La maison de l’écrivain à Rochefort, fermée depuis 2012 pour restauration, a été choisie par Stéphane Bern pour lancer sa mission Patrimoine.
LE MONDE | 03.05.2018 • Mis à jour le 04.05.2018 |
Par Sylvie Kerviel (Rochefort, Charente-Maritime, envoyée spéciale)
Il y a un peu plus de cent ans, le 11 mai 1903, se donnait ici une fête somptueuse, organisée par le maître des lieux, l’écrivain, marin et académicien Pierre Loti (1850-1923), de son vrai nom Julien Viaud, qui en avait choisi la thématique : chinoise. Aux invités, cet amoureux des petits papiers avait envoyé un carton : « Prière instante de venir en costume chinois ».
L’auteur de Madame Chrysanthème (1888) et de Pêcheur d’Islande (1886) y accueillit ses hôtes – pour certains venus en pousse-pousse depuis la gare de Rochefort (Charente-Maritime) –, fardé et vêtu d’un costume d’officier de la cour de Chine rapporté de la cité impériale, où l’officier de marine avait été envoyé, en 1900, au moment de la révolte des Boxers. Son épouse, Blanche, portait une robe japonaise en soie verte – les tenues de l’Archipel nippon étaient « tolérées ».
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Cette fête, organisée pour inaugurer l’une des salles de sa maison rochefortaise, tout juste aménagée et décorée des objets, meubles et tissus pillés à Pékin, réunit du beau monde : l’écrivaine Judith Gautier, amie de Loti et passionnée de sinologie, des notables de Rochefort et de la région, et même une délégation chinoise venue de l’ambassade. Au total plus de 200 personnes, en comptant les journalistes convoqués pour rendre compte de l’événement, et dont témoignent quelques photos où l’on est frappé par le pittoresque du lieu.
Les invités de Loti passaient de pièce en pièce comme dans un décor de théâtre, les vapeurs d’opium et les fumées d’encens contribuant à accentuer l’enivrement procuré par la magie de l’atmosphère. Outre la salle chinoise, on découvre une pagode japonaise, un salon turc, une mosquée, une salle gothique, un salon renaissance…
Visite virtuelle en 3D
Le contraste est violent pour qui pénètre dans la maison aujourd’hui. Rongées par les insectes, abîmées par l’humidité du climat marin et les passages des visiteurs (jusqu’à 40 000 par an avant que soit instauré un système de réservation pour ralentir les flux), les pièces ont été dépouillées de leurs tapisseries, vidées de leurs meubles et de la multitude d’objets, bibelots et momies (de ses nombreux chats notamment) qu’y conservait l’écrivain.
Fermée au public depuis 2012, la maison et l’ensemble des décors et collections font l’objet d’un programme de rénovation dont le montant n’a cessé de croître pour atteindre les 12 millions d’euros. Une somme que ne peut avancer la municipalité, qui dispose de 7 millions d’euros annuels pour l’ensemble de son patrimoine.
Les visiteurs qui continuent de se rendre au 141 de la rue Pierre-Loti, espérant pénétrer dans l’antre de l’écrivain-voyageur, trouvent porte close. Une affiche, apposée sur l’austère façade de la bâtisse à deux étages du XVIIe siècle, invite à aller non loin de là, au Musée Hèbre, pour une visite virtuelle en 3D. Une main facétieuse a détourné l’inscription « Pierre Loti, capitaine de vaisseau » en « Pierre Loto, capitaine de vessie ».
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