25/01/2022 | A Rochefort, la maison de l’écrivain Pierre Loti fait l’objet de travaux depuis cinq ans, en attendant sa réouverture au public en juin 2023
Classée « en péril » en 2012, la Maison de Pierre Loti à Rochefort, est en travaux depuis cinq ans. Désormais hors de danger, la demeure de l’écrivain doit encore faire l’objet d’un vaste chantier de rénovation, qui va se poursuivre jusqu’en 2023. Après une longue phase de désamiantage, la reprise des façades et des fondations, la campagne entame sa troisième phase : la restauration des pièces proprement dites, salons, chambres et salles thématiques constituées par Pierre Loti de son vivant.
« L’objectif, c’est de restituer la maison dans son agencement de 1923, c’est-à-dire tel que Pierre Loti l’avait aménagé au moment de sa mort », explique Claude Stéfani, le conservateur des musées de Rochefort. Le challenge est de taille. La Maison de Pierre Loti représente une quarantaine de pièces richement décorées et meublées d’objets historiques ou orientaux, réparties sur trois maisons de ville successivement rachetées par l’écrivain au fur et à mesure de ses velléités d’agrandissement, pour compléter la maison familiale de Rochefort.
Longtemps abandonnée, rachetée par la Ville de Rochefort en 1969, qui l’ouvre à la visite à partir de 1973, la demeure, comme les objets, a durement subi les affres du temps. Les artefacts furent d’ailleurs les premiers a être retirés de la maison pour les conserver, les faire refaire ou les restaurer.
Un appel aux dons en 2017 puis le Loto du patrimoine un an plus tard ont permis de réaliser une première partie des restaurations, en particulier sur les objets en métal et sur le plafond de la salle dite de la mosquée. « Celui-ci avait perdu 30% de sa masse à cause des insectes xylophages. Il était devenu une vraie gaufrette, on a dû le consolider à la seringue trou par trou », explique Elsa Ricaud, architecte du patrimoine en charge du chantier. Le plafond est aujourd’hui suspendu à un deuxième, venu en confortement. Ses décors attendent encore un nettoyage de fond. Les murs comme le plafond sont recouverts de feuilles d’or, d’émaux et de peinture à la colle de peau, dont la fragilité nécessite un travail minutieux.
« Certains tessons des mosaïques ont perdu de leur surface émaillée. Il faudra les remplacer tout en gardant la patine de l’époque », explique l’architecte. C’est déjà le cas pour les céramiques du minaret. Trop abîmées, elles ont été enlevées et remplacées par des copies. Les originaux sont conservés dans les collections de la ville, à l’instar de tous les interfacts devenus impossibles à restaurer du fait de leur grande dégradation. Adjacent à la mosquée, le salon turque, inspiré des intérieurs de l’Alhambra, devrait également retrouver ses dorures, perles et ornements en plâtres, recouvert par endroit par de la tapisserie, vestige d’anciens propriétaires.
Salle gothique
Les insectes xylophages ne sont pas cantonnés au plafond de la mosquée. L’ensemble des boiseries de la maison a été attaqué, comme dans cette petite pièce dite gothique. Après un traitement de fond, cette pièce va retrouver son caractère néo-gothique. Ici, Pierre Loti a joué sur les genres, entre des pièces médiévales d’origines et des reconstitutions plus ou moins fantasmées : vitraux ornés du blason de Pierre Loti, rideaux en velours ornés de feuilles et d’armoiries, cheminée monumentale, linteaux en bois sculptés, etc.
« L’objectif, c’est que les restaurations se voient le moins possible », assure Claude Stéfani. De fait, certaines pièces, disparues depuis la mort de l’écrivain, ne pourront pas être restituées. C’est le cas notamment de la pagode japonaise, de la salle chinoise et de la chambre espagnole, qui feront l’objet d’une évocation scénographique, réalisées à partir des photos d’époque. La circulation à l’intérieur de la maison va également être repensée. Les visiteurs entreront par l’espace muséographique, dans l’hôtel particulier adjacent à la Maison de Pierre Loti, racheté par la ville pour le transformer en musée.
C’est le clou du spectacle, la pièce phare par laquelle les visiteurs termineront leur parcours. « Ici dans cette salle dite Renaissance, Pierre Loti avait habitude de recevoir. Quand l’invité arrivait, il découvrait ce grand espace où l’écrivain l’attendait debout sur l’escalier, en se tenant plus ou moins haut sur les marches en fonction de la position sociale de son visiteur, dans le but d’impressionner », raconte Claude Stéfani. Cette salle de réception où Pierre Loti aimait donner des fêtes somptueuses est le gros morceau de cette campagne de travaux. Les restaurations, en cours depuis fin 2021, concernent la haute cheminée de pierre de style gothique finissant. « Il faut les réaliser in situ, notamment à cause du décor en bois sculpté, qui n’est pas déposable car très fragile », explique Elsa Ricaud. Les parquets retrouveront leur lustre d’époque, ainsi que les tapisseries bruxelloises du XVIIe siècle habituellement tendues le long des murs. La pièce va être mise aux normes de sécurité et isolée en vue d’obtenir une stabilité thermique et hygrométrique, pour préserver les œuvres de la dégradation.
Le plus gros du chantier va concerner la structure de l’édifice. « Pour obtenir cette pièce monumentale surélevée d’une tribune, Pierre Loti a éventré l’étage initial. Le problème, c’est que structurellement la maison n’était pas prévue pour ça », explique Elsa Ricaud. En s’improvisant architecte, Pierre Loti a fragilisé l’ensemble de la construction, déjà posée sur un sol instable, argileux. Les travaux de consolidations des murs, du plafond et des fondations ont démarré l’automne dernier. La Fondation du patrimoine et la Ville de Rochefort ont lancé un appel aux dons pour couvrir près de la moitié du coût du chantier, estimés à 335 000€.
Par Anne-Lise Durif
Crédit Photo : Anne-Lise Durif
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