Colloque international et interdisciplinaire « Pockets, Pouches and Secret Drawers » organisé par l’Ecole d’Etudes Avancées de l’Université de Londres

WeChat Image_20211204111950

Les 2, 3 et 4 décembre 2021, Gaultier Roux a participé au colloque international et interdisciplinaire « Pockets, Pouches and Secret Drawers » organisé par l’Ecole d’Etudes Avancées de l’Université de Londres : https://modernlanguages.sas.ac.uk/events/event/22520

Il a présenté une communication intitulée “For real: Pierre Loti’s pouches, envelopes, boxes and cases or:the testimonies of a doubtful life” (« Pour de vrai : les sachets, enveloppes, cartons et boîtes de Pierre Loti, ou : les témoignages d’une vie incertaine »).

Voici la traduction française du résumé de sa communication :

Pierre Loti (1850-1923) fut, de loin, l’un des écrivains de voyage les plus célèbres de son temps, atteignant une réputation internationale qui s’est érodée après sa mort. Sa renommée, Loti  l’avait construite sur deux aspects : ses œuvres littéraires d’une part, qui, imprégnées d’exotisme, étaient largement lues dans le monde entier, attirant alors de nombreux éloges : parmi ses admirateurs, des écrivains tels que Henry James et Lafcadio Hearn, et d’autre part, son personnage extravagant, immédiatement reconnaissable. De fait, l’alias du capitaine de vaisseau Julien Viaud, Pierre Loti, était une double construction : un personnage romanesque aussi bien que la fiction sociale assumée d’une intimité qui l’était moins. La perpétuelle transformation de sa somptueuse et labyrinthique maison de Rochefort est l’un des éléments majeurs de son rayonnement, car elle devient l’épicentre de la théâtralité du personnage. Cette scène cache cependant des coulisses, gardant loin des regards indiscrets les secrets d’un homme : des recoins, dont les portes sont cachées par des tapisseries, y abritèrent une accumulation de trésors sans valeur, sous la forme de quasi-reliques. Ainsi, les effets de publicité que Loti multipliait cachaient des ressorts beaucoup plus intimes. Comme l’attestent son journal et ses récits autobiographiques, Pierre Loti commence, dès son enfance, à collectionner les objets sans importance de sa vie quotidienne afin de les conserver : pochettes en tissu, enveloppes en papier, boîtes en carton, caisses en bois deviendront vite un élément incontournable de sa vie matérielle. Dans cette communication, par une lecture croisée des œuvres et du journal combinée à une enquête sur les collections qui ont survécu à la mort de l’auteur, il s’agira d’évaluer le rôle, littéraire et symbolique, des contenants sans cesse démultipliés dans la vie de Loti, lesquels visent aussi bien à cacher définitivement leur contenu qu’à le préserver. Si l’on peut dans un premier temps associer ce comportement au mouvement décadent et à l’inclination postromantique pour la collection des objets et la vénération des symboles, la systématicité du procédé de Loti va bien au-delà de ce trait esthétique. Nous analyserons donc l’aspect crucial de ce comportement de conservation en relation avec la dimension supérieure de l’œuvre littéraire elle-même : envelopper, enfermer, perpétuer les souvenirs, tromper l’impermanence des sensations par la matérialité de ce qui en reste. En cela, la collection d’objets du vécu, chez Loti, agit comme l’écriture, et vise à produire des preuves que ce qu’il a vécu a eu lieu pour de vrai.

WeChat Image_20211204112033

WeChat Image_20211204112018

WeChat Image_20211204112028Crédits photographiques : musées de Rochefort.

 

L’organisatrice de ce colloque, la Professeure Naomi Segal, avait d’ailleurs dirigé la fameuse thèse de Peter J. Turberfield sur Loti, au début des années 2000.