A Rochefort, une couverture de velours de Pierre Loti en cours de restauration

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À Rochefort (Charente-Maritime), l’unique maître d’art de broderie au fil d’or s’est vue confier la réalisation d’un fac-similé d’une couverture de velours de Pierre Loti.
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Elle fut la compagne d’apparat d’un séjour en Égypte. « Lorsqu’il remontait le Nil, Pierre Loti posait cette couverture au fond de sa barque, de sorte que les pans de l’étoffe dépassent de chaque côté, pour que son nom, brodé au fil d’argent sur un velours vert, puisse être lisible depuis la berge », explique Sylvie Deschamps, maître brodeuse de l’atelier Bégonia d’Or. Réalisée sur-mesure pour Pierre Loti par des artisans égyptiens, cette couverture avait ensuite trouvé sa place dans la maison de l’écrivain à Rochefort, aujourd’hui fermée pour rénovation.

« On a dû travailler souvent à plusieurs dessus… »

 

La Ville de Rochefort, propriétaire de la demeure, a profité de cette période de travaux pour faire restaurer un certain nombre d’objets. La couverture égyptienne étant trop abîmée et fragile pour être réparée, la collectivité a confié à l’unique maître brodeur d’or de France le soin d’en confectionner une nouvelle.

Si Sylvie Deschamps et ses deux salariés ont l’habitude d’opérer sur de grandes pièces de tissus comme des blasons, la réalisation de cette couverture fut une gageure technique. Ses 2,10 m par 1,67 m ont dû être déployés sur un immense métier en bois, remplissant toute la salle de broderie de l’atelier. « On a dû travailler souvent à plusieurs dessus, sinon on y serait encore ! » plaisante Sylvie. La tâche a tout de même représenté plus de 900 heures de travail, durant un an et demi.

« Être au plus près de la couverture de l’époque »

 

L’autre défi a consisté à gérer la densité du matériau. « Le velours vert a été choisi par une historienne d’art spécialisée, pour être au plus près de la couverture de l’époque. C’est un tissu épais à poils longs. Pour pouvoir broder les lettres d’argent, il a fallu raser l’étoffe aux endroits où il fallait coudre », explique Sylvie Deschamps. L’opération a demandé une grande minutie, car la couverture est brodée de strophes d’un poème d’amour écrit en caractères préislamiques.

« Pour avoir déjà travaillé sur des mantelets en hébreux, je savais qu’il fallait être très précis dans le report de la calligraphie, car si deux caractères se touchent alors qu’ils ne le doivent pas, ça change complètement le sens de la phrase ! » poursuit la brodeuse.

Différentes techniques de points

 

Les motifs ont donc été d’abord reportés sur un calque et appliqués zone par zone sur les bords de la couverture. En broderie, le report d’un calque sur un velours ne peut se faire simplement au crayon à papier comme sur une simple feuille. Les brodeurs recourent alors à un outil, le pic-vite. En suivant le tracé du calque, sa pointe s’enfonce dans le papier et dans le tissu, créant ainsi un dessin fait d’une succession de petits trous.

« On passe ensuite une poudre spéciale qui permet de déterminer les contours et on fixe avec de l’alcool », précise Sylvie Deschamps. Pour le fac-similé de Loti, les brodeurs ont ensuite rasé les poils à l’intérieur du motif, puis appliqué une couche de peinture argentée avant de broder le fil d’argent par-dessus. Différentes techniques de points ont été utilisées selon les dessins, faits de caractères mais aussi de motifs de petits carrés et de volutes. En dernière étape, les artisans ont façonné une frange de fils et de pampilles à boules d’argent, cousue sur les bords de la couverture à l’aide d’une machine à coudre industrielle.

Remise en avril à la mairie de Rochefort, la couverture attendra la réouverture de la Maison de Pierre Loti pour être dévoilée au public, en juin 2023.