Virginie Hériot surnommée « Madame de la Mer » profite de son statut de femme aisée pour s’imposer dans le monde du yachting. Passionnée de navigation et de compétition, elle est la première femme championne olympique au sein d’un équipage masculin. Elle oeuvrera partout dans le monde en tant qu’ambassadrice de la marine française.
Une envie de devenir « marine »
Virginie Claire Désirée Marie Hériot nait le 25 juillet 1890 au Vésinet, Yvelines, bien loin des rivages salins qui deviendront quelques années plus tard son quotidien. Elle est la fille de Zacharie Olympe Hériot – surnommé « le commandant » – homme d’affaires fortuné héritier des Grands Magasins du Louvre, et de Anne-Marie (dite Cyprienne) Dubernet, ancienne vendeuse des Magasins du Louvre. Elle grandit dans un cadre privilégié, bien que subissant le décès de son père en 1899 et celui de son jeune frère de deux ans.
Elle découvre la mer en 1904 à l’âge de 14 ans. Elle accompagne son frère Auguste et des amis pour sa première croisière à bord de Katoomba (rebaptisé plus tard Salvador), un yacht à vapeur que sa mère vient d’acquérir. D’avril à juin, elle sillonne la Méditerranée et fait la rencontre de l’officier de Marine Pierre Loti qui l’invite à bord du croiseur-torpilleur « Le Vautour » dont il a le commandement.
Cette première expérience déclenche son envie de devenir « marine. » À 19 ans, elle a d’ailleurs déjà parcouru 40 000 milles.
Récupérer la Coupe de France
Le 2 mai 1910, Virginie Hériot épouse le vicomte François Marie Haincque de Saint Senoch, lui aussi passionné par la mer. Les nouveaux époux partent en lune de miel sur Salvador, reçu en cadeau de mariage. En 1912, elle lance la construction de son premier bateau de course, le 10mJI Aile I avec lequel elle ambitionne de récupérer la Coupe de France, entre les mains des Anglais depuis deux ans. Cette première régate dans les eaux de l’île de Wight est un échec, mais le début d’une longue carrière de passion pour la mer.
Le 5 janvier 1913, Virginie met au monde son unique fils, Hubert. Elle se sépare de son époux en juin 1921, et dès lors, se consacre presque exclusivement à sa passion. Elle délaisse son appartement parisien pour vivre et naviguer sur le Finlandia, un imposant yacht à vapeur de 85 m de long qu’elle acquiert après son divorce. Deux ans plus tard, elle le remplace par Ailée (ancien Méteor IV appartenant à l’Empereur d’Allemagne), une goélette en acier de 44,94 m et de 400 tonneaux construite en 1909 à Kiel.
En parallèle, elle fait construire plusieurs voiliers de compétitions dont elle suit la conception (carène, voile, matériaux…) :
- Un 10mJI et six 8mJI Aile
- Cinq 6mJI Petit-Aile
En 1922, Aile II est battu au Havre lors de la Coupe de France par Bera, un 8mJI norvégien. Malgré plusieurs défaites, sa détermination est sans faille et Virginie finit par remporter plusieurs victoires.
Une médaille d’or aux Jeux Olympiques
En 1928, elle s’offre l’une de ses plus belles victoires. Elle remporte la médaille d’or aux Jeux Olympiques d’été d’Amsterdam, à la tête d’un équipage de 5 hommes sur Aile VI. Elle emporte aussi la Coupe d’Italie contre la Hollande, l’Italie, l’Angleterre, les États-Unis, la Suède, la Norvège et l’Argentine.
En parallèle de ses victoires, Virginie Hériot décide de lancer la construction d’un nouveau grand voilier, trouvant les performances d’Ailée I insuffisantes. Ailée II est une goélette de 57 m supportant 1 116 m2 de voilure, construit en Angleterre par le chantier Camper and Nicholson. Il fait la fierté de sa propriétaire et navigue 10 mois sur 12 avec 24 hommes d’équipage à son bord.
L’année suivante, elle reprend enfin la Coupe de France aux Anglais toujours sur Aile VI, emporte une fois encore la Coupe d’Italie et la Coupe du Roi d’Espagne.
En 1931, elle bat de 9 minutes et 40 secondes le trois-mâts Sonia II (plan Nicholson de 1930) sur le parcours Ryde-Le Havre-Ryde.
Une ambassadrice du yachting dans le monde
Virginie Hériot est devenue l’une des grandes figures du yachting, à l’époque où ce sport, bien que l’un des seuls à être mixte, soit réservé à l’élite. Récompensée de la Légion d’honneur, elle est ensuite décorée du Mérite naval espagnol en 1930 par le roi Alphonse XIII, venu lui rendre visite sur son yacht à voile. Le poète indien Rabindranath Tagore la surnomme d’ailleurs « Madame de la Mer », tandis que les Anglais en sont admiratifs et la qualifient de « greatest yachtwoman in the world. »
Ambassadrice de la marine française, elle voyage à travers le monde pour tenir des conférences, populariser la voile, et faire (re) connaitre le savoir-faire français en construction navale. Elle écrit plusieurs ouvrages sur le monde de la mer, dont un recueil de poèmes « Une âme à la mer » distingué par l’Académie française. Elle fait aussi de nombreux dons, notamment au Yacht-Club de France ou encore à l’École Navale.
En 1931, elle est dans l’impossibilité de défendre son titre olympique, n’ayant réussi à réunir les 10 hommes d’équipage dont elle a besoin pour ses deux yachts.
La dernière régate…
Début 1932, Virginie Hériot est grièvement blessée aux côtes et au foie lors d’une tempête entre Venise et la Grèce. Mise en garde par ses proches sur sa poursuite de la compétition, elle décide néanmoins de participer à la Régate du Cinquantenaire du Club d’Arcachon. Elle perd connaissance à bord de son 8mJI Aile VII avant le départ, le 27 août et fait un nouveau malaise au passage de la ligne d’arrivée. Elle décède le 28 août 1932 à l’âge de 42 ans à bord de son bateau.
Elle souhaite que son corps soit jeté à la mer, au large des côtes bretonnes, mais sa mère ne peut s’y résoudre. Virginie Hériot est inhumée dans le caveau familial à La Boissières-Ecole (près de Rambouillet) après la célébration d’une messe parisienne le 2 septembre 1932. Au décès de sa grand-mère, Hubert décide d’exaucer les dernières volontés de sa mère. Le cercueil de Virginie rejoint la mer à Brest en 1948.
Plusieurs de ses bateaux furent légués à l’École Navale, comme Petite Aile II, III et V, qui participèrent d’ailleurs aux Grandes Régates de Brest au printemps 1932. Ailée II fut également légué à l’École Navale avant d’être sabordée par les Allemands en 1944. Le devis de reconstruction s’avérant beaucoup trop élevé, seuls furent récupérés le bronze et le plomb de la quille.