Le soleil se lève à l’est de l’artère, sur une entrée de l’ancien hôtel de Cheusses. Au centre de la cité, c’est le lieu du pouvoir militaire de la Marine où la Majorité générale et son amiral dirigeaient le port et l’arsenal. Là, l’officier de marine Julien Viaud eut un bureau.
En cette fin de XIXe siècle, pour rentrer chez lui, rue Saint-Pierre, le futur écrivain Pierre Loti remontait l’axe vers l’ouest, où le soleil disparaissait derrière la porte Lesson. Car l’avenue La Fayette est l’axe central est-ouest, équivalent du décumanus maximus des villes romaines, qui partage en deux Rochefort, ville nouvelle du XVIIe siècle.
Au départ, la porte n’existait pas. Elle fut ouverte dans le rempart en 1864 pour faciliter la communication directe entre le centre et le faubourg du sud-ouest. Ainsi, elle facilita l’accès à l’église de la Vieille Paroisse, aux quartiers des Frelands, de Chante-Alouette et la rue des dix Moulins (actuelle rue du 14-Juillet) conduisant à la route de Soubise, c’est-à-dire au bac traversant la Charente.
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Du lustre
Cette entrée dans la ville intra muros (actuelle esplanade Jean-Louis Frot) reste l’une des plus fréquentées, d’autant que la rue était et reste la plus large du centre-ville. La seule aujourd’hui ayant deux voies de circulation séparées et des places de stationnement des deux côtés. Avant le développement de la circulation automobile, les trottoirs étaient cependant plus larges et plantés de beaux arbres taillés au carré.
“Il fallait conserver un caractère somptueux à cette artère de la cité arsenal dont l’existence tenait à la seule volonté du grand Roi”
C’est qu’il fallait conserver un caractère somptueux à cette artère de la cité arsenal dont l’existence tenait à la seule volonté du grand Roi. Voilà pourquoi la rue La Fayette était autrefois la rue Dauphine et l’avenue de Gaulle, la rue Royale, avant qu’elle ne soit la rue de l’Arsenal.
Début de laïcisation
Comme toutes les rues, elle fut débaptisée et renommée. Pendant la Révolution, on la nomma rue des Fédérés, puis de la Fraternité. Sous l’Empire, en 1808, elle devint rue de l’Impératrice pour, à nouveau, reprendre le nom de rue Dauphine en 1815 avec le retour de Louis XVIII.
Le nom de La Fayette surgit seulement en 1830. Pas du tout en raison du départ, nocturne et secret, du célèbre marquis en 1780 sur « L’Hermione ». Mais pour le remercier de son rôle dans l’avènement de la monarchie de Juillet lors de la Révolution des Trois Glorieuses de 1830. Le député local, Audry de Puyravault, en avait été un acteur important, si bien que la municipalité libérale décida d’attribuer à ces héros deux des plus importantes rues du centre. C’était le début de la laïcisation de l’espace.
Notons que c’est seulement en 1918 que les Rochefortais redécouvrirent vraiment l’épisode du départ de « L’Hermione », quand les Américains, entrés en guerre auprès des alliés de l’Entente, se trouvaient à Rochefort. Le restaurant La Fayette était d’ailleurs un peu leur quartier général et c’est là qu’ils régalèrent en janvier 1919 leurs invités français avant leur départ. Au menu, filet de sole sauce Rochefort et French fried potatoes.
Rue de la notoriété
Si la rue Royale était et restera la rue essentiellement commerçante, la rue Dauphine était plus propice à la résidence, à l’édification de belles maisons, parmi les premières d’ailleurs, où les notables pouvaient faire étalage de leur position. La rue La Fayette était bordée d’immeubles dont certains étaient des lieux du pouvoir économique : la banque Roy Bry (célèbre maire protestant sous le Second Empire) s’élevait à la place du commissariat actuel, en face des halles. Viendront d’autres banques dont le Crédit lyonnais. Certaines subsistent aujourd’hui : Crédit agricole, CIC ou encore les assurances AXA et Groupama. Les foires mensuelles s’y étendent toujours.
La rue accueillait aussi des hôtels, des restaurants et des cafés : l’hôtel du Grand Turc au n° 6, à l’entrée de la rue, semble avoir été un des plus anciens de la ville. À l’angle de la rue de la République, vécurent longtemps l’hôtel Continental (Macif) et en face, le café de Paris, célèbre avant et après la guerre 14-18 pour ses concerts et ses bals masqués. Complètement modernisés dans les années 1960, les locaux, et plus précisément la terrasse, accueillirent les vedettes des Demoiselles de Rochefort pendant le tournage du film en 1966.
Si l’avenue reste très passante aujourd’hui, elle a perdu son garage station-service, beaucoup de ses restaurants, commerces et cabinets médicaux, tous partis s’implanter ailleurs, en périphérie. En revanche, la loge maçonnique subsiste, discrètement, au n° 63.
Avec l’aide de l’historien Alain Dalançon, vice-président de la Société de géographie.
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