la “Folie du Baron Roger”, un château de style français aujourd’hui fermé, entouré de constructions de banco, architecture traditionnellle de la région.
Navigation jusqu’à la mangueraie qui borde le village de Goumel, dans une bouche du fleuve Sénégal. Déjeuner traditionnel de « riz au poisson » ou « Tiep bou dijen » au milieu des manguiers et des palmiers sur les rives du fleuve Sénégal.
Départ avec l’annexe du bateau pour le village Wolof de Dagana “appelé capitale du Walo” puis visite de cet ancien comptoir de l’époque coloniale qui conserve jusqu’à présent les restes d’un ancien fort et de quelques magasins de commerce ; visite du marché de Dagana. Il n’était pas rare d’y voir à l’époque le Banny ou le Ponty en train de charger de la gomme ou d’y déposer des soldats.
Retour au bateau au coucher du soleil.
Dîner et nuit à bord du Bou El Mogdad.
30 novembre Palmeraie –Thiangaye
Avec l’annexe du bateau nous rejoindrons les berges pour une marche de deux kilomètres environ dans la forêt de Goumel. Visite d’un village peulh traditionnel composé de huttes oblongues construites par les femmes. Ce sera l’occasion de découvrir de nombreuses espèces d’arbres le long des berges.
Retour au bateau. Nous remonterons le fleuve pour entrer en plein coeur du sahel africain dans le Royaume toucouleur. La beauté du paysage et la tranquilité de ces eaux ne seront perturbées que par le barbotage de quelques enfants aux yeux de couleur ocre, par les lavandières avec leurs pagnes multicolores et les troupeaux d’animaux qui viennent s’abreuver le long des berges.
Déjeuner à bord du Bou El Mogdad.
Avec nos annexes, nous nous enfoncerons dans un petit bras du fleuve. Arrêt et visite de villages toucouleurs entièrement construits en terre en aplomb des rives escarpées du fleuve Sénégal . Ces villages sont les plus anciens villages toucouleurs du fleuve, ils datent du 13ème siècle. Visite de Saldé, village maure situé sur l’autre rive du fleuve Sénégal. Retour à bord
Départ dans la nuit pour un dîner méchoui sur les berges du fleuve à la lampe tempête.
Nuit à bord du Bou El Mogdad.
1er décembre Bras de Thiangaye –Podor
Navigation. Au détour des deux plus grandes boucles du Fleuve, vous apercevrez Podor, ancien comptoir pendant la colonisation française. Aujourd’hui l’activité commerciale n’est plus sur le fleuve et ses quais en pierre attendent avec impatience votre arrivée. Les maisons de commerce qui bordent les quais avec leurs grandes cours intérieures et les entrepots qui contenaient Gomme arabique, bois de chauffe, ivoire, et esclaves sont aujourd’hui les vestiges d’un passé pas si lointoin. Vous visiterez son fort construit par Faidherbe et en cours de réhabilitation, et vous revivrez un peu de cette histoire.
Déjeuner à bord.
Vous pourrez en fin d’après-midi faire un tour au marché et flâner dans les ruelles paisibles ou vous asseoir sur les marches d’une de ces anciennes maisons pour regarder le coucher du soleil sur les rives mauritaniennes.
Dîner et nuit à bord.
2 décembre Podor – Saint Louis
Petit déjeuner à bord. Transfert à Saint-Louis en bus. Continuation vers le Ranch de Bango pour y déjeuner.
Détente au bord de la piscine puis visite de la zone de Bango. Ce sera là l’occasion d’évoquer le récit de la rencontre que Pierre Loti a faite – par hasard en décembre 1873, au cours d’une balade en pirogue sur le fleuve dans les environs de Dakar-Bango – avec Prosper Bancal, l’amoureux éconduit de la mère de Loti, qui avait fait construire là une réplique de la Limoise (Cf. l’article d’Yves Nicolas dans le Bulletin de l’AIAPL n° 13 de décembre 2005).
Dîner et nuit à l’hôtel Résidence.
3 décembre Saint Louis – Dakar
Le matin, mise à disposition d’un véhicule et d’un guide pour une visite guidée des lieux évoqués par Pierre Loti dans ses œuvres écrites et ses dessins à Guet N’Dar, N’Dar Tout et le long de la langue de Barbarie (côté hydrobase).
Déjeuner à l’hôtel Résidence.
Transfert en bus à l’aéroport de Dakar pour prendre le vol AF719 qui décollera à 23 h 40. Arrivée prévue au terminal 2 E de l’aéroport Roissy-CDG le 4 décembre à 6 h 00.
Dîner libre.