(Article de Jean Nonin dans le bulletin de l’Association Internationale des Amis de Pierre Loti-n°1 de décembre 1999)
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Elles sont à classer en trois catégories :
- L’ordre de la Légion d’honneur
- Médailles et décorations françaises
- Ordres et médailles étrangers
Ordre de la Légion d’honneur :
- Chevalier au titre du Ministère de la Marine (décret du 5 juillet 1887 du président de la République
Pierre Loti écrivait, le 13 juillet 1887, à son oncle Lieutier :
Mon bon oncle,
Pardonne moi d’avoir tant tardé à répondre à ta dépêche. Je savais déjà ma décoration quand je l’ai reçue ; mais j’ignorais si j’étais décoré par la Marine ou par l’instruction publique, car il y a un conflit entre les deux ministères et j’ai failli l’être deux fois (…)
Je vous embrasse bien affectueusement tous les deux. Vôtre Julien.
- Officier au titre du Ministère de la Marine (décret du 16 avril 1898 du président de la République)
Le diplôme est rédigé au nom de Viaud, Louis, Marie, Julien lieutenant de vaisseau en retraite, membre de l’Académie française.
Dans le coin supérieur gauche, une note manuscrite est libellée comme suit :
A la suite du Conseil d’Etat en date du 24 février 1899, qui a annulé la décision présidentielle du 24 mars 1898, par laquelle M. Viaud avait été admis à la retraite d’office, cet officier de marine par décret du 21 mars 1899 a été réintégré dans le cadre de l’activité, sans interruption de services. il doit par suite être qualifié « Lieutenant de Vaisseau ».
Paris, 3 août 1908
Le Grand Chancelier
(Pour plus de détail, voir « Pierre Loti, le pèlerin de la planète », par Alain Quella-Villéger. Editions Aubéron, 1998).
- Commandeur au titre du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (décret du 1er août 1910 du président de la République)
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Le diplôme est rédigé au nom de M. Viaud, dit Pierre Loti membre de l’Académie française.Le 5 novembre 1910 à bord de « La Patrie », la remise de cette décoration a eu lieu, suivie d’un déjeuner ; au dessert M. le vice-amiral Eugène de Jonquières prononça un toast, suivi d’une réponse de Pierre Loti.
(Voir Sillages dans les mers du Sud, par l’amiral Decoux. Librairie Plon, 1953, pp. 230 à 234).
Toast prononcé par le vice-amiral de Jonquières au déjeuner offert le 5 novembre 1910 à bord de « La Patrie » à l’occasion de la remise de la croix de commandeur au capitaine de vaisseau Viaud (Pierre Loti) de l’Académie française.
La ora na oe, Loti, I te Atoua maou ?
Aoue ! toou maourourou ia a apiti toua iti e !
Vous me pardonnerez, mesdames et messieurs, d’exprimer à Loti dans la langue tahitienne la joie que j’éprouve de notre réunion d’aujourd’hui. Ces paroles, il les a entendues jadis prononcées par des lèvres plus gracieuses que le miennes, mais non pas inspirées par une plus sincère affection.
Mon cher Commandant et Ami, voilà bien des années que l’Ecole navale rapprocha pour la première fois nos destinées et noua entre nous des liens d’amitié qui n’ont fait que se resserrer avec le temps. Depuis cette époque lointaine, tout en accomplissant avec un zèle inlassable tous vos devoirs d’officier et en poursuivant une active carrière sur toutes les mers, vous avez honoré la Marine par l’éclat d’une gloire littéraire qui, elle aussi, a fait le tour du monde.
C’est avec joie et reconnaissance que la Marine s’est associée ce matin à la haute distinction que vous a conférée le Gouvernement de la République ; le Général Dain a bien voulu nous apporter les suffrages de nos Frères de l’Armée Coloniale ; Monsieur le Sous-Préfet et Monsieur le Maire de Toulon nous ont fait l’honneur de nous donner par leur présence un précieux témoignage de leur sympathie.
Des femmes élégantes, d’exquises jeunes filles sont à cette table l’expression vivante de la grâce et de la beauté dont vous avez été le chantre passionné ; elles vous savent gré d’avoir ajouté les silhouettes émouvantes d’Aziyadé, de Rarahu et de Gaud à ces images touchantes et immortelles qui flottent à travers les siècles dans la mémoire des hommes et qui se nomment chloé, Manon ou Virginie, Atala, Graziella ou Thaïs.
Poète ! je lève mon verre en votre honneur, je bois à votre santé et à la longue fécondité de ce talent inspiré qui a enrichi tant de perles nouvelles l’éblouissante couronne de la littérature française.
Réponse de Pierre Loti
Mon cher Amiral,
Je me sens beaucoup plus troublé pour vous remercier ici en quelques mots, que s’il s’agissait de prononcer un long et ennuyeux discours à l’Académie française.
Lorsque je vous ai demandé de bien vouloir me remettre cette croix, je pensais que vous me l’auriez donnée de la main à la main, tout simplement et sans témoins. Cela seul eût été déjà pour moi une joie, et un honneur, de la tenir de vous qui étiez mon voisin de bureau à l’Ecole, le compagnon habituel de nos monotones promenades sur le pont du « Borda » – vous en souvenez-vous ? – et qui avez été depuis le premier Amiral de notre promotion.
L’idée ne m’était même pas venue que vous ajouteriez à cette formalité l’éclat d’une cérémonie ; je ne puis assez dire combien j’en suis touché et même confus. Certes, en agissant ainsi, vous avez eu l’intention d’honorer ces Lettres Françaises, auxquelles du reste vous appartenez vous-même. Mais je crois que vous avez voulu surtout – une suprême fois – donner à votre ancien ami du « Borda » l’illusion d’être encore un peu des vôtres…C’est qu’en effet, à moins d’une guerre qui me rappelle au service, ce jour hélas ! est le dernier sans doute où je porterai, à bord d’un de nos cuirassers d’escadre, l’uniforme que j’ai tant aimé…Or, voici que la mélancolie de cette fin et de cet adieu se trouve beaucoup atténuée par les exquises choses que vous venez de me dire, par cette manifestation de sympathie dont je viens d’être l’objet de la part de mes chers camarades et qui restera l’un des plus inoubliables souvenirs de ma vie d’officier. C’est de tout cœur que je vous remercie, vous d’abord, mon Cher Amiral, et que je remercie tous ceux qui, à votre table ou sur le pont du « Patrie », m’ont si amicalement entouré.
Pierre Loti
- Grand officier au titre du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (décret du 16 janvier 1914 du président de la République)
Décoration remise le 2 février par le président de la République, Raymond Poincaré.
(Voir « Au Service de la France », tome IV : l’Union Sacrée, par Raymond Poincaré. Librairie Plon, 1927, pp. 49 et 50).
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- Grand’Croix au titre du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (décret du 29 décembre 1921 du président de la République Alexandre Millerand)
Le 26 avril 1922, dans la salle Renaissance de sa maison de Rochefort, en présence des membres de sa famille, de l’amiral Charlier (père de madame Samuel Viaud), du contre-amiral de La Taste préfet maritime de Rochefort, l’amiral Lacaze lui remet cette distinction.
Médailles et décorations françaises :
- Médaille du Tonkin, de la Chine et de l’Annam au titre du Ministère de la Marine et des Colonies – médaille commémorative instituée par la loi du 6 septembre 1885 (diplôme daté du 3 mai 1886)
- Médaille de l’expédition de Chine au titre du Ministère de la Marine – médaille commémorative instituée par la loi du 15 avril 1902 (diplôme daté du 15 octobre 1902)
- Médaille de la campagne de 1870-1871 au titre du Ministère de la Marine – médaille commémorative de la campagne de 1870-1871 instituée par la loi du 9 novembre 1911 (diplôme daté du 10 octobre 1912)
- Croix de guerre 1914-1918, avec palmes, citation à l’ordre de l’armée, le 28 juin 1918. Remise publiquement, à Rochefort, lors des cérémonies du 14 juillet.
- Citation : (Ordre 8197D)Le Maréchal commandant en chef les armées de l’Est.
Le capitaine de vaisseau Viaud (Pierre Loti), bien que dispensé par son âge de toute obligation militaire a repris du service dès le début de la guerre donnant ainsi un bel exemple de dévouement et de patriotisme. A rempli sous le feu de l’ennemi, notamment à la « Tête de Béhouille » (Est de Saint-Dié) », en forêt d’Apremont, et au fort de Manonviller, plusieurs missions dont il s’est acquitté à l’entière satisfaction de ses chefs.
Au Grand quartier Général, le 23 juin 1918.
Le Maréchal commandant en chef les armées de l’Est.
Pétain
Ordres et médailles étrangers :
Les ordres et décorations étrangers décernés à M. Julien Viaud, suivi parfois de Pierre Loti sont plus nombreux que ceux décernés par la France. En effet, neuf pays ont honoré Pierre Loti avec 16 décorations dont 3 n’ont pas été identifiées.
De 1887 à 1902, la Roumanie, la Tunisie, l’Espagne, la Grèce, la Turquie, la Perse, le Cambodge, l’Autriche et l’Annam-Tonkin ont voulu honorer Pierre Loti pour les services rendus et ses voyages effectués dans ces pays.
- Roumanie : Croix d’officier d’Etoile de Roumanie, 2 octobre 1887
- Tunisie : Commandeur de l’Ordre du Nichan Iftikar, 17 novembre 1898
- Espagne : Chevalier de l’Ordre de Carlos III, 3 février 1891
- Grèce : Croix d’Officier de l’Ordre Royal du Sauveur, 21 octobre 1893
- Turquie : Décoration de 2ième classe de l’Ordre Impérial de Madjidié, 26 mai 1894
- Espagne :
- Croix de 1ière classe de l’Ordre du Mérite Naval, 3 mars 1893
- Croix de 2ième classe de l’Ordre du Mérite Naval, 21 mars 1898
- Chevalier Grand’Croix de l’Ordre Royal d’Isabelle la Catholique, mai 1898
- Turquie : Décoration de 2ième classe de l’Ordre de l’Osmanié, 2 juin 1900
- Perse : Grand’Croix 1ière classe de l’Ordre du Lion et du Soleil de Perse avec grand cordon vert, 29 mai 1901
- Cambodge : Médaille d’or de l’ordre Royal, 27 novembre 1901
- Autriche : Croix (Comthurkreuz), 16 avril 1902
- Annam-Tonkin : Plaque d’honneur en or dite Kim-Khanh de 1ière classe
Cette énumération indique que l’Espagne a décerné à Pierre Loti 4 décorations, cela s’explique du fait que les périodes de 1891 à 1893 et de 1896 à 1898 sont celles pendant lesquelles il était commandant du « Javelot »,
stationnaire de la Bidassoa, et par l’alternance de 6 mois, Vice-roi de « L’île des Faisans », possession de l’Espagne et de la France.
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En ce qui concerne la Turquie, une des décorations lui a été remise lors de son voyage dans ce pays en 1894, à son retour d’Egypte. Sur la décoration de 1900, on ne se sait rien de la date et du lieu de sa remise à Pierre Loti ; le diplôme est daté du 2 juin 1900, alors qu’il était encore en Perse.
Cliquez sur ce lien pour lire l’article de Jacques Darchen :