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Oh ! les étranges cavaliers, vus au repos et dans le lointain. Sur leurs petits chevaux maigres, sur leurs hautes selles à fauteuil, on dirait de vieilles femmes enveloppées de longs voiles blancs, des vieilles poupées à figure noire, des vieilles momies. Ils tiennent en main de très longs bâtons minces recouverts de cuivre brillant, – qui sont des canons de fusil, – leur tête est toute embobelinée de mousseline, et leurs burnous, sur le croupe de leurs bêtes, traînent comme des châles.
On s’approche et, brusquement, à un signal, à un commandement, jeté d’une voix rauque, tout cela se disperse, essaime comme un vol d’abeilles, gambade avec des cliquetis d’armes, en poussant des cris. Leurs chevaux, éperonnés, se cabrent, sautent, galopent comme des gazelles effarées, queue au vent, crinière au vent, bondissant sur les rochers, sur les pierres. Et, du même coup, les vieilles poupées ont pris vie, sont devenues superbes aussi, sont devenues des hommes sveltes et agiles, à beau visage farouche, debout sur de grands étriers argentés. Et tous les burnous blancs qui les empaquetaient se sont envolés, flottent maintenant avec une grâce exquise, découvrant des robes de dessous de drap rouge, en drap orange, en drap vert et des selles qui ont des rapies de soie rose, de soie jaune ou de soie bleue à broderie d’or. Et les beaux bras nus des cavaliers, fauves comme du bronze, sortent des manches larges relevées jusqu’aux épaules, brandissant en l’air, pendant la course folle, les longs fusils de cuivre, qui semblent devenus légers comme des roseaux.
Pierre Loti