Une vie d’aventures

images17Site en Construction, texte provisoire.

Julien Viaud est le troisième enfant de Théodore Viaud, receveur municipal à la mairie de Rochefort, et de Nadine Texier-Viaud. Sa famille est protestante et pratiquante.
Sa sœur aînée, Marie, a dix-neuf ans de plus que lui, son frère Gustave, quatorze. Ses parents le gardent à la maison jusqu’à l’âge de douze ans et assurent son instruction. En 1862, il entre au lycée de Rochefort1, où il fait toutes ses études secondaires.
De 1862 à 1864, il passe une partie des vacances d’été chez un cousin, dans le Lot, où il découvre, dans le château de Castelnau-Bretenoux, les traces du passé. C’est de Bretenoux, pendant l’été 1863, qu’il écrit à son frère Gustave, médecin de la marine, sa détermination de devenir officier de marine2.
Il évoque ses souvenirs dans Le Roman d’un enfant, Prime jeunesse et Journal intime.
Il part de Rochefort pour venir habiter une maison de Saint-Porchaire (Charente-Maritime) occupée par sa sœur Marie Bon, dessinatrice et peintre amateur de talent, épouse du percepteur de la commune, dont le nom lui déplaît et qu’il renomme Fontbruant dans ses ouvrages.
Tout près de là est situé le domaine de La Roche-Courbon, son « château de La Belle au Bois Dormant » — titre d’un de ses livres — alors inhabité, qu’il découvre avec émerveillement, ainsi que sa forêt et ses célèbres grottes, où il aurait découvert le plaisir charnel dans les bras d’une jeune bohémienne.
Le 10 mars 1865, son frère Gustave meurt à bord d’un bateau dans le détroit de Malacca. Son corps est ensuite immergé. Alors que ses parents le destinaient à faire Polytechnique, un procès perdu ruine sa famille et ils se rabattent sur l’École navale. Julien doit aller à Paris en octobre 1866 pour intègrer la classe préparatoire au lycée Napoléon (futur lycée Henri-IV) afin de préparer son concours3 . En septembre 1867, il figure sur la liste des candidats reçus à l’École navale, publiée par le Moniteur
Le 9 juillet 1885, dès son arrivée à Nagasaki, Loti épouse par contrat d’un mois renouvelable une jeune Japonaise de 18 ans, Okané-San14 baptisée Kikou-San (Madame Chrysanthème). Le 12 août, âgé de 35 ans, il quitte Nagasaki. Ce mariage auquel les parents ont donné leur consentement a été arrangé par un agent et enregistré par la police locale. Il ne dure que le temps du séjour et la jeune fille pourra par la suite se marier avec un Japonais. Cette pratique est alors courante au Japon.
Le 21 octobre 1886, il épouse Jeanne Amélie Blanche Franc de Ferrière (1859-1940), d’une famille notable bordelaise : « Elle se tenait dans un clair salon Louis XVI, charmante en ses robes harmonieuses, sa douce dignité » (Jacques Chardonne).
En 1887 elle met au monde un enfant mort-né, fait une forte poussée de fièvre qui la laisse à moitié sourde, puis, le 17 mars 1889, elle donne à Loti son seul fils légitime, Samuel Loti-Viaud, ou « Sam Viaud », qui, se promenant à cinq ans avec sa bonne au jardin public de Rochefort, répondit à une dame : « Je m’appelle Samuel Viaud et un peu Loti… »15.
« Au retour de ses voyages, Pierre Loti rentrait dans la maison de Rochefort où l’attendaient des êtres ardents et silencieux, des femmes actives qui s’obstinaient à retenir le passé » (Chardonne).

En 1888, Pierre Loti est élu à l’Académie Goncourt. Le 21 mai 1891, à 42 ans, il est élu à l’Académie française au fauteuil 13, au sixième tour de scrutin par 18 voix sur 35 votants contre Émile Zola en remplacement d’Octave Feuillet.
Candidat retenu par son service, il fut dispensé des traditionnelles visites à ses futurs pairs et fut reçu le 7 avril 1892 par Alfred Mézières.
« La société de Rochefort était extrêmement fière de posséder en ses murs Pierre Loti. Il était, depuis peu, de l’Académie Française, malgré certaines réticences de la docte assemblée. Les jeunes filles étaient folles de ses romans et portaient, à leur cou, dans un médaillon en forme de cœur (son) nom gravé (…). Les dames qui fréquentaient Mme Viaud faisaient fi des rumeurs malveillantes. Elles avaient permis à leurs filles de lire Pêcheur d’Islande qui les avaient mises en larmes, mais faisaient des réserves pour certains romans tels Mon Frère Yves et Matelot qui, disaient-elles, n’étaient pas pour les jeunes filles. Celles-ci le lisaient en cachette et cherchaient en vain ce qui leur valait un tel ostracisme. Elles ne voyaient là que l’amour du prochain aux personnes d’un niveau social inférieur (…). C’est d’ailleurs pour cette raison hypocrite que Loti fut admis par les académiciens (Journal de l’abbé Mugnier)16. »
En 1894 il rencontre Juana Josepha Cruz Gainza (1867-1949) dite « Crucita » à Hendaye, jeune femme d’origine basque qui devient sa maîtresse17.
Il loue alors à Hendaye la maison Bachar-Etchea, dite « la maison solitaire », que Crucita n’habite jamais car dès la conclusion de son « contrat » avec Loti, il l’emmène à Rochefort et l’installe dans une maison des faubourgs de la ville.
Elle lui donne quatre fils non reconnus :
• Raymond Gainza, né dans la nuit du 29 au 30 juin 1895 et mort en 1926, dit « Ramuntcho », qui épouse le 3 janvier 1921 Denise Marie Zélia Boulleau (1902-1926); on peut voir en ce fils l’inspiration pour le roman du même nom Ramuntcho.
• Alphonse Lucien Gainza (13 décembre 1897-1927), dit Edmond ou Édouard, qui épouse le 1er juin 1924 Jeanne Georgette Barets, avec qui il a deux filles.
• Charles Fernand Gainza (20 janvier 1900-15 février 1901), dit « Léo »
• André Gainza (30 novembre 1920) mort-né (Loti, qui a alors 70 ans, meurt à Hendaye trois ans plus tard).
En 1896, sa mère, Nadine Texier-Viaud, meurt.
En avril 1899 Pierre Loti achète « autant pour les souvenirs d’enfance que pour toute la symbolique qui s’attache au passé protestant de la famille et aux persécutions religieuses vécues par certains membres de celle-ci au XVIIe siècle »18 la vieille maison familiale qu’il baptisa « la maison des Aïeules » – ses tantes – dans l’île d’Oléron, et dans le jardin de laquelle il se fait inhumer 25 ans plus tard, dans la simplicité traditionnelle des obsèques protestantes.
Ce logis bourgeois de 1739 devient alors un lieu littéraire puisque ce fut le décor peint de sa pièce Judith Renaudin, jouée en 1899 au théâtre Antoine à Paris, et il le cite souvent dans ses ouvrages.
« En ce temps-là dans la paix bourgeoise du vieux logis (…), j’avais par avance l’indestructible intuition de ce que me réservait la vie : héros de roman dont le nom ferait rêver les femmes de tous les pays »

Maison de Pierre Loti à Hendaye, (rue des Pêcheurs).
Entre 1900 et 1902, il est mis en retraite puis réintégré dans la Marine (après s’être pourvu en Conseil d’État) pour laquelle il séjourne en Asie, ce qui va lui permettre d’écrire Les Derniers Jours de Pékin (1902) et L’Inde sans les Anglais (1903). À partir de cette même année, il séjourne vingt mois à nouveau à Constantinople chargée d’Orient, « la ville unique au monde »19, pour préparer Vers Ispahan (1904).
En 1910, il séjourne à Constantinople et appuie la candidature de l’historien moderniste Louis Duchesne élu au fauteuil 36. En 1913, de retour à Constantinople, il lutte contre le démantèlement de l’Empire ottoman voulu par les puissances occidentales et publie La Turquie agonisante.
Il collabore à La Bonne Chanson, Revue du foyer, littéraire et musicale, dirigée par Théodore Botrel.
On cite cette anecdote : devant écrire à Victorien Sardou (qu’il n’aimait pas), il adressa la lettre à « Victorien Sardi, Marlou-le-Roi ». Comme il avait fait suivre sa signature de la mention de son grade, il reçut en réponse une carte libellée de ces mots : « à Monsieur Pierre Loto, capitaine de vessie »[réf. nécessaire].
Vers 1905, il alerte le secrétaire d’État aux Beaux-Arts et l’opinion publique, par un célèbre article du Figaro du 21 octobre 1908, sur la vente prochaine pour indivision du domaine de La Roche-Courbon, auquel le lient des souvenirs de jeunesse, et sur la probable disparition de la très ancienne forêt qui l’entoure, dont on veut tirer du charbon de bois…
Il est entendu seulement en 1920, trois ans avant sa mort, par l’industriel rochefortais Paul Chènereau (1869-1967), qui acquiert ce domaine en société avec l’aide financière de son père et son frère, en entreprend la restauration, le remeuble de pièces anciennes, et confie au paysagiste Paul Duprat, disciple du célèbre Henri Duchêne, la création de nouveaux jardins « à la Française » inspirés d’un tableau de Jan Hackaert (1628 – après 1685) retrouvé dans le grenier d’un logis des environs ; le domaine, resté aux mains de ses descendants, est devenu un des principaux sites touristiques de la région.
Atteint d’hémiplégie en 1921, à 71 ans, il meurt le 10 juin 1923 à Hendaye, et, après des funérailles nationales, est enterré dans le jardin de la « maison des Aïeules » à Saint-Pierre-d’Oléron. Cette vieille maison insulaire, à la demande de ses descendants qui y conservent une partie des collections familiales, peintures et objets, a fait l’objet d’une mesure de protection au titre des Monuments Historiques sur avis favorable de la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites du 3 octobre 2006.
Des fragments (1867-1878) de son Journal, préparés de son vivant, furent publiés après sa mort en collaboration avec son fils Samuel sous le titre Un jeune officier pauvre par Calmann-Lévy en 1923, qui édita en 1925 et en 1929, deux autres tomes (1878-1881 et 1882-1885) du Journal intime également élaborés par son fils.
Loti prit ses dispositions pour que cette partie essentielle de lui-même soit préservée des mauvaises curiosités : « (…) Léo te fera voir où se tient le journal de ma vie. En cas d’aventure, je te le confie, mais emporte-le au plus vite de la maison. » (Lettre à sa nièce Ninette, mars 1889)
« (…) j’ai écrit dans mon testament que je désirais qu’il ne fût ouvert qu’une trentaine d’années après ma mort, c’est-à-dire que tu devras le toucher sans y jeter les yeux. (…) Tout le journal intime de ma vie pour lequel j’ai donné des instructions spéciales à Samuel et à mes amis M. et Mme Louis Barthou. » (Lettre à son épouse, vers 1906 ?)
Des éléments en furent perdus, prêtés sans retour, ou donnés ; Loti revoit son Journal en 1919, supprimant ou rendant illisibles certains passages, comme après lui son fils ou sa belle-fille20.
Il était Grand-Croix de la Légion d’honneur, et fut un temps vice-roi de l’Île des Faisans21. Un monument à sa mémoire, réalisé par le statuaire Philippe Besnard, a été érigé à Papeete.