Le journaliste consacre un numéro de «Secrets d’histoire» au trisaïeul d’Albert II de Monaco, prince navigateur passionné par les océans dont on fête cette année le centenaire de la disparition. L’occasion de découvrir les petits secrets d’une lignée dynastique originale, bâtie avec réalisme et dénuée de tout snobisme.
C’est devant le musée océanographique de Monaco que Stéphane Bern lance ce nouveau numéro de «Secrets d’histoire» contant la vie d’Albert 1er, le prince des océans qui passa presque 30 ans de son existence à parcourir les mers, à sonder les abysses et à accompagner les plus grandes campagnes océanographiques. D’étranges poissons des grands fonds marins intègrent Grimaldi dans leur nom scientifique et un célèbre glacier du Spitzberg s’appelle Monaco. Visionnaire et passionné de techniques, le prince navigateur a enregistré sa voix sur un cylindre du phonographe Edison, première machine à capter le son au monde, fait voler le premier prototype d’hélicoptère, utilisé la première motocyclette Humber et participé à la découverte du trajet marin suivi par le Gulf Stream. Humaniste et pacifiste, le prince Albert 1er a également fondé en 1903 l’Institut international de la Paix, ancêtre de la SDN et de l’ONU.
Une interview exclusive du prince Albert II de Monaco
Fier de son ancêtre dont il porte le prénom, le prince régnant Albert II de Monaco a accordé à Stéphane Bern pour France 3 une interview exclusive et la possibilité de filmer pour la première fois l’intérieur du château de Marchais dans l’Aisne (photo), où a grandi Albert 1er. Le journaliste s’est également vu confier une mission de confiance pour financer, via la Fondation Patrimoine, la restauration du château du Haut Buisson (Sarthe), ancienne demeure d’Alice de Monaco, la seconde épouse d’Albert 1er, qui y recevait des personnalités de son temps et notamment l’écrivain et officier de marine Pierre Loti.
Si la famille Grimaldi, originaire de Gênes, compte bon nombre de navigateurs, c’est aussi à travers une lignée singulière qu’elle a bâti son histoire et sa légitimité, faisant fi de biens des règles en vigueur dans l’aristocratie de son temps mais restant toujours soucieuse du développement et du rayonnement de la Principauté.
Albert 1er ne connut son fils qu’à ses dix ans
Comme le rappelle «Secrets d’histoire», la première épouse d’Albert 1er, Lady Mary Victoria Douglas-Hamilton, fille du duc William Hamilton et de la princesse Marie Amélie de Bade (fille de Stéphanie de Beauharnais) est insatisfaite de la cour monégasque et des longues absences du prince Albert 1er. Elle repart vivre en Allemagne, où elle accouche de leur fils Louis Honoré Charles Antoine Grimaldi en 1870, futur prince Louis II de Monaco. Albert 1er ne fera connaissance de l’enfant que dix ans plus tard, au moment de l’annulation de son mariage par le pape. Le prince navigateur se remarie alors avec Alice Heine, jeune veuve du duc de Richelieu, cousine du poète allemand Heine, née dans une riche famille de banquier d’origine juive. Première princesse née aux États-Unis (Nouvelle Orléans), bien avant la princesse Grace de Monaco, on lui doit la salle Garnier de Monte-Carlo et le rayonnement du Rocher mais sa passion pour la culture l’entraîne dans les bras d’un compositeur britannique, Isidore De Lara. «Ici dort Lara» sera écrit à la craie sur les murs du Palais. Le scandale éclate, le couple se sépare sans descendance.
La vie amoureuse tumultueuse du prince Louis II
Le fils qu’Albert 1er a eu avec sa première épouse, Louis II de Monaco, est surnommé «le prince soldat». En garnison à Constantine, il a une fille naturelle, Charlotte, avec Marie-Juliette Louvet, fille de blanchisseuse, qui exerçait le métier au contour flou de «modèle des arts». Une telle union est impossible. Une fois monté sur le trône, le prince Louis II épouse néanmoins une comédienne, Ghislaine Dommanget, de trente ans sa cadette, par qui le scandale arrive. La famille Grimaldi qui tolère tant bien que mal cette union, fera casser le testament du prince qui lui avait légué par amour un quart de sa fortune qu’elle entendait bien utiliser en tentant sa chance dans des opérettes légères, bien loin des exigences gouvernementales.
Charlotte, enfant naturelle, reconnue princesse héritière par adoption
La jeune Charlotte, née des amours du prince Louis II avec Marie-Juliette Louvet, va connaître un sort tout à fait enviable et inattendu. Elle est un élément clé pour le gouvernement français qui souhaite éviter que la Principauté ne revienne aux Allemands au sortir de la Première Guerre mondiale. En effet, dans l’ordre de succession, le rocher reviendrait aux descendants de la princesse Florestine, sœur de Charles III (père d’Albert 1er), mariée à un prince de la maison de Wurtemberg, le duc d’Urach, proche du kaiser. Pressé par la France, Louis II reconnaît donc Charlotte comme héritière légitime par adoption, ce qui lui permet de conserver également ses privilèges.
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Selon la tradition qui veut que l’époux de l’héritière, Pierre de Polignac, prenne nom et armes Grimaldi, la Principauté passe à la branche Chalençon de Polignac. Le couple qui ne s’entend guère a cependant deux enfants, Antoinette en 1920 et Rainier en 1923. Une fois le divorce prononcé, Charlotte renonce à ses droits au trône au profit de son fils. Rainer III prend les rênes de la Principauté en 1949, succédant directement à son grand-père, Louis II. Alors devenue visiteuse de prison, Charlotte de Monaco, duchesse de Valentinois, aurait eu une aventure avec René Girier, dit «René la canne», qui fraya avec le truand Pierre Loutrel, dit «Pierrot le Fou», l’un des meneurs du gang des Traction Avant. Quoi qu’il en soit, René Girier lui servit bel et bien de chauffeur le jour du mariage grandiose de son fils Rainier avec Grace Kelly, star hollywoodienne et nouvelle princesse née aux États-Unis, que compte la Principauté.
Albert II dans la lignée d’Albert 1er
À la mort du prince Rainier III en 2005, Albert II qui porte le nom de son arrière arrière grand-père a pris en main la destinée du Rocher. Il a lui aussi créé sa fondation consacrée à la protection de l’environnement et à la promotion du développement durable. Une manière de rendre hommage à son trisaïeul Albert 1er qui, visionnaire, avait déjà alerté sur l’importance de la préservation des océans. En 2023, le prince régnant, qui a retrouvé son épouse Charlène, fêtera également le centenaire de la naissance de son père, le prince Rainier III. Stéphane Bern, proche des Grimaldi, devrait être le commissaire général de l’exposition qui aura lieu en son honneur. Ainsi va la vie des Grimaldi qui, malgré des amours et des mariages compliqués par de fortes personnalités, continuent d’œuvrer au développement de cette ville État indépendante de la côte méditerranéenne française, si célèbre dans le monde pour son élégant casino Belle Époque.