Pierre Loti, à jamais loin de sa terrible voisine

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Par Pierre Chausse, publié le 14/07/2015 à 12:04

visage-portrait Loti

L’écrivain français, décédé en 1923, a vécu à Rochefort mais il est enterré à Oléron. Non sans raison.

 

Pourquoi Pierre Loti a-t-il fait de cette maison, dans laquelle il n’a jamais vécu, son tombeau ? Une partie de la réponse est peu connue, mais elle vaut la peine d’être rappelée tant l’homme a marqué la région, qu’il a aimé décrire dans Le Roman d’un enfant ou Prime Jeunesse. Né en 1850 à Rochefort, de famille protestante, l’écrivain rachète en 1899 la bâtisse située au n° 19 de la rue qui porte aujourd’hui son nom, à Saint-Pierre-d’Oléron.

Maison des aïeules-LOTI - Saint Pierre d'Oléron

Cette demeure, la mère de sa mère avait été contrainte de la vendre dans les années 1830, « à la suite de placements hasardeux ». Loti la baptise alors « Maison des aïeules », en hommage à sa grand-mère et à ses tantes, qui habitaient à quelques mètres. Mais Louis Marie Julien Viaud – son vrai nom – n’y vivra jamais. Pour l’historien Philippe Lafon, interrogé par Sud Ouest, il « ne se sentait pas digne de cette maison hantée par les souvenirs de sa famille huguenote ». A tel point qu’à chacun de ses voyages à Oléron il logeait à l’hôtel de la Renaissance, place de l’Eglise, dans la chambre n° 6-7, au deuxième étage.

La rancune tenace

Pourtant, en août 1919, il demande au conseil municipal l’autorisation – qui lui sera accordée après l’intervention du préfet de Charente-Inférieure – de se faire inhumer « au bout du jardin de la maison [qu'il] possède ici, rue de l’Arceau ». Un choix qui peut paraître étrange alors qu’il a acquis, dès 1910, une concession au cimetière de Rochefort. Un extrait d’une correspondance avec son amie Odette Valence, rapportée dans Les Cahiers d’Oléron (éd. Local), aide à le comprendre.

« Il y avait par ici [à Rochefort] une vieille femme que je ne connaissais pas du tout ; elle me haïssait et disait du mal de moi à tout le monde. Tout ce que je faisais la mettait hors d’elle et lui faisait déverser toutes sortes d’injures. Et puis, je suis parti en voyage. Longtemps après, lorsque je suis revenu, cette vieille femme était morte… Mais vous savez qu’avant d’avoir choisi le lieu de ma tombe à l’île d’Oléron, j’avais fait préparer ma place au cimetière de Rochefort ? Eh bien, l’horrible mégère avait trouvé moyen de se faire enterrer à côté de moi… »

La voisine avait la rancune tenace. Elle considérait que Pierre Loti lui avait pourri la vie, elle avait donc projeté de lui pourrir sa mort. Suffisant pour le faire fuir. Plus souvent avancée comme motivation officielle, une autre raison, au moins, explique l’ »exil » de l’académicien, décédé en 1923 à Hendaye et enterré à Oléron après des funérailles nationales : la peur des « curieux » et des « touristes profanes ». « Là au moins, je serai tranquille dans la bonne paix de la campagne, loin de tous », répète-t-il à l’époque. Conformément à ses dernières volontés, la « Maison des aïeules » ne se visite pas.

Maison des aïeules - selon les dernières volontés....Saint Pierre d'Oléron

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