Qui lit encore Pierre Loti ? Nous !

par Emin Bernar

J’ai été sidéré par cette phrase prononcée dans le cadre d’un débat de France Culture sur le « racisme » des écrivains au 19ème siècle : « d’ailleurs qui lit encore Pierre Loti ? »

Il y a quelques jours un ancien membre de l’académie Goncourt écrivait ingénument qu’il n’avait pas lu une ligne de Pierre Loti depuis « il y a bien 50 ans ».

Alors, lecteurs de Pierre Loti, amis de Pierre Loti, levons nous contre ces prétendues autorités qui parlent en notre nom ! Qui lit encore Pierre Loti ? Nous !

Pourquoi lire et relire Pierre Loti ? Le lecteur fervent ne sait pas l’écrire. Pierre Loti l’avait expliqué, en 1896, dans une lettre à son éditeur Calmann Levy : « ce qui est caractéristique de mes livres et ce qui en fait le succès, c’est qu’il ne s’y passe rien ». Roland Barthes l’a développé dans son essai sur « Aziyadé » (1971) : ce rien c’est « le temps qu’il faisait (à Salonique, à Stamboul, à Eyoub) que Loti note inlassablement » ; « il permet au discours de tenir sans rien dire (en disant rien), il déçoit le sens et monnayé en quelques notations adjacentes – « des avoines poussaient entre les pavés de galets noirs…on respirait partout l’air tiède et la bonne odeur de mai » – il permet de référer à quelque être-là du monde, premier, naturel , incontestable, insignifiant ».

Comment expliquer le dédain d’une partie des autorités de la culture pour Pierre Loti ? Serait-ce à cause de sa turcophilie ? Pierre Loti, à partir de 1876 – alors âgé de 26 ans, officier de marine – jusqu’à la fin de sa vie, a multiplié les voyages en Turquie et les déclarations d’amour à ce pays !

Le quotidien turc Hurriyet écrivait le 1er octobre 2018 : « Pierre loti a toujours défendu les Turcs contre l’Europe pendant les guerres des Balkans, la Première Guerre mondiale et par la suite pendant l’occupation de l’Anatolie. Avec son soutien à la résistance en Anatolie pendant la lutte nationale et sa critique sévère de son propre pays, la France, Loti a également gagné la sympathie du peuple turc. Pierre Loti a été accepté comme « Citoyen d’honneur de la ville d’Istanbul » en 1920. Plus tard, une rue à Istanbul a été nommée « Pierre Loti Caddesi » ; un café à Eyüp est appelé « café Pierre Loti ». Aujourd’hui, la colline où se trouve ce café est connue sous le nom de Pierre Loti Tepesi ». Elle domine la Corne d’Or.

En France, la maison de Loti, avec sa mosquée, à Rochefort, est en rénovation depuis 2012 ; elle ne sera ouverte qu’en 2023.

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