Novembre 2024
29 novembre 2024
♦ Alain Quella-Villéger et Patrice Rötig au Rendez-vous international du Carnet de Voyage de Clermont-Ferrand, sur le stand de Bleu autour
♦ Sur « Vacance du retour », roman récemment paru | Le Club
par François Rochon
Sur « Vacance du retour », roman récemment paru
Alors que vient de paraître mon roman « Vacance du retour » aux éditions Le Sas-culture, je reviens ici sur le contexte de son écriture. Après avoir évoqué dans un précédent billet d’été l’origine du texte liée à une interrogation sociologique, je présente ici sa dimension « littéraire », qui me renvoie à la relecture de Pierre Loti, académicien Rochefortais à redécouvrir.
En février 2020, je pars un mois à Bamako, au Mali. Je n’ai jamais voyagé si loin, si longtemps. Je rejoins un couple d’amis qui habitent là-bas, ils souhaitaient faire l’expérience d’un poste à l’étranger. J’arrive après une importante manifestation anti-française, des précautions de sécurité sont demandées, le voyage sera loin du circuit touristique local qui a tant fait rêver voilà quelques années. Dans la villa, je note des impressions sur un carnet. Car ce voyage marque une césure entre ma décennie de vie parisienne et mon retour dans ma ville natale de Rochefort en Charente-Maritime, où je vis depuis cinq ans maintenant.
Une forme de « vacance intérieure » s’installe entre deux périodes. Cette idée m’est venue progressivement, elle trouve sa formulation avec un travail photographique et d’archives entamé en 2017, que je place finalement sous le signe de Pierre Loti. J’ajoute même un sous-titre explicite, dans la suite d’un précédent livre Veillées du fleuve, Aux pays de Pierre Loti, coordonné avec Sylvaine Reyre. Ce sera bien une « Vacance intérieure, Aux pays de Pierre Loti », qui naviguera entre mon expérience comme un exemple simple et la lecture de l’écrivain, le souvenir de son œuvre. Mon récit de voyage pourrait prendre place dans cette démarche.
C’est pourquoi au retour, dans mon nouvel appartement, je lis et retrouve Loti, avec Une vie de roman de Quella-Villéger, Pécheur d’Islande dans une remarquable version audio, Vers Ispahan en miroir d’une œuvre pour piano fascinante de Kœchlin, Les heures persanes. Je visite et photographie la première maison de Cruchita, rue Pasteur comme le relate un article de Kharinne Charov dans Sud-Ouest, actuellement en ruine, dont l’état de délabrement me renvoie au Pèlerin d’Angkor.
Progressivement, je reprends mon récit de voyage avec la conscience que le juste avant et le juste après sont tout aussi importants, que c’est la continuité d’une transition lente qui compte parce que je ne suis plus le même. En effet, j’avais échangé quelques lettres avec une amie, au moment de quitter Paris, puis noté les idées qui venaient spontanément dans un carnet lors de mon installation à Rochefort. Je comprenais que le récit de voyage fonctionnait en fait avec ces deux autres récits potentiels qui l’encadraient, formaient ensemble l’exploration méthodique d’un même mouvement. Mais en les liants, le récit se détachait aussi de moi, mon double devenait un personnage, il quittait l’époque, se tournait vers sa propre perception dont je devenais seulement le narrateur.
J’ai précédemment décrit, dans un billet de blog cet été comment l’interrogation sociologique m’a accompagnée dans l’écriture, pour passer des relevés biographiques à l’histoire réinventée d’un roman, travaillant une sujet de réflexion. Mais il y avait aussi une motivation « littéraire », entre guillemets parce que seulement exploratoire. J’ai pu la travailler méthodiquement dans l’atelier d’écriture À Mots Ouverts de Sylvaine Reyre. Elle débouche sur le travail en cours autour de la « vacance intérieure » qui me renvoie désormais directement à la figure Loti, soulagé d’avoir passé ce premier cycle de l’initiation littéraire porté davantage par le récit de soi, entre 2017 et 2024 donc, ouvrant sur un deuxième cycle tourné vers le dialogue avec une œuvre de notre patrimoine.
Je place donc le récent roman Vacance du retour entre deux autres textes, évoquant en miroir l’échappée de Paris, que j’avais indiquée seulement comme une intuition dans, Maintenant je t’écrirai (2021), et l’arrivée à Rochefort où j’avais décrit l’étape d’après l’installation avec Lettres rochefortaises (2023). Le roman, Vacance du retour se situe intellectuellement entre ces deux livres, explorations « littéraires » qui m’ont permis d’approcher, à leur manière, l’idée de « vacance intérieure » sur laquelle je vais me concentrer désormais dans un travail spécifique. Celui-ci me permettra de prolonger mon étude sur le logement, éditée aux éditions de l’Aube, sur un versant culturel complémentaire du versant citoyen.
Référence : Vacance du retour, de François Rochon Saint-Aubert, Le Sas-culture, 220p, 2024, 14 euros
16 novembre 2024
Le lauréat du Prix Pierre-Loti à Hendaye en 2020
♦ Alain Quella-Villéger au Rendez-vous international du Carnet de Voyage
15-17 novembre, au Rendez-vous international du Carnet de voyage à Clermont-Ferrand (où Bleu autour tiendra un stand), Alain Quella-Villéger évoquera « Pierre Loti, écrivain-voyageur et dessinateur » le dimanche 17 de 13h30 à 14h15 en s’appuyant sur ses derniers ouvrages : Chez Pierre Loti – Le roman d’une maison, Pierre Loti qui ne lit jamais…, Gustave à la mer – Le frère chéri de Pierre Loti et les beaux livres Pierre Loti photographe et Pierre Loti dessinateur (qui était épuisé et vient d’être réimprimé).
Le Rendez-vous International du Carnet de Voyage – IFAV
♦ Teraitua Yvon, entre réalisme, poésie et sketching • TNTV Tahiti Nui Télévision
Teraitua Yvon, entre réalisme, poésie et sketching
Dès qu’il a un moment, il se pose, sort son carnet, un crayon ou des pastels, et se met à dessiner. La nature, un geste, une attitude… Teraitua Yvon a cette passion depuis tout petit, mais ce n’est que maintenant, à l’âge adulte, qu’il l’exprime pleinement. Il livre ses œuvres poétiques et captivantes lors d’une exposition collective qui se déroulera jusqu’au 31 octobre à la Galerie Au Chevalet, aux côtés des artistes Peka17 et Moya.
La magie du sketching
Une œuvre dessinée sur le vif possède une qualité unique, une dynamique que la photo ne peut saisir. Là où la photographie capture un instant figé, le dessin restitue une succession de moments, presque superposés, qui donnent vie à la scène. C’est la magie du sketching, et c’est précisément ce que Teraitua Yvon cherche à transcrire dans ses croquis.
« Dans mon art du sketching, l’objectif est de saisir ces micro-instants qui s’enchaînent, créant une impression de vie. Je me balade toujours avec mes outils : aquarelle, crayons, carrés Conté, mines de plomb, feutres, et pinceaux aquarelle. »
Sa signature : le réalisme, l’observation et le mix média
En plus du sketching, Teraitua réalise des œuvres plus approfondies et intimes, notamment des portraits de ses proches, sa femme et ses deux enfants.
Il aime expérimenter et combiner différentes techniques pour avoir des rendus intéressants, créant une interaction entre le visuel et le narratif. Les textes déchirés et collés sont une nouveauté et ne sont jamais choisis à la légère : des paroles du groupe de rock Linkin Park, qui évoque le temps pour le triptyque aux hibiscus, ou un texte de Pierre Loti décrivant Rarahu et sa triste évolution. Pour Teraitua, amateur de livres, les mots traduisent les maux, les souvenirs et les émotions.
« Je suis quelqu’un de très observateur, et j’aime le réalisme. Je suis prof de biologie de formation, et j’aime observer et dessiner ce qui est ressemblant. J’aime rentrer dans le détail, quand les ombres et les couleurs sont bien posées au bon endroit. »
Le dessin : une quête personnelle
« J’ai toujours aimé dessiner, mais mes parents, agriculteurs et d’origine modeste, n’ont pas vraiment pu m’encourager dans cette voie, bien qu’ils aient toujours voulu le meilleur pour moi. J’avais toujours ce complexe de me dire que je n’avais pas pu apprendre l’art comme j’aurais aimé. Au final, cela fait dix ans que je prends des cours au Conservatoire, grâce à ma femme qui m’a forcé à m’inscrire et à dépasser mes inhibitions.»
Pour lui, peindre est une façon de se libérer. Au Conservatoire, il aborde différentes techniques et thématiques : des dessins d’après nature, des nus…, dans une démarche personnelle où chacun peut exprimer son identité artistique.
« J’aime autant dessiner des personnes, avec toute la complexité de leur mouvement, que des objets statiques comme ces tiki, qui ont pourtant une forte présence et des histoires à raconter. Pour les couleurs, je ne suis pas forcément dans du figuratif. Je prends ce que j’ai sous la main pour retranscrire ce que je ressens, laisser libre cours à mon inconscient. »
Une enfance au cœur de la Presqu’île
Teraitua a passé une partie de son enfance au Fenua Aihere, côté Teahupoo, et devait prendre le bateau pour aller à l’école, ainsi qu’à Faa’a chez ses grands-parents. Après son bac, il intègre l’UPF pour des études de biologie, puis poursuit une maitrise à Montpellier pour devenir enseignant et de passer le Capes. De retour à Tahiti, il choisit d’enseigner dans les quartiers prioritaires, au collège Henri Hiro de Faa’a et organise des sorties éducatives pour faire découvrir à ses élèves la biodiversité et partager son amour pour l’environnement.
« J’ai emmené mes élèves plusieurs années au Fenua Aihere, là où j’ai grandi. Parce que je me suis dit que c’était un bon moyen d’apprendre. Chaque élève avait un arbre attribué. Il devait en montrer toutes les parties et en faire la description botanique… »
Après quinze ans d’enseignement, Teraitua est muté au lycée du Diadème – Te Tara O Maiao à Pirae et se voit aussi proposer la possibilité de donner des cours aux futurs professeurs à l’INSPE de Polynésie Française.
« Dans ce contexte professionnel assez rigoureux. On va dire que la partie artistique, c’est ma bouffée d’oxygène de la semaine. C’est ça qui me permet d’avoir un équilibre en fait.” »
2025 : de nouvelles explorations artistiques
Aujourd’hui, l’artiste a envie d’explorer de nouveaux supports, des matériaux plus naturels, comme le tapa, pour y apporter quelque chose de “dissonant”, tout en restant ancré dans l’authenticité. D’un naturel pudique et réservé, Teraitua préfère laisser les autres se mettre en avant plutôt que de parler de lui-même.
« Le paradoxe d’être artiste, c’est que tu es obligé de t’exposer, de montrer et d’assumer cette forme d’orgueil, entre guillemets, d’artiste. Je me dis que, peut-être, il est temps… »
Bonne nouvelle, Teraitua Yvon, artiste aux peintures d’inspiration polynésiennes pleines de couleurs, de tendresses et de messages, sent que le moment est venu de franchir ce pas, de se dévoiler et d’embrasser pleinement son chemin artistique. L’exposition collective à la Galerie Au chevalet est l’occasion idéale pour partir à sa rencontre.
©Photos : Cl Augereau pour Hommes de Polynésie
10 novembre 2024
♦ Istanbul : Aux échos des rues, l’ombre de Pierre Loti
Istanbul : Aux échos des rues, l’ombre de Pierre Loti
Istanbul, à la croisée des époques, éveille l’écho d’un passé fascinant et la modernité d’une métropole de plus de 17 millions d’âmes. Dans cette ville en pleine effervescence, le regard de l’écrivain Pierre Loti semble encore se poser, capturant l’âme ottomane des ruelles et la poésie du Bosphore. Aujourd’hui, entre les souvenirs de l’Empire et les symboles contemporains comme les drapeaux de la République, Istanbul raconte une histoire de contrastes, où rêve et réalité se mêlent, témoignant d’un héritage vibrant.
Istanbul m’a accueillie comme une ville en perpétuelle transformation. À chaque coin de rue, l’effervescence d’une métropole de plus de 17 millions d’habitants m’embrassait, une démographie bien éloignée de celle qu’a connue Pierre Loti au XIXe siècle (de son vrai nom Louis Marie-Julien Viaud). Aujourd’hui, Istanbul reste fidèle à son rôle historique de mosaïque de peuples et de cultures, un carrefour où se croisent voyageurs, habitants, commerçants et étudiants, comme cela a toujours été le cas au fil des siècles. Ce qui frappait surtout, en me perdant dans ses rues animées, c’était le contraste saisissant entre l’agitation de la population et la douceur silencieuse de l’atmosphère ottomane, encore présente dans l’Istanbul d’autrefois, finement capturée par Loti.
Les souvenirs de cette époque impériale, où la ville baignait dans une lumière mystique, semblent se dissiper dans le tumulte de la vie contemporaine. La ville de Loti, où les marchés étaient des lieux de rencontres intimes et où chaque ruelle abritait des siècles d’histoire, a cédé la place à une Istanbul plus bruyante, plus pressée. Les minarets majestueux et les palais ottomans, bien qu’encore présents, sont aujourd’hui noyés dans un océan d’immeubles modernes, de centres commerciaux et de grandes artères. Loin des promenades solitaires de Loti le long du Bosphore, les quais sont désormais envahis par une foule de passants pressés, de touristes et de taxis qui serpentent sans relâche à travers la ville.
Je résidais dans un petit hôtel boutique près de la place Taksim, un quartier central où l’âme moderne d’Istanbul se révèle dans toute sa splendeur. Autour de moi, les drapeaux turcs flottaient, commémorant avec fierté les 101 ans de la République. Les festivités récentes étaient encore visibles, les banderoles flottant dans l’air, rappelant l’héritage d’Atatürk, ce père fondateur omniprésent à chaque coin de rue. La figure de cet homme, qui a marqué un tournant dans l’histoire de la Turquie, reste vivante, non seulement dans les livres, mais aussi dans les mémoires collectives du pays.
Dans un coin discret du quartier, j’ai croisé un camelot exposant une gamme d’objets hétéroclites sur son chariot de bois. Son modeste étal me proposait des marchandises : des couteaux, des cadenas, des cartes postales. Après quelques hésitations, je me suis laissé tenter par un petit canif turc « Sürmene », avec ses deux lames et son corps en laiton décoré de motifs orientaux. En l’achetant, je me suis senti relié à une époque où les objets étaient bien plus que de simples biens de consommation. Ce couteau, modeste, mais symbolique, m’a semblé être un lien fragile entre le passé et le présent, un artefact de l’orientalisme de Loti, qui voyait dans Istanbul bien plus qu’une simple ville, mais un monde complexe et fascinant.
Et pourtant, dans ce tourbillon moderne, une touche d’authenticité subsiste encore, même dans les recoins les plus discrets de la ville. Les marchés bourdonnants, les conversations qui se tissent autour d’un raki ou d’un thé, tout cela fait écho à une époque révolue, mais vivante dans ces instants fugaces.
Les quais du Bosphore, autrefois solitaires, sont aujourd’hui un enchevêtrement de pas pressés. Les taxis jaunes dévalent la route comme des éclats de lumière dans le crépuscule doré. Le son métallique des tramways se mêle aux chants des muezzins, rappelant le passage du temps entre les époques. Là, la ville murmurait les souvenirs de Loti, celui qui, lors de ses flâneries, se perdait dans les vieux quartiers, découvrant la beauté de la vie ottomane, un monde aux allures de rêve oriental. Déambulant sur ses pas, je n’ai pu m’empêcher de repenser à cette citation de Loti : « Istanbul est une ville où l’on a le sentiment de marcher à la fois dans un rêve et dans la réalité. » Ces mots résonnaient avec une étrange vérité alors que je me perdais dans le dédale de la ville, entre la modernité éclatante et les vestiges du passé. Cette ville semble en effet vivre dans une double dimension, entre l’éternité du rêve et la rapidité du présent.
L’Istanbul d’hier, où les maisons en bois, avec leurs fenêtres entrouvertes, racontaient des secrets à ceux qui s’arrêtaient, a cédé la place à une ville frénétique où l’asphalte et le verre dominent. Chaque coin de rue semble crier la rapidité de notre époque, tout en murmurant doucement les souvenirs d’un passé qui s’estompe. L’influence ottomane, bien qu’encore visible dans certains quartiers, s’est effacée sous l’urbanisation rapide et anarchique de la cité.
La ville a connu une croissance démographique fulgurante, un phénomène qui a radicalement changé son rythme et sa personnalité. Là où Loti écrivait en solitaire sur le Bosphore, observant la ville de loin, aujourd’hui, tout va plus vite. Les humeurs de la ville semblent se perdre dans un flot de néons et de bruits incessants, noyées dans un tourbillon de vie urbaine où les traces du passé sont parfois à peine perceptibles.
Istanbul, entre l’éclat de sa modernité et l’ombre persistante de son passé, est une ville vivante, qui respire à travers les époques. Et même si l’œil de Loti a quitté la ville, ses mots résonnent encore dans les ruelles animées, dans les odeurs d’épices, dans le calme des mosquées et dans l’écho des minarets. Istanbul semble en effet vivre dans une double dimension, entre l’éternité du rêve et la rapidité du présent. Au-delà de la foule, de la modernité et de l’agitation, Istanbul demeure un carrefour de cultures, un lieu où l’histoire s’écrit en permanence, où le passé se heurte au présent, et où l’écrivain Pierre Loti, avec son amour passionné pour la ville, reste une figure visible. Sa vision de l’Istanbul éternelle, vibrante d’une poésie enchanteresse et d’une atmosphère empreinte de mystère, résonne toujours dans les coins de la ville. Même si l’Istanbul d’aujourd’hui est bien différente de celle qu’il a connue, son regard sur la ville continue de nourrir l’imaginaire collectif des voyageurs, des rêveurs, et des amoureux de cette ville mythique.
David Bongard
Istanbul – novembre 2024
♦ Le Bulletin n°51 (octobre 2024) de la Fédération des maisons d’écrivain & des patrimoines littéraires est paru !
1er novembre 2024
♦ Sur les pas de Pierre Loti – La Bouinotte Éditions livres, magazine berry, nuit polar
Sur les pas de Pierre Loti
Cet ouvrage est en précommande jusqu’au 15/03/2025. Il sera disponible à partir du 31/03/2025 au prix de 23 euros (au lieu de 26).
Pierre Loti (1850-1923), écrivain-voyageur, a parcouru, en tant que marin, le vaste monde mais il est toujours revenu à Rochefort, sa ville natale, en cette « maison monde », dont jamais il ne déménagea. Rochefort et la « Charente inférieure », l’Aunis et l’île d’Oléron, Echillais et Saint-Porchaire sont dépeints dans ses romans autobiographiques centrés sur son enfance et sa « prime jeunesse ». Son pays natal y est décrit, avec précision et poésie, sous l’angle de « cette éternelle nostalgie » que Loti a toujours emportée avec lui. L’écrivain de l’ailleurs n’aura jamais oublié « l’ici ».
Olivier Stroh et Vincent Duval nous offrent une déambulation poétique parmi les lieux qui ont construit l’imaginaire de Loti, une autre manière de découvrir l’auteur et son territoire.
Lien ici : Sur les pas de Pierre Loti – La Bouinotte Éditions livres, magazine berry, nuit polar
♦ Assemblée générale des Amis de Pierre Benoit (mercredi 23 octobre, chez Albin Michel)
Le 23 octobre dernier a eu lieu l’Assemblée générale des Amis de Pierre Benoit (Pierre Benoit a été président de l’AIPLP à la fin de sa vie et l’Association des Amis de Pierre Benoit, actuellement présidée par Bernard Vialatte, est membre de l’AIAPL). Agnès Jarry-Lacombe, Françoise Bellot et Stéphane Maltère étaient présents. Stéphane Maltère, vice-président de l’Association des Amis de Pierre Benoit, a présenté l’après-midi le roman Mademoiselle de La Ferté avant la projection de son adaptation par Roger Dallier. Amélie Nothomb, Francis Esménard (président des éditions Albin Michel) et François Bellair (fils de Marie Dubas) avaient été conviés à la projection. Stéphane Maltère a également présenté un court document montrant Pierre Benoit à l’inauguration du monument Pierre Loti à Hendaye en 1961. Le lendemain matin, une visite dans le 5e arrondissement de Paris a permis de parcourir les lieux liés aux romans et à la vie de Pierre Benoit.
♦ Pierre Loti et Istanbul: un voyage intemporel au coeur de la turcophilie – TRT Afrika
Pierre Loti et Istanbul: un voyage intemporel au coeur de la turcophilie
Parmi les écrivains français qui ont succombé aux charmes d’Istanbul, Loti se distingue comme l’un des plus éminents
Pierre Loti, de son vrai nom Louis Marie-Julien Viaud, est né le 14 janvier 1850 à Rochefort-sur-Mer et mort le 10 juin 1923 à Hendaye. Considéré comme l’un des auteurs les plus influents de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, notamment pour ses récits de voyages exotiques et ses romans semi-autobiographiques, Loti va profondément marquer la littérature de voyage orientaliste.
L’écrivain français a commencé sa carrière en tant qu’officier de marine, un métier qui a largement imprégné ses écrits, et c’est en 1876 qu’il amarre pour la première fois à Istanbul.
Au cœur des murs ancestraux d’Istanbul, une histoire d’amour se tisse rapidement entre Pierre Loti et la ville. Dès sa première rencontre avec les quartiers pittoresques de la ville et les murmures mystiques de l’appel à la prière, Loti fut envoûté par la magie enivrante de la métropole orientale.
« Istanbul, cette ville éternelle, m’a ensorcelé dès le premier regard. Ses minarets qui se dressent fièrement vers le ciel, ses ruelles labyrinthiques qui invitent à l’exploration, ses parfums envoûtants qui flottent dans l’air, tout cela crée une symphonie envoûtante pour les sens. Chaque coin de rue, chaque pierre ancienne raconte une histoire, et en me perdant dans les méandres de cette cité millénaire, j’ai découvert un monde d’une beauté insoupçonnée. Istanbul, avec sa magie envoûtante, a capturé mon cœur et a fait de moi un amoureux éternel de cette ville légendaire. Istanbul est un livre ouvert, où chaque coin recèle une histoire captivante, où chaque pierre raconte les péripéties d’un passé glorieux et tumultueux. »
C’est dans les ruelles étroites d’Eyup qu’il rencontre des âmes tourmentées, capturant leurs histoires de sa plume sensible. Ici, il se lie rapidement d’amitié avec des artisans, des poètes et des intellectuels, partageant des moments précieux dans les cafés enfumés de la ville.
Mais c’est précisement dans le regard profond d’une femme, – « Aziyadé » de son premier roman éponyme paru en 1879-, que Loti trouvera une connexion plus profonde avec Istanbul.
« Aziyadé était un mirage, une vision éphémère qui avait capturé mon cœur dès notre première rencontre. Elle était la quintessence de la beauté orientale, une muse enchanteresse qui m’inspirait chaque instant passé à ses côtés. Dans les yeux d’Aziyadé, je voyais le reflet de l’Orient tout entier. Sa grâce, sa délicatesse et son charme mystérieux m’emportaient vers des contrées lointaines, où se mêlaient l’amour et l’aventure. »
Ce roman semi-autobiographique, acclamé par la critique, offre un portrait saisissant de la société ottomane de l’époque, ainsi que des réflexions profondes sur l’amour, la passion et la quête d’identité. L’œuvre capture l’atmosphère envoûtante d’Istanbul et met en lumière les difficultés d’un amour impossible dans un contexte culturel et social complexe.
Dans la même veine poétique, Loti va davantage accroître sa gloire littéraire avec la publication plus tardive des Désenchantées et Fantôme d’Orient et deviendra l’écrivain par excellence de la littérature stambouliote d’expression française.
Loti le turcophile
Outre sa glorieuse carrière littéraire, Loti était également un écrivain engagé dans les débats de son époque. Ses prises de position controversées, notamment sur l’impérialisme français, ont suscité de nombreuses critiques.
Turcophile absolu, Pierre Loti s’illustre notamment par sa défense exaltée des Turcs, à une époque où l’Empire ottoman fait l’objet de nombreuses convoitises et de campagnes de diabolisation en Europe.
Si bien qu’à partir de la guerre italo-turque en 1911, où l’Italie « se jette sur la Tripolitaine », et tout au long des guerres balkaniques, de la Grande guerre, et de la guerre d’indépendance turque, Loti consacre presque toutes ses dernières oeuvres publiées dans les douze dernières années de sa vie, à prendre la défense des Turcs contre l’impérialisme et la propagande européenne de l’époque.
Publication de lettres, de livres, de tribunes, Loti emploie tous les moyens à sa disposition « dans l’indignation et la souffrance pour démasquer tant d’hypocrites ignominies pour essayer de faire entendre un peu de vérité et pour demander un peu de justice ».
Turquie Agonisante; Les Massacres d’Arménie; Les Alliés qu’il nous faudrait; La Mort de notre chère France en Orient; Suprêmes visions d’Orient, publiés de 1911 à 1921, sont des essais entièrement consacrés à prendre la défense des Turcs lors des guerres successives dans lesquels est plongé l’Empire ottoman.
Mettant en cause l’injustice de traitement que subit l’Empire ottoman dans la presse française, « Nous, Français, nous leur avons pris l’Algérie, la Tunisie, le Maroc. Les Anglais leur ont déloyalement enlevé l’Egypte. La Perse est à moitié sous le joug. Et l’Italie vient d’ensanglanter la Tripolitaine, donnant le triste signal de la curée sans merci » s’indigne Loti dans Turquie Agonisante.
« La gloire ainsi que le bon droit, je ne les vois que du côté des admirables défenseurs du sol héréditaire, Turcs ou Arabes, qui, surpris par la brusquerie de l’attaque et n’ayant qu’un armement d’une infériorité pitoyable, se font mitrailler quand même et massacrer comme des héros d’épopée » écrit-il encore dans le Figaro du 6 décembre 1911, en pleine guerre italo-turque.
Pendant les guerres balkaniques qui s’ensuivirent, inquiet de la situation en défaveur des Turcs qui perdent de vastes territoires, Loti fait une nouvelle fois preuve de son attachement incommensurable aux Turcs :
« Si les Slaves sont vainqueurs, si le viel islam s’écroule, mes projets d’avenir feront comme l’islam (…). Puisqu’il m’est impossible de retourner en Turquie comme officier français, je me ferais turc. Je ne tiens guère à l’Europe occidentale. »
Il dénonce par ailleurs l’attitude méprisante de l’Europe pour cette race « foncièrement bonne, brave, loyale et douce » bafouée dans sa tranquillité, dans ses traditions, dans sa foi, trahie de l’intérieur, et par le modernisme déstabilisateur, et n’hésite pas à critiquer « le progrès, la civilisation, le christianisme, c’est la tuerie extra-rapide, la tuerie à la mécanique. Honte! Honte à l’Europe, honte à son christianisme de pacotille. Et, pour la première fois de ma vie, je crois que je vais dire: honte à la guerre moderne ».
Dans Suprêmes visions d’Orient, son dernier essai publié peu avant de mourir, Pierre Loti se retire de la scène politique avec la sensation d’avoir rempli son devoir:
« Si j’avais encore mon activité de jadis, avec quel élan je serais allé me faire tuer dans les rangs des défenseurs de l’islam ! Mais si je n’en ai plus la force comme autrefois, au moins je suis fier de me dire que j’ai consacré les dernières lueurs de mon intelligence à soutenir le parti de la vérité ! »
Le courage de Pierre Loti toucha profondément les dirigeants turcs. En janvier 1921, Mustafa Kemal lui adressa une lettre pour exprimer la gratitude du peuple turc et lui offrir, en signe de reconnaissance, un tapis tissé par les jeunes filles orphelines de la guerre. Cette marque de reconnaissance témoignait de l’importance et de l’impact de Loti dans le cœur du peuple turc, ainsi que de son engagement envers leur cause.
« Ce tapis est destiné à témoigner de la plus profonde et inaltérable amitié du Peuple turc envers l’illustre Maître, qui, de sa plume magique, a, dans les plus sombres jours de son histoire, défendu ses droits. Nous vous prions de bien vouloir agréer notre cadeau dont l’humble valeur consiste uniquement en ce qu’il témoigne des sentiments de gratitude que nous ressentons envers le Grand et Magnanime Français, Ami et Défenseur du Droit. »
Pierre Loti incarne l’essence de la fascination pour Istanbul et la turcophilie. Son amour pour la ville et sa passion pour la culture orientale se reflètent dans ses écrits captivants. Loti a réussi à saisir la beauté, la complexité et les contrastes d’Istanbul, transcendant les frontières géographiques et culturelles pour nous transporter dans un monde empreint de mystère et de poésie.
À travers ses romans, Loti a su capturer l’atmosphère enivrante d’Istanbul, dépeignant avec sensibilité les détails architecturaux, les coutumes locales et les émotions intenses suscitées par la ville. Sa turcophilie transparaît dans ses descriptions élogieuses de la culture, des paysages et des habitants d’Istanbul, mettant en valeur l’héritage riche et diversifié de la ville, mais également par sa défense acharnée de l’Empire ottoman, des Turcs, des Musulmans dans un contexte de convoitise impérialiste.
Pierre Loti a contribué à populariser Istanbul auprès du public occidental, inspirant de nombreux voyageurs et écrivains à découvrir et à explorer cette cité fascinante. Son héritage littéraire témoigne de son attachement profond à Istanbul et de sa passion pour la rencontre des cultures.
Ainsi, grâce à Pierre Loti, Istanbul a acquis une place privilégiée dans l’imaginaire collectif, représentant à la fois l’exotisme, la beauté et la complexité de l’Orient. Son œuvre continue d’inspirer les amoureux des voyages et de la littérature, invitant chacun à plonger dans les « Suprêmes Visions » d’Istanbul et à s’émerveiller devant la grandeur de cette ville unique.