Siem Reap : l’éveil d’une belle endormie

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Par CHRISTIAN SORAND

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Sur la terre ancestrale de l’empire khmer, Siem Reap, la belle endormie, nichée langoureusement entre forêt et eau, s’éveille soudain au monde, dans sa moiteur tropicale, encore empreinte du souvenir de Mouhot et de Malraux. Les charmes du prince du conte ont une apparence de velours et d’or, mais le vernis oriental risque fort de s’estomper sous le poids d’un regard vide et passager, uniquement fasciné par la poudre des magiciens en herbe, des faiseurs d’aventures modernes. Article de Christian Sorand, publié sur le site de notre partenaire Trait D’union 

Cité cambodgienne, étonnement moderne par ses infrastructures, Siem Reap est devenue l’antichambre des temples d’Angkor. En 1992, l’UNESCO classe Angkor sur la liste mondiale du patrimoine de l’humanité. Depuis, le site et la ville ne cessent d’accueillir un nombre croissant de visiteurs venant des quatre coins du monde.
Dorénavant, la ville est dotée d’un aéroport international ultramoderne. Et lorsque l’on se rend de l’aérogare au centre-ville, on s’aperçoit avec stupeur que la large avenue est bordée d’hôtels démesurés, aux styles plus tapageurs les uns que les autres.
Fort heureusement, le cœur traditionnel de la cité coloniale reste encore préservé, malgré quelques modifications récentes. Et si les ruines khmères des temples d’Angkor subissent journellement la marée des touristes, cela ne nuit ni à la magie ni à la spiritualité latente des lieux. Un second texte l’évoquera.
Pour l’heure, la balade du jour, se propose d’explorer ce qui subsiste des charmes d’une belle endormie, pour laquelle la présence de l’eau, la végétation tropicale et la fibre asiatique sont toujours de mise.

A la recherche d’un charme latent

Les tentacules de la ville nouvelle ne présentent aucun intérêt. Il en va tout autrement concernant le plaisir qu’on éprouve dans le centre historique.
Siem Reap offre un curieux mélange d’architecture chinoise, d’ambiance coloniale européenne, de marchés traditionnels khmers et aujourd’hui d’une touche de modernisme qui a imprégné le mode de vie cambodgien immuable. Senteurs exotiques, saveurs culinaires et spectacles de la vie journalière dominent le quotidien. Le cyclopousse côtoie le tuk-tuk ; les vélos ne sont pas en reste malgré le flot des deux-roues motorisés et des voitures. Le soir venu, dans les rues proches de la rivière, les emblématiques restaurants ambulants du sud-est asiatique rappellent encore la permanence orientale.
Les venelles de l’ancien quartier français conservent un parfum d’Indochine, empreint parfois d’une aura de mystère. On y trouvera quelques boutiques pouvant susciter la curiosité ; quelques bars, quelques cafés aussi, une foule de petits restaurants ne manquant pas de titiller les papilles gourmandes. L’étroitesse des passages piétonniers est délicieusement propice à l’ombre. Car dans la journée, il fait très chaud sous cette latitude. Ainsi, dans ce sympathique labyrinthe, destiné au vagabondage du marcheur, pourra-t-on retrouver aussi le souffle léger d’un passé pourtant révolu. L’un de ces lieux, oh combien emblématique, s’appelle ‘’Le Malraux’’.
A la fois bar et restaurant, ce lieu est un mélange de styles coloniaux français et chinois, accueillant toujours les francophones locaux. Cette adresse est presque une incongruité. Inévitablement, on évoque le souvenir fugace d’André Malraux (1901-1976), célèbre aventurier devenu écrivain, parlant des ruines désormais célèbres d’Angkor, dans un roman intitulé La Voie royale (1930). Bien avant lui pourtant, un autre infatigable voyageur, Pierre Loti (1850-1923), publie en 1901 Un pèlerin d’Angkor, à son retour d’un voyage en Indochine. Il se confie en ces termes : « J’ai tout essayé, tout éprouvé… Au fond des forêts du Siam, j’ai vu l’étoile du soir se lever sur les ruines de la mystérieuse Angkor… » Et pourtant, c’est un botaniste franc-comtois Henri Mouhot (1826-1861) à qui revient l’honneur d’avoir véritablement fait découvrir au monde l’existence des ruines d’Angkor en 1860.
La caractéristique principale de Siem Reap se trouve le long du cours de la rivière éponyme. De grands arbres centenaires couvrent de leur ombrage propice, cette véritable galerie naturelle. La municipalité a pris soin d’aménager les rives. Un chemin pédestre et des bancs invitent à la promenade. Le soir venu, ce jardin secret devient le rendez-vous local des jeunes couples. Quelques jolis ponts de bois, destinés aux piétons, viennent s’ajouter au charme du lieu.
Le vieux marché central (Psar Chaa) tente de conserver son authenticité cambodgienne, même si le long des trottoirs, les inévitables échoppes de souvenirs made in China, semblent lui donner un caractère factice. Il faut faire l’effort de jouer des coudes afin de se faufiler vers l’intérieur et d’y retrouver une couleur locale !
Les vieilles maisons à étages de style chinois du quartier participent désormais à l’industrie du tourisme. Certaines ont été rénovées et arborent de belles façades peintes, ajoutant une note festive au quartier.

Les folles nuits de Pub Street

La nuit venue, tout ce quartier central devient piétonnier et s’ouvre à une masse ininterrompue de touristes de tout âge.
Alors les néons et la musique battent leur plein. Les terrasses des cafés et des restaurants se peuplent de centaines de clients, étrangers pour la plupart. La bière, ridiculement bon marché, coule à flot. Toutes les cuisines s’affichent : indienne, française, italienne, thaï, mexicaine, plus rarement khmère…
La rue est investie par des marchands de glaces et de ‘’smoothies’’, ou par ceux proposant des brochettes de viandes, des fruits, des crêpes, des barbes-à-papa, ou tout ce qui peut plaire à cette foule composée aussi bien d’Asiatiques que d’Européens.
C’est de toute évidence une imitation de Khaosan Road à Bangkok. Car bien entendu, ni les boutiques de massages, ni celles vendant des produits aromatiques, ni même les boîtes de nuit, ne manquent à cette atmosphère nocturne, résolument axée sur le goût de la fête et du plaisir.
Il est vrai que cette manne profite aux Cambodgiens. Elle rehausse une économie qui a connu des années de vaches maigres sous le triste régime des Khmers rouges.

Quelques escapades agréables

Alors, pour échapper à ce flux tapageur, hormis le parc d’Angkor, où peut-on se rendre pour retrouver une atmosphère plus calme et plus en phase avec l’âme du voyage ?
Il y a une sortie qui s’impose d’abord : celle d’assister au coucher du soleil au-dessus des bassins d’Angkor-Wat. Même si un grand nombre d’autres visiteurs partagent cette idée, une fois sur place, il est toujours possible d’y trouver un coin favorable, en s’évadant du flot humain.
Le même phénomène existe au lever du soleil, malgré l’effort matinal que cela nécessite. Car, pouvoir voir le disque solaire s’élever lentement au-dessus des tours d’Angkor, demeure un spectacle féerique !
Dans l’après-midi, il existe une autre belle échappée : partir en direction d’un des villages lacustres de Tonlé Sap.
Véritable mer intérieure, le Tonlé Sap est une vaste étendue d’eau alimentée principalement par le Mékong, mais aussi par d’autres cours d’eau. Il est peu profond (un mètre en moyenne) et son étendue varie selon les saisons ou le niveau fluctuant des eaux alimentées par les pluies. La longueur du lac oscille entre 160 et 250 kilomètres. Il s’agit en fait de la plus grande réserve d’eau fraîche du Sud-Est asiatique.
C’est aussi l’une des plus importantes réserves de pêche au monde. La plupart des villages lacustres abritent essentiellement une communauté de pêcheurs. Les villages flottants du lac sont vietnamiens, sachant que le Vietnam revendique des droits sur les eaux de cette réserve naturelle.
Les villages riverains sont bâtis sur pilotis, dont certains ont des tailles démesurées. La variation du niveau des eaux explique cette curiosité architecturale. L’une des plus importantes communautés du Tonlé Sap est Kompong Khleang. Ce pittoresque village a l’avantage d’être à l’écart des groupes touristiques, car il est situé beaucoup plus loin de Siem Reap. Il est facile d’y négocier un bateau pour se rendre sur le lac. L’idéal est de s’y trouver au couchant.
Siem Reap se présente donc comme une étape intéressante, même si le but demeure la visite du parc d’Angkor. À ce propos, il est instructif d’aller au musée national d’Angkor, à Siem Reap, avant la visite des temples. Ce tout nouveau musée, conçu selon des critères techniques performants, permet de s’imprégner de la culture khmère. On peut y passer plusieurs heures. Le musée a aussi un petit café, une boutique et une librairie. Il est dommage qu’aucune brochure explicative ne soit disponible à l’achat pour enrichir la visite du musée.
La popularité mondiale des ruines d’Angkor a littéralement propulsé la petite ville de Siem Reap au rang des hauts-lieux touristiques de la planète. On peut le regretter d’une certaine manière. Mais d’un autre côté, cela apporte une prospérité inespérée au peuple cambodgien. Reste que les débordements que cela entraîne nécessairement doivent être maîtrisés et contrôlés, ce que les autorités s’efforcent de faire en fonction des moyens dont ils disposent.
La découverte des ruines d’Angkor reste donc une suite logique, qui sera l’objet de l’article suivant.

Bibliographie
Wikipedia
Musée national d’Angkor : https://siemreap.eu/decouvrir-siem-reap-cambodge/musee-national-dangkor/
Unesco : Angkor : https://whc.unesco.org/en/list/668/
Kampong Khleang :
https://blog.camboticket.com/kampong-khleang/

Lectures
André Malraux, La Voie royale,
Pierre Loti, Un pèlerin d’Angkorhttps://www.babelio.com/livres/Loti-Un-pelerin-dAngkor/242473