On sait à quel point Pierre Loti aimait « Fontarabie »* (Hondarribia), « la vieille cité héroïque » qu’il ne se lassait pas de contempler depuis les terrasses de sa maison hendayaise, par delà le « miroir » de la Bidassoa. Il en a fait le sujet de poignantes descriptions et d’un de ses derniers dessins connus.
Aussi, tout naturellement, les admirateurs de l’écrivain ont-ils voulu marquer leur reconnaissance en érigeant à sa mémoire quelque monument in situ. Le projet le plus ancien date de 1925 ; il mettait à contribution pour son financement Basques du sud et Basques du nord, et se situait au centre de leur pays, très exactement à « puntal » de Fontarrabie, juste en face de Bakharetchea, la maison où est mort Loti. Le sculpteur J. Diaz Bueno s’offrait à le réaliser.
Le projet n’aboutit pas mais c’est sur ses ruines que s’est élevé en 1961 celui de la ville d’Hendaye, dû aux ciseaux du même Diaz.
Or sachez-le, il existe bien à l’emplacement prévu initialement un « Pierre Lotiren Txokoa » (coin Pierre Loti), belle et poétique placette plantée d’arbres ombreux et ornée d’une sculpture intitulée « l’Oiseau » sorti de l’atelier de Remigio Mendiburu (1931-1990), sculpteur d’avant-garde né à Fontarrabie, aussi progressiste que Diaz a pu être réactionnaire.
Seulement l’hommage est clandestin ; ce « coin » décidé par la municipalité le 29 décembre 1998, n’est porté sur aucun plan de la ville. L’office de tourisme ignore tout de son existence.
Si vous aimez marcher sur les pas de notre ami Loti, allez donc à Hondarribia (Fontarrabie), de préférence en prenant la navette au nouveau port d’Hendaye, et longez le quai de front de mer par le sud, en remontant la Bidassoa. Tout au bout, vous atteindrez cette secrète et charmante placette où se donnent rendez-vous les amoureux. De là, vous pourrez apercevoir Bakharetchea.
Pourquoi tant de discrétion ? Josefa María Setién explique que, dans les années 1960, à la faveur d’une redécouverte de Ramuntcho, des Basques avaient de nouveau envisagé la réalisation d’un monument mais que « certaines femmes se sont opposées parce qu’elles disaient que Loti était protestant, c’est-à-dire huguenot ou parpaillot. »
Loti ne croyait qu’au pouvoir surnaturel de la littérature et de l’art. Qu’importent les honneurs ou l’étroitesse des vues si ce pouvoir l’emporte.
Jean-Louis Marçot, 14 juillet 2019
* comme Pierre Loti l’écrivait.