Cet enregistrement réalisé à l’occasion de la série de concerts donnée à Munich en janvier 2020 n’est pas la première production consacrée à cet ouvrage lyrique d’à peine une heure, tiré du roman de Pierre Loti, Le Mariage de Loti. ResMusica avait rendu compte il y a 4 ans d’une des représentations parisiennes de cette « idylle polynésienne » au Théâtre de l’Athénée.
Par rapport à la production montée en 2016 au festival « Musiques au pays de Pierre Loti », celle-ci bénéficie d’un orchestre beaucoup plus étoffé avec le Münchner Rundfunkorchester, (par rapport à la version chambriste de l’orchestre du festival dirigé par Julien Masmondet), permettant ainsi d’apprécier dans les meilleures conditions possibles les talents d’orchestration de l’élève de Massenet dont l’influence jaillit à chaque note dans cet opéra-comique présentant tous les codes du genre.
La baguette d’Hervé Niquet déploie une belle fluidité musicale et douceur continue dans ce premier opéra d’un jeune compositeur alors âgé de dix-sept ans. Même s’il fut créé dans l’une des plus grandes maisons lyriques nationales, soit l’Opéra-Comique, L’Île du Rêve n’a connu que neuf représentations au moment de sa création, quelques années après sa composition ; une atmosphère lyrique bien éloignée de Ciboulette, autre ouvrage plus connu de Reynaldo Hahn.
Malgré le peu d’intérêt de l’intrigue, on apprécie l’homogénéité de la distribution vocale qui révèle finalement peu de surprises entre un Cyrille Dubois (Geroes de Kerven dit Loti) idéal dans un répertoire dont il est habitué, une séduisante Hélène Guilmette (Mahénu) portée par une agréable fraîcheur et un timbre cotonneux, et la voix généreuse de l’excellent narrateur Thomas Dolié (Taïrapa, Henri, 2e Officier), toujours appréciable dans le cadre d’un enregistrement audio. Artavazd Sarsyan sait faire preuve d’autant de légèreté que d’éloquence dans l’incarnation du commerçant chinois, alors que la noblesse d’Anaïk Morel (Oréna) s’exprime dans un rôle anecdotique et que Ludivine Gombert, dans la peau de Téria, est à la hauteur de la scène la plus intense de l’ouvrage. Quant au chœur du Concert Spirituel, il est victime d’une prise de son manquant parfois d’équilibre avec le reste des solistes et de l’orchestre.
Une œuvre lyrique de jeunesse portée par le produit marketing parfaitement abouti qu’est la collection « Opéra français », avec une numérotation pour faire croire à la rareté du produit ; une couverture extrêmement stylisée et un livre bien conçu pour associer cette acquisition à un cadeau… Mais cet ouvrage lyrique et ce « premier enregistrement mondial » sont-ils vraiment à la hauteur de tout cet apparat ? Pas sûr…
Orchestre de la Radio de Munich
Reynaldo Hahn (1874-1947) : L’île du rêve, idylle polynésienne en trois actes sur un livret de Georges Hartmann et André Alexandre d’après « Le Mariage de Loti » de Pierre Loti. Hélène Guilmette, soprano (Mahénu) ; Cyrille Dubois, ténor (Georges de Kerven dit Loti) ; Anaïk Morel, mezzo-soprano (Oréna) ; Artavazd Sargsyan, ténor (Tsen-Lee, Premier officier) ; Ludivine Gombert, soprano (Téria, Faïmana) ; Thomas Dolié, baryton (Taïrapa, Henri, Deuxième officier) ; Chœur du Concert Spirituel ; Münchner Rundfunkorchester, direction : Hervé Niquet. 1 CD Livre Palazzetto Bru Zane. Enregistré au Prinzregententheater à Munich les 24 et 26 janvier 2020. Texte de présentation en français et en anglais. Durée : 60:39
BRU ZANE