Bulles d’ici et là… Didier Quella-Guyot : « Se créer une réalité augmentée »

Didier Quella-Guyot, dans sa maison à Saint-Julien-l’Ars, près de Poitiers. Le scénariste et critique sur BDZoom.com a publié plus d’une trentaine de BD ces vingt dernières années. Il sortira en mars le Tome 2 de Facteur pour femmes, et en avril, Halifax,

Didier Quella-Guyot, dans sa maison à Saint-Julien-l’Ars, près de Poitiers (Vienne). Le scénariste et critique sur BDZoom.com a publié plus d’une trentaine de BD ces vingt dernières années. Il sortira en mars, le Tome 2 de Facteur pour femmes, et en avril, Halifax, mon chagrin. © (Photo NR, Patrick Lavaud)

  

Professeur à la retraite à Poitiers (Vienne) depuis trois ans, Didier Quella-Guyot se consacre pleinement à sa passion pour la bande dessinée, en écrivant des scénarios qui font voyager.

Plus jeune, Didier Quella-Guyot lisait, entre autres, Les Aventures de Tintin. Il aimait les récits, et plus particulièrement les dessins de la BD. « J’aurais aimé devenir dessinateur, mais je ne dessinais pas assez bien », se rappelle le natif de Rochefort (Charente-Maritime). Il continue pourtant à lire de nombreuses bandes dessinées, même à la fac de Poitiers, où il étudie pour devenir professeur de lettres modernes.

En 1980, il commence sa carrière d’enseignant dans un lycée professionnel, et, parallèlement, termine une thèse sur le thème « Jeu de mots et création verbale autour de la bande dessinée francophone ». Il se penche alors sur les auteurs d’ouvrages qui passionnent autant les enfants que les adultes : Goscinny, Hergé, Greg ou encore Godard.

Sensibiliser les enseignants à la bande dessinée

Il organise, à partir de 1990, des stages pour d’autres enseignants, afin de développer leur culture BD et leur montrer comment étudier ces œuvres à des fins pédagogiques, en cours d’histoire ou de français. Il essaime dans l’académie de Poitiers et dans toute la France, jusqu’en 2014. « Je trouvais, à l’époque, qu’il y avait beaucoup de formations sur le cinéma pour les enseignants, et que la BD était sous-estimée », pointe-t-il du doigt.

Pour lui, le neuvième art est pourtant une source documentaire à étudier avec les élèves, et un support d’analyse littéraire pour aborder la narration par le texte, mais aussi par l’image. Une narration à la fois continue et discontinue, découpée en cases et en planches… « À force d’inviter des auteurs pour parler de leur travail, l’envie d’écrire m’a plus que titillé », explique le fondateur de la base de données L@BD, ainsi que de nombreux ouvrages pédagogiques (Collection De case en classe).
Il se met alors à écrire des scénarios et sort, dix ans plus tard, Mélusine, Fée serpente (2000). Depuis,
le retraité de 65 ans a publié une trentaine d’albums, dans divers séries, et a écrit  « autant d’histoires publiées que non publiées ».

 » J’ai besoin de sortir de l’ordinaire, de voyager « 

Papeete, Facteur pour FemmesSpywareL’Île aux remordsLa Rochelle… Le scénariste explore les territoires et les univers. « J’ai besoin de sortir de l’ordinaire, de voyager. Je m’inspire de mes propres périples ou d’une lecture, au hasard, qui m’intéresse. Je reste plutôt dans les 19e et 20e
siècles, et il y a souvent un arrière-plan historique documenté. »

Et quand on lui demande pourquoi il écrit, il conclut : « Le fait de s’inventer des histoires, c’est une grande satisfaction ; on se fait plaisir en allant au-delà de sa propre vie et de la réalité, en vivant des choses qu’on ne pourra pas vivre en voyageant, dans le temps ou dans l’espace. C’est comme une sorte de réalité augmentée qui se crée. Il y a aussi l’envie d’écrire des histoires que quelqu’un d’autre dessine, ainsi que le fait d’être lu et apprécié. « 

 À QUOI RESSEMBLE
UN SCÉNARIO DE BD ?

 » L’écriture d’un scénario est un travail qui demande beaucoup de réflexion et de recherches. Il faut prendre en compte le nombre de planches, décrire l’histoire case par case… Aux petits story-boards, je préfère rédiger complètement ma description et les dialogues. Il y a aussi toute une partie dans laquelle je présente les personnages. C’est par là que je commence mes discussions avec le dessinateur. Il y a ensuite des échanges et des remises en question, avant d’aller convaincre un éditeur, dans un secteur devenu très concurrentiel. « 

FFRÈRES D’HISTOIRE

Didier Quella-Guyot a un frère jumeau, Alain Quella-Villéger. Comme lui, il est professeur à la retraite (histoire-géographie) et, comme lui, il aime raconter des histoires, mais davantage dans des livres historiques. Ensemble, les deux frères ont adapté pour la première fois le livre d’Alain, Evadées du harem – affaire d’Etat et féminisme à Constantinople (1906), dans une bande dessinée parue en 2020 aux éditions Steinkis, et illustrée par Sara Colaone. Natifs de Rochefort, ils préparent également, pour 2022, Pierre Loti voyageur, avec le dessinateur Pascal Regnauld.

Une planche tirée de l'album Evadées du Harem.
Une planche tirée de l’album Evadées du Harem.
© (Didier Quella-Guyot, Alain Quella-Villéger et Sara Coloane, Editions Steinkis)