Les coulisses du château de Castelnau-Bretenoux

Château de Castelnau

Ce dossier est issu de Midi, le magazine dominical de La Dépêche du Midi, à retrouver en ligne sur notre kiosque numérique.

Aussi élégante qu’imposante, l’immense forteresse médiévale se détache sur le ciel bleu du Quercy. Sur la commune de Prudhomat, à l’extrême nord de notre région, Castelnau-Bretenoux peut se targuer d’être l’un des plus grands et des plus majestueux châteaux du département. Dès l’arrivée sur le site, l’effet est immédiat : il se dresse, sur son éperon rocheux, et ne demande qu’à être conquis.

Ce matin-là, sur le parking accueillant les touristes, ni autobus ni familles. Le mardi est le jour de fermeture hebdomadaire au public et les engins de chantier en profitent pour effectuer leurs allées et venues plus librement qu’à l’habitude : une partie du château est actuellement en travaux, et le reste de la semaine, les visiteurs et les artisans se partagent les lieux.

Pour accéder au site, il faut emprunter un sentier dallé qui arpente le bourg castral. Les habitations de charme, bâties dans la même pierre ocre que le château et recouvertes de végétation, lui font écho, ainsi que les toits de tuiles plates très pentus, caractéristiques de la région. L’ensemble féodal a été construit au XIIIe siècle, par l’une des grandes familles du Quercy, les Castelnau. Au fil des époques et de ses propriétaires, il s’est agrandi, embelli, jusqu’au XVIIe siècle, puis a subi une destruction partielle, un incendie au XIXe, pour connaître encore une nouvelle vie quelques décennies plus tard.

La chambre du château – GETTY IMAGES

Cet été, sa façade extérieure Ouest est masquée par un échafaudage. À ses pieds, la bétonnière tourne déjà depuis un moment. La chaux vole dans l’air encore frais de la matinée. Le meilleur moment pour travailler, car dans quelques heures, les artisans devront composer avec le plein soleil. Éric Philippeau est chef de chantier au sein de la société Vermorel, basée en Aveyron, spécialisée dans la restauration du patrimoine. C’est lui qui dirige les opérations en cours à Castelnau. « Ici, il s’agit de conserver, et non de restaurer, explique-t-il en montrant les murs de défense médiévaux. Notre mission, en ce moment, consiste à remailler les pierres, en pratiquant des injections de colle. En soi, ce n’est pas très difficile. Ce qui l’est plus, c’est l’accès ! Un château fort, ce n’est pas fait pour qu’on y entre facilement. » Éric avait déjà conduit la première tranche des travaux ici, deux ans plus tôt, qui avait nécessité l’utilisation d’un hélicoptère et d’une grue pour évacuer les gravats. L’idée est surtout de garder le plus possible les pierres enlevées, pour ne pas avoir à remplacer de l’ancien avec du neuf. « La partie la plus ancienne est bâtie en calcaire gréseux rouge, qui ne se trouve pas facilement. Elle est assez fragile et dure à mettre en œuvre. »

Eric Philippeau – Claire Villard

« Chaque matin je prends une photo du paysage »

Les artisans se déplacent de palier en palier sur la grande structure métallique, solidement fixée aux murs du château. À 15 mètres au-dessus du sol, la vue s’ouvre sur la vallée de la Dordogne. En quelques pas sur l’échafaudage, Éric rejoint le sommet de la tour Ouest, en cours d’étanchéification. Il est ici à 30 mètres de hauteur, et jouit d’un panorama à 360 °C. « C’est magnifique, je ne peux pas m’empêcher de prendre une photo chaque matin, car ce n’est jamais le même paysage… »

Sous ses pieds, se trouve une partie des logements médiévaux, datant des XIVe et XVe siècles. Toute cette partie ouest n’est pas ouverte au public mais fait également l’objet de travaux de conservation. Reprise de la maçonnerie, consolidation des murs, Éric et son équipe sont intervenus sur les zones les plus sensibles. À l’entrée d’un étroit couloir, un énorme linteau a dû être changé pour que les murs ne s’effondrent pas sous le poids des siècles. L’expert avance à l’intérieur du tout petit corridor, et à l’aide de sa frontale, éclaire les murs. « Ici, nous avons repris les enduits rouges, qui dataient du XVIe siècle. »

Le chantier se poursuit dans les espaces adjacents, et notamment dans la tour résidence, la partie la plus ancienne de l’ensemble. Là, les pièces sont vastes, hautes de plafond. Vides, mais leur taille et les couleurs sur les murs laissent imaginer le luxe et le raffinement qui pouvaient y régner autrefois. Car nous sommes ici dans les anciens appartements seigneuriaux.

Faste et élégance des anciens appartements

Pascale Thibault est conservatrice du patrimoine et administratrice du château depuis une vingtaine d’années. Elle le connaît sur le bout des doigts. « La pièce la plus spectaculaire de la tour résidence est la dernière, au troisième niveau. Il s’agit de la salle noble, la salle de réception officielle. Le fait qu’elle se situe tout en haut de la tour est hautement symbolique. » Celle-ci est percée d’ouvertures élégantes, en particulier du côté de la cour, avec de belles baies voûtées à colonnettes, qui donnent sur la tour d’artillerie.

Pascale Thibault – Claire Villard

Si le domaine de Castelnau-Bretenoux est aujourd’hui en si bon état, c’est en partie grâce aux opérations récentes et régulières de sauvegarde du site, mais aussi aux travaux déjà effectués au tournant des XIXe et XXe siècles, par un homme, Jean Mouliérat.

« Un ténor célèbre qui s’est illustré sur la scène de l’opéra-comique à Paris à la fin du XIXe siècle. Originaire d’un petit village près de Cahors et attaché à sa région, il a acquis le château en 1896 », relate Pascale. Victime d’un incendie, certainement criminel, en 1851, la forteresse est en grande partie ravagée, notamment l’aile Ouest, la plus richement ornée. L’artiste entreprend alors une réfection colossale mais… à la mode du XIXe siècle. Des planchers, plafonds, charpentes, sont refaits à neuf, un escalier abattu, des ouvertures transformées, dans un esprit néogothique. Cela sauve le bâti de la ruine, mais le transforme en profondeur. « Cela fait partie de son histoire », estime Pascale. Et le nom de Mouliérat est désormais indissociable de celui de Castelnau.

« On ne s’attend pas à trouver ça ici »

Car l’homme ne s’est pas contenté de jouer les architectes. Il s’est emparé des lieux et en a fait sa résidence secondaire, à son image. « Ses appartements se situaient dans l’aile Est. À sa mort, en 1932, il a légué le château ainsi que tous les objets d’art qui s’y trouvaient à l’état, avec une exigence : laisser en place les collections, et les présenter en l’état. » Il n’a donc pas été question d’imaginer un musée. Au contraire, conformément aux souhaits du ténor, les visiteurs peuvent aujourd’hui parcourir l’aile Est telle qu’il l’avait aménagée.

L’entrée se fait par le donjon. Au premier niveau, sept salles se succèdent, toutes plus étonnantes les unes que les autres. Grand amateur d’art, Jean Mouliérat s’est constitué une collection des plus éclectiques, composée de riche mobilier et d’objets d’époques différentes. Dans sa chambre notamment, des portraits de hautes personnalités politiques. « D’un côté du lit, nous avons Henri IV, mais de l’autre, ce n’est pas Marie de Médicis mais une parfaite inconnue ! Tout cela était fait pour faire impression », explique Pascale Thibault. Coffres gothiques, chaises de la Renaissance, statues religieuses… « Chaque œuvre a en elle-même beaucoup d’intérêt, mais on ne s’attend pas à trouver tout cela ici. On accumule, on mélange les genres. On retrouve le goût pour la mise en scène qui caractérisait Mouliérat. »

Entre la projection dans le passé fastueux des barons de Castelnau et les opérations actuelles de conservation qui assurent l’avenir du château, cette « ruine posée en couronne sur un piédestal garni de verdure », comme l’écrivait Pierre Loti, transcende définitivement les goûts et les modes.

Plus d’infos :

Animations familiales

À Castelnau cet été, visites en famille « Grandir au temps des châteaux forts » les lundis et jeudis à 10h30 et 14h30, jusqu’à fin août (tarif 6,5 € ou 8 €). Réservations : 05 65 10 98 00.
Le 25 août, « La folle visite » avec la compagnie de théâtre Crapahutes à 20h30. Réservations : 05 65 33 81 36.

Renseignements : www.castelnau-bretenoux.fr

 

Montal, le château voisin

À moins de 10 km de Prudhomat, se visite le château de Montal. Celui-ci est plus ancien que son voisin, et reflète les grands traits de la Renaissance française.

Il est célèbre pour ses frises et ses hauts reliefs qui ornent ses façades, qui exprime la pensée et évoquent le destin de la Dame de Montal. Comme le château de Castelnau-Bretenoux, il est classé au titre des Monuments nationaux.

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Via LaDepeche

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