Les trésors de Pierre Loti restaurés

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A Rochefort, les travaux pour sauver le plafond de la mosquée, pièce maîtresse de la maison natale de l’écrivain-voyageur, ont commencé. Le début d’un chantier hors norme.

Rochefort (Charente-maritime), vendredi. La restauration du plafond rapporté de Syrie en 1894 par l’écrivain-voyageur Pierre Loti, qui avait créé une mosquée dans sa maison, a commencé.

C’EST UN CHANTIER titanesque et l’une des restaurations patrimoniales les plus enthousiasmantes et ardues du pays. A Rochefort (Charente-maritime), des experts se relaient même durant le confinement pour sauver la maison natale et les collections de Pierre Loti, l’écrivain-voyageur, auteur de « Pêcheur d’islande » et de « Ramuntcho ». Ces techniciens ressuscitent actuellement la pièce maîtresse de cette demeure, le plafond en bois de peuplier de la mosquée créée par l’académicien excentrique. Cet ensemble a été rapporté de Syrie en 1894 par Pierre Loti et cloué à la charpente. Il menaçait de s’effondrer, comme la totalité de cette bâtisse du XVIIE siècle, fragilisée par les multiples interventions de l’écrivain.

« Personne ne sait comment ce plafond a pu tenir. Les clous qui le maintiennent sont rouillés et le bois a perdu 30 % de son volume, rongé par des vrillettes », confirme David Bodin, directeur de la culture de la ville de Rochefort. Les dégâts causés par ces minuscules coléoptères sont visibles à l’oeil nu : des décors grignotés, rabotés et des milliers de « trous d’envol » apparaissent sur cette oeuvre incroyable. « Ce plafond a été réalisé avec une technique syrienne ancestrale, l’ajami. Cela consiste à créer sur le bois des reliefs en plâtre sur lesquels sont appliqués des feuilles d’or ou d’étain et des pigments minéraux de couleur », détaille Elsa Ricaud, architecte du patrimoine chargée de ce chantier hors norme estimé à 10 millions d’euros, dont 600 000 € rien que pour ce plafond.

Pierre Loti, lui, n’a laissé ni plan ni archive. « On sait même qu’il a menti, comme souvent, sur la provenance exacte de ce plafond, qui ne vient pas de la mosquée des Omeyyades de Damas », souligne David Bodin. Les restaurateurs ont ainsi tâtonné, étudié chaque recoin avant de sortir le grand jeu : un système d’échafaudages courant des caves jusqu’au plafond, dépassant même la toiture pour former un parapluie étanche. « Nous avons dû répartir les charges, découper certains planchers pour étayer. Cela nous a demandé trois mois de travail », souffle le directeur.

L’inauguration est espérée pour juin 2023

Ces échafaudages permettent désormais à deux techniciens de travailler sous le plafond, et même au-dessus, allongés, pour atteindre les pièces de peuplier. Après les avoir traités contre les vrillettes, les experts renforcent les bois. « Nous rebouchons chaque trou d’envol à l’aide d’aiguilles et d’un système de goutte à goutte pour combler les vides par de la masse. Les résines utilisées ont été testées en laboratoire puis in situ. Tout doit être réversible », assure Elsa Ricaud.

Un textile sera ensuite collé sur l’envers du plafond pour le consolider définitivement puis un châssis métallique ajouté pour éviter tout chute. Ce travail de forçats achevé, les restaurateurs pourront redonner ses couleurs originelles au plafond. L’ultime opération, lorsque toute la maison et ses fondations auront été sécurisées et restaurées. L’inauguration est espérée pour juin 2023, un siècle après le décès de Pierre Loti.